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EAN : 9782070203178
Gallimard (30/06/1950)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
RÉSUMÉ
Comment penser la réconciliation entre deux peuples voisins, deux nations contiguës, si proches et si marquées par leurs conflits passés ? Comment éviter que les crimes et génocides commis par l’un, n’engendrent un interminable processus de vengeances, de revanches, des rancœurs séculaires ? Peut-il y avoir pardon de la part des victimes sans que les responsables admettent, en leur for intérieur, leur culpabilité et le reconnaissent publiquement ? Une ... >Voir plus
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Dans la zone française de l'Allemagne occupée, entre Fribourg, Munich et Augsburg, un jeune officier français – Pierre Larmort, qui, bien entendu parle très bien l'allemand – s'éprend d'une jeune Allemande – Angélica Hencken, qui, bien entendu, parle très bien le français. Cette astuce – des personnages parfaitement bilingues, malgré la difficulté des deux langues – permet à l'auteur de donner de la profondeur à la relation entre Angelica et Pierre. Ce dernier n'envisage pas, contrairement à ce que pratiquent couramment les occupants – Américains, Britanniques, Français et Soviétiques –, de considérer la jeune Allemande comme une simple « prostituée-faute-de-mieux », obligée de se vendre pour quelques objets de base. Non, Pierre en est sincèrement épris. Mais Angelica se méfie, hésite, se laisse aller, veut y croire, puis disparaît.
C'est qu'il n'y a pas entre eux seulement la méfiance minimale qui peut exister entre deux êtres qui apprennent à se connaître, mais il y aussi et surtout les empreintes des traumatismes que les Allemands ont fait subir aux peuples européens, et en particulier aux Français, civils et militaires. Les deux jeunes gens demeurent donc chacun sur leur quant-à-soi, attirés l'un par rapport à l'autre, mais prudents, cette oscillation des sentiments prend souvent la forme d'échanges, de questionnements et de réflexions, d'ordre métaphysique, philosophique, sur la responsabilité, la culpabilité, le pardon, etc.
Ce qui est bien réussi dans le « roman », ce sont ces aller-retour permanents entre : 1) le niveau individuel – la relation affective, les secrets que semble cacher la jeune fille, l'énigme que représente aussi ses soudains changements d'humeur – ; 2) le niveau collectif – les groupes de militaires, des civils, etc. avec ses petits trafics, ses arrangements avec le règlement, la recherche d'un bonheur éphémère – ; 3) et le niveau géopolitique ou historique – le passé nazi, la guerre, les exactions, les génocides, les destructions, la traque des anciens tortionnaires – qui surdétermine les attitudes, les comportements, les choix.
Ainsi, lorsque Angelica et Pierre se « promènent » dans Fribourg, ville où habitait Angelica et sa mère, le lecteur découvre, de façon détaillée, l'état de décomposition des villes allemandes, dont les bâtiments sont pratiquement tous en ruine, les rues ont disparu sous des monceaux de gravats qu'il faut escalader pour progresser, au risque de se perdre. Les institutions sociales semblent inexistantes, chacun est livré à lui-même, doit se débrouiller dans une intense et épuisante compétition généralisée, situation dont savent profiter aussi bien les occupants, que les Allemands les plus habiles, promptes à s'enrichir sur la vulnérabilité des autres. le lecteur réalise ainsi l'état de misère et de déliquescence régnant au sein des populations allemandes.
Cette « promenade », ainsi que bien d'autres scènes, permettent à l'auteur d'introduire des dialogues de portée très générale, dialogues lors desquels les Allemands tentent de s'absoudre des crimes qu'ils ont, soit directement commis, soit laissé commettre « en regardant ailleurs ». Leur priorité est de jeter le voile sur ces années de guerre, de colonisation, d'extermination, ou bien d'en donner une interprétation très spécieuse, leur permettant de se disculper à bon compte.
L'auteur rend bien compte également du comportement des occupants français, des relations au seins des forces alliées, des recherches de suspects et des procès médiatisés. Trois personnages sont ainsi particulièrement mis en scène : 1) le frère d'Angelica, Hans, parfait exemple de dissimulateur ; 2) la logeuse chez qui le narrateur habite, Mme Grohmann, son appartement ayant été réquisitionné, elle tente d'en profiter pour obtenir l'appui des officiers qu'elle héberge ; 3) et une amie de la jeune fille, Gisela Messner, qui a choisi de travailler pour les forces d'occupation américaine. Cette dernière va aider Pierre et Angelica à quitter l'Allemagne. À ce propos, la dernière scène lors de laquelle, enfin surs de l'authenticité et de la solidité de leur relation, les deux amoureux franchissent la frontière, cette scène est saisissante, le suspense est interminable, avec la succession de contrôles des laisser-passer, le lecteur s'attendant à tout moment que leur fuite soit interrompue.
Cela aurait d'autant plus été possible qu'Angelica a été membre des jeunesses féminines hitlériennes – elle a la présence d'esprit de l'avouer par écrit à Pierre, après l'avoir provisoirement quitté. de plus, son frère Hans a été un éminent tortionnaire dans l'un des camps d'extermination – ce qu'il tentera de nier, puis d'en minimiser la gravité, puisqu'il n'y a exercé ses talents de tortionnaire « que » pendant trois mois. Il ne peut toutefois pas dissimuler longtemps sa cruauté, son journal intime prouvant à quel point il a exercé son rôle avec excès.
Les scènes avec la logeuse sont aussi très édifiantes. Cette dernière ne cherche pas seulement à minimiser sa culpabilité pendant la guerre, même si elle n'a pas fait partie d'une institution nazie. Elle met tout en oeuvre pour que sa fille puisse épouser un enseignant qui, lui, a participé aux activités nazies. Et dans ce travail d'entremetteuse, elle tente d'enrôler l'officier français qu'elle héberge.
L'une des forces d'Un amour allemand est de présenter alternativement les différentes catégories d'acteurs : Allemands, Alliés, militaires, civils. En ce sens, Georges Auclair tente d'adopter un point de vue « neutre », en surplomb, comme le ferait un juge omniscient et bienveillant. Cette position lui permet de montrer que, sous leur apparence de monstres, les Allemands, dans leur diversité, selon leur degré d'implication dans le nazisme, la barbarie, ont une facette humaine, déchirée, complexe, tiraillée entre la prise de conscience de leur culpabilité et le désir instinctif de survivre. Ce point de vue fictif lui permet également d'envisager la question du « pardon », d'en montrer la difficulté, l'impossibilité, mais simultanément, son caractère indispensable pour réduire le risque qu'une nouvelle conflagration viennent transformer une partie de l'humanité en monstre et l'autre en victime.
Auclair laisse aussi entendre, sans l'expliciter trop, que les individus choisissent, face à ces dilemmes, des stratégies différentes, qu'ils ont donc plus ou moins le choix de leurs parcours post-nazisme, comme ils ont eu le choix et pris des décisions, tout au long de la montée du nazisme et du déroulement de la guerre. L'auteur ne prétend pas non plus que les individus étaient totalement libres dans leurs choix. Il montre le rôle que jouent les institutions alliées et celles mises en place par le gouvernement allemand d'après-guerre – sous le contrôle allié –, pour régler la question de la reconstruction et de l'épuration. Si, après la capitulation, les Allemands font des choix, la possibilité de choisir n'est bien entendu pas infinie : elle est contrainte par les cadres réglementaires mis en place par les Alliés et les nouveaux dirigeants allemands, cooptés par les Alliés.
J'avais trouvé complètement par hasard dans une Boîte à livres, ce « roman », publié en 1950. L'exemplaire était en mauvais état, les pages se détachaient, la couverture était maculée. le mauvais état de conservation s'explique-t-il par la pénurie de papier qui devait régner au moment de sa publication (1950) ? Toujours est-il qu'il s'est désagrégé. La qualité de son contenu me semble mériter qu'il soit réédité.
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