- J'ai l'impression, depuis très jeune, que la littérature est un acte d'amour non partagé, qui se construit de manière délibérée pour ne pas être partagé. J'ai toujours été gêné par les attentes que suscitent les romans, par exemple. Cette promesse de passions et d'aventures qui dès le début sont condamnés. Je trouve injuste la manière qu'on a d'élever des sentiments pour le pur plaisir de voir comment ils s'effondrent. Avec les écrivains, c'est la même chose, ils déposent en nous une phrase ou une image qui peut changer nos vies et, quand nous revenons de la révélation et que nous voulons chercher son origine, nous nous apercevons que ces écrivains sont morts depuis des lustres, comme on dit que ça arrive avec les étoiles mortes et ce qui nous parvient de leur éclat.
Les gens viennent à Athènes en pensant qu'ils vont trouver l'origine perdue. Et ils la trouvent, mais ils oublient que l'origine est le chaos, la nuit. Et ça, c'est un concept, cher frère siamois, que nous ne sommes pas préparés à comprendre. Nous, qui nous donnons de grands airs marxistes, existentialistes et autres «istes» tout pareils, nous ne sommes pourtant pas arrivés à une expression juste, exacte, profondément artistique de ce qu'est la mort.
Hellas, la mémoire est parmi les mots.
Hélas, l'âme est moiré par mille maux.
- Je ne partage pas une seule de tes paroles, a dit Matias.
- Au contraire, les seules choses que l'on puisse partager, ce sont les paroles. Celles que je partage tous les jours avec mes patients les aident à cohabiter avec la tristesse et à se familiariser avec l'horreur. C'est une négociation tenace et interminable, comme tout dans la vie. Je dirais même que la vie consiste peut-être en cette négociation, mais ça ne signifie pas que nous devions lui prêter trop d'attention.
Les artistes par vocation sont souvent précoces. Les artistes par accident arrivent tard à l'art, non par négligence ou aveuglement, mais parce que c'est la planche de salut à leur portée à un moment déterminé de leur vie. Pour d'autres individus, en des circonstances similaires, c'est à la religion qu'ils s'accrochent. Et pour d'autres encore, ni l'art, ni la religion, ni la science comme dirait Goethe, et ceux-là meurent jeunes, ou de manière sereine, au terme d'une existence anonyme.
Mark Sandman naquit à Boston le 24 septembre 1952. Il était l'aîné de quatre enfants dans une famille d'origine et de destin juifs. Guitelle H. Sandman, mère de Mark, quoique juive, ne croyait pas en Dieu. Le problème, c'est Dieu, lui, en revanche, croyait en elle et le lui démontra : il lui octroya la condition tragique d'élue en lui arrachant ses trois garçons.
«Théodore Géricault : L'orage détruit tout.»
- J'avais oublié ça. Qu'est-ce que tu ne comprends pas?
- À quoi tu faisais référence en parlant d'orage?
- Au naufrage de La Méduse. C'est un anagramme.
- Ah?
[...]
- «Le radeau de la Méduse : Au-delà de la démesure.»
Et au milieu de cette immensité, juste au moment où l’on sait qu’on est à peine un débris dans le cycle prodigieux de la Création, il reconnut une pupille dont la bonté divine soudain l’observait. Lui. Ce ver de terre. Ce parasite oublié dans le fumier.
-Le gothique est un genre qui dépend de l'espace. Il suffit de s'éloigner des noyaux de la vie urbaine pour régresser de deux siècles dans le temps.
On vous met dans la tête beaucoup de trucs dès que vous êtes petite. Il faut se marier, il faut avoir des enfants. D’accord. Mais si ce n’est possible, ce n’est pas possible. Vous ne venez pas au monde pour avoir des enfants. Vous venez pour donner de l’amour, de n’importe quelle manière. C’est ça notre seule obligation envers Dieu.