Qu'il est précieux dans la poésie contemporaine de trouver une telle harmonie!
« Tant de beauté gratuite à tout instant dans l'univers.
Tant de beauté pour qui sait voir. »
C'est très agréable à lire, même si comme toute poésie, son pouvoir évocateur va au delà du simple descriptif pour rejoindre l'intuitif, le vibrant, ce qui, comme la sève, sourd sous l'écorce aride des mots.
Vibrant, c'est le mot, je pense à du van Gogh tant les textes sont composés de puissantes lumières (ou autre évocation des sens).
Ces textes sont ils contemporains? Quelle est leur modernité? Redoutable question, on pense généralement que l'art contemporain se doit de déconstruire quelque chose…
Je crois y voir à défaut de deconstruction,
Une altération du temps et des sens qui rend toute chose présente, qu'elle fut souvenir, instant ou attente, il y a dans ces textes une contemplation active qui dépasse le simple instant présent pour y associer ce que l'auteur a vécu, ressenti ou pressent. Quelque chose advient qui n'est pas le produit des simples sens, mais la juxtaposition des expériences au mépris du temps et de son écoulement. Les angles, les heures, les émanations sont intégrées en quelque chose qui les dépasse. C'est donc une déconstruction de l'immédiat au profit du vécu et du vivant, une madeleine de
Proust qui serait aussi une fenêtre sur la vérité de l'être.
« Tout est contemplation d'éternelle promesse
Ici dans l'éphémère vie qui passe et l'eau qui passe
Et l'eau qui lave, l'eau solennelle qui rédime
Pour l'autre vie qui creuse et nous parle sans fin. »
Ça résume assez bien le projet, je pense. Après, ça parle de trains, de paysages, de carcasses de voitures et même de harengs de la Baltique, mais au grand jamais d'autres humains, comme si le contemplatif narrateur était seul au monde.
Le poète est il seul dans sa révélation? Est il seulement rejoint par le lecteur dont l'intuition pourrait, me semble t il, lire toute autre chose dans cette reconstruction du réel que le bouquet rassemblé par l'auteur? Et si nous restions au seuil de ce mystère sans rien en déflorer?