Dans les années 80 , à l'occasion d'un voyage vers le Quebec , en bordure de l'Ontario , dans l'ambiance des soirées au coin du feu , se chantaient des textes de Félix Leclerc et se racontaient des histoires des temps passés tels que Louis Hémon ( Maria Chapdelaine ) ou Bernard Clavel ( le royaume du Nord ) en ont écrites . De retour en France , pour ne pas oublier , je me suis plongé dans les 5 tomes du "Royaume du nord " .
Clavel n'est pas un habitué des effets de manches littéraires , son style est limpide , clair comme eau de source et relatant le grand Nord , d'avant l'industrialisation , il crée des personnages de pionniers , d'êtres solides et vrais que l'on pourrait intégrer à une légende , mais qui ont bien existé . Livres à mettre dans toute les mains , et qui feraient de bons cadeaux de noël qu'il neige ou non .
Commenter  J’apprécie         120
Ce livre sonne comme la conclusion de la saga. Que reste-t-il pour le sixième tome alors, me direz-vous ? Eh bien, l'ouverture tout simplement !
Ce qui me fait dire qu'on assiste à la conclusion, c'est que le livre reprend encore une fois les personnages des premiers tomes, mais nous montre la fin de leurs aventures. C'est à nouveau Cyrille Labreche qui occupe la place centrale de cet ouvrage, mais d'une façon bien différente cette fois-ci. La vieillesse est arrivée. L'âge a usé le personnage, et il n'est pas le seul. Nous retrouvons également la famille du premier tome, tout en constatant les évolutions. le premier tome nous laissait sur notre imagination, avec sans doute la meilleure vie qu'ils pouvaient avoir. Mais la réalité nous rattrape, elle est bien plus dure qu'on le pense.
Ce qui frappe, dans ce roman particulièrement, c'est que ce n'est plus trop la démonstration de l'homme face à une nature hostile qu'il devra apprivoiser, soumettre, ou comprendre. C'est, cette fois-ci, la vision d'un homme seul face aux hommes, dans un lieu qu'il a appris à connaître et à aimer. Un homme qui se bat pour sa dignité, pour la seule chose qu'il lui reste. Car le temps a pris tout …
Ce roman m'a presque fait venir les larmes aux yeux, quand on voit ce pauvre bonhomme se démener sur ses parcelles vides, dans un village fantôme, seul avec ses bêtes qu'il chérit tant. C'est la démence d'un homme privé des autres, mais privé par sa propre volonté. Et, là-dedans, se glisse toute la beauté que Clavel arrive à nous transmettre. C'est l'opéra du Nord froid et sauvage, une musique belle et puissante, mais implacable et dure. Jamais cruelle. Jamais bienveillante.
L'histoire aura sa fin, implacable, mais vraie. Et l'on refermera l'ouvrage avec dans le coin des yeux une larme sur ces pauvres personnages, si humain, si proche de nous même, des vrais hommes, qu'on pourrait croire réel. J'ai rarement eu cette sensation d'être si proche des personnages, d'avoir l'impression de vivre avec eux. le côté rustique, ancien, ne gêne pas. On n'en est que plus proche, sans tous les artifices dont pourrait se parer l'homme moderne pour se croire loin de la nature, loin de la vie, loin de la mort. Ici, tout est dans envoyé directement, c'est au contact que tout se joue. Et tout devient beau et terrible.
Un roman qui conclue en beauté la saga, nous laissant dans l'expectative pour le dernier tome, à la fois désireux de connaître la fin de cette saga, mais aussi triste de voir la réalité en face. Ce n'est pas une saga qui connaîtra un Happy End, et nous, pauvres lecteurs, nous ne pouvons que le constater. C'est une saga d'une grande force, une série qui m'a prise au coeur et m'a laissé rêveur, désireux de connaître ce grand nord, ce pays du grand froid, mais aussi ces terres magnifiques et désertes, là où la nature est belle et terrible, où l'humain apprend à vivre. Je ne peux pas vous la déconseiller. Ca me ferait trop mal que de vous encourager à passer votre chemin. Non, lisez-le, venez découvrir le Royaume du Nord.
Commenter  J’apprécie         21
Un matin, on entend dans un ancien brûlis ou la végétation commence à repousser le cri dur ,plein d'autorité du merle Robin. il se montre bientôt, perché sur une barrière, appelant sa suite à venir le rejoindre pour reconnaître le pays .Il se rengorge , fier de son plastron couleur de brique pilée, de son dos presque noir et de son bec jaune qui soutient ses grosses lunettes blanches .Il crie qu'il va nicher et que ce sera l'été.
et Cyrille qui l'a entendu de sa chambre .....sort ; et il le voit s'envoler dans la lumière .
Tu es là toi aussi ,mon tout beau.
Il renter et va chercher du pain qu'il court émietter sur le chemin .Mais le merle est loin, il lance son appel depuis le toit de la dernière maison du rang.
Je sais bien que tu m'as vu. Tu viendras; Dans quelque temps ;tu va m'amener tes petits .Tu verras, y va revenir plein de monde à Val Cadieu.
Il craque une allumette, tire une bouffée puis approche la flamme de la mèche. Il tourne un peu la molette, la lumière se hausse, hésite, baisse légèrement avant de se stabiliser derrière le verre qu'il remet entre les griffes de métal.
- Y diront ce qu'ils voudront : ça fatigue moins la vue que leur saloperie d'ampoules. Et je parle pas du néon. Ça, ça fera des générations d'aveugles dans peu de temps.
- Parce que le gouvernement et deux ou trois évêques s'étaient mis dans le crâne de nous faire abattre la forêt, on a abattu la forêt. On a ouvert des paroisses. On a bâti des églises. On a ouvert des chemins. Fallait faire un royaume, on l'a fait de peine et de misère. A cette heure, c'est ceux de la même engeance qui voudraient remettre la terre en forêt ! J'aimerais mieux crever... Mais pas avant d'en avoir vu crever quelques-uns avec du plomb dans le ventre !
— Écoutez-moi une minute. Ce que vous avez fait à la gare, mieux vaudrait ne pas recommencer. Vous allez rentrer chez vous, mais à une condition : vous me promettez de prendre les médicaments que je vais vous donner, et de revenir me voir dans dix jours.
Il se tait. Tout le monde se tait. Derrière la fenêtre, très loin, les nuages continuent de s’effilocher. Quelques instants passent. Le médecin secoue la main de Cyrille qu’il n’a pas libérée.
— Alors, monsieur Labrèche, on marche comme ça ?
— D’accord.
— J’ai votre parole ?
— Je le jure sur… sur…
Il hésite, puis, soudain soulevé d’un élan de joie, il lance : — Je le jure sur ma jument.
Bergère qui s'est avancée lentement derrière lui vient le bourrer du nez au milieu du dos. Cyrille respire profondément. Il se retourne et prend dans l'arrondi de son bras la grosse gueule grise.
-Toi, si je t'avais pas...si je t'avais pas.