Me voici confronté à l'étrangeté de ce roman dans la forme de sa narration.
Comment va la nuit ? est en effet un roman noir construit à l'envers. le lecteur chemine dans sa lecture de l'épilogue jusqu'au prologue en franchissant les livres 3, 2 et 1 et en suivant la chronologie du narrateur Anthony Malo dans ce journal à rebours où tout commence au seuil de sa mort pour remonter jusqu'à l'enfance.
Si ce procédé proche de l'exercice de style m'a un peu déconcerté au tout début de ma lecture, je dois reconnaître que non seulement cela joue sur l'effet addictif du récit mais éclaire aussi le parcours et l'enchaînement des faits qui se sont succédé dans la vie du personnage, les rencontres, les décisions qu'il a été amené à prendre ou à ne pas prendre, les erreurs, les errances, donnant un sens à la trajectoire de son existence.
Dès les premières pages, nous faisons la connaissance avec cet homme solitaire, taciturne, reclus, coupé du reste du monde, cabossé de partout, couvert de cicatrices, celles enfouis dans son coeur dans une douleur mutique sont peut-être celles qui lui font le plus mal.
C'est un paysage de montagne, une nuit d'hiver, l'homme trébuche, s'enfonce dans l'envers du décor et nous laisse seul au seuil de la porte de sa demeure, une ancienne bergerie, avec cette couverture brodée offerte par une femme qu'il a aimée...
Il ne nous reste plus qu'à remonter le temps et
Christian Carayon nous y invite...
J'ai été hameçonné par le rythme du récit dont on veut en connaître au plus vite l'après, c'est-à-dire l'avant, je ne sais pas si vous me suivez...
Peuplé par les accidents de parcours qui n'ont cessé de jalonner la vie d'Anthony Malo, ce roman pourrait se lire comme une étrange variation sur le thème du destin...
Dans une écriture exigeante, sensible, qui se tient tout au long du roman, les personnages se révèlent blessé, attachants, mélancoliques, dans le flux du temps qui les entrelacent les uns aux autres, parfois avec violence. Parmi ces personnages, nous allons à la rencontre des femmes qui ont compté dans la vie du narrateur ; entre toutes demeure la figure de sa mère, éternelle dans son coeur.
Dans ce chemin imprévisible à l'envers, il y a quelque chose qui tient de la catharsis et cela revêt une sensation intense et déconcertante qui vous agrippe de la fin jusqu'au début de l'histoire, vous me suivez toujours ?
[ Lu dans le cadre de la sélection du prix Cezam 2024 ]