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Olivier Thomas (Autre)
EAN : 9782368460764
Steinkis Editions (20/04/2023)
4.33/5   30 notes
Résumé :
Jeune agrégé de philo, Pierre Bourdieu est appelé pour son service dans les premières années de la guerre d’Algérie.
Démobilisé deux ans plus tard, il retournera cette épreuve malheureuse contre elle-même, restant à Alger malgré la guerre pour y enseigner la sociologie. Pris d’amour pour un pays qui lui rappelle ses propres origines rurales, il étudie les transformations brutales de cette société, découvrant la sociologie tout en apprenant à mieux se connaîtr... >Voir plus
Que lire après Bourdieu : Une enquête algérienneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Le dessein du sociologue n'est pas de juger, mais de comprendre.
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Ce tome contient une biographie partielle de Pierre Bourdieu (1930-2002), sociologue, entremêlé de la propre histoire de la relation de Pascal Génot avec l'Algérie. Sa parution date de 2023. le scénario a été réalisé par Pascal Génot, docteur en sciences de l'information et de la communication, ayant été chargé d'enseignement en sociologie des publics, d'après une enquête documentaire réalisée avec Saadi Chikhi. Les dessins ont été réalisés par Olivier Thomas. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc qui compte deux-cent-quarante-deux pages. L'ouvrage se termine par un dossier de quatre pages dont une de photographies sur les approches et les sources documentaires, deux pages de bibliographie, une page de remerciements.

Alger en 2023, le souvenir de nombreuses manifestations : les rassemblements pro-démocratiques de janvier-mars en 2011, les mobilisations contre un projet d'exploitation du gaz de schiste à In Salah en janvier 2015, la répression des émeutes populaires des 4-10 octobre 1988 à Alger, la marche kabyle contre les répressions policières aux portes d'Alger le 14 juin 2001, les manifestations pour la paix et l'indépendance en décembre 1960 dans plusieurs quartiers populaires d'Alger, le Hirak issu à partir de mars 2019 d'un refus d'un cinquième mandat présidentiel d'Abdelaziz Bouteflika, les manifestations du printemps berbère en Kabylie à Tizi-Ouzou en mars-avril 1980, la première fête de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962. Chapitre un : un aller pour l'Algérie. Paris en juillet 2015, Pascal Génot retrouve Mohand devant la station de métro Barbès-Rochechouart. Ils échangent des nouvelles sur les membres de leur famille respective. Ils se connaissent depuis 2011.

Quelques années auparavant, le scénariste avait coécrit une BD qui se déroule entre Marseille et l'Algérie. L'idéal aurait été d'aller sur place faire des repérages, s'imprégner des lieux pour mieux les ré-imaginer ensuite… Mais depuis la guerre civile des années 1990, l'Algérie reste un pays relativement fermé. le visa ne s'obtient pas facilement et la circulation hors d'Alger et d'Oran, les grandes villes du nord, est fortement déconseillée aux voyageurs étrangers. L'occasion s'est finalement présentée en mars 2011. Il venait de terminer une thèse sur les minorités culturelles au cinéma, une recherche qu'il avait faite à partir de la Corse, sa région natale. Grâce à une amie, le festival du film Amazigh (berbère) l'a alors invité pour faire une conférence. Mohand filait un coup de main. Il était venu les chercher à l'aéroport, lui et d'autres invités. Alger en mars 2011, Pascal a voyagé depuis Marseille, avec Danièle l'amie qui lui avait proposé ce séjour. Poète militante antiraciste, elle n'avait jamais cessé de venir en Algérie, même dans les années les plus dures. Mohand les attend en compagnie d'un second chauffeur, Nasser, et d'autres invités du festival, une réalisatrice et une actrice venues de Tunis. Danièle présente Pascal à Mohand, en tant que scénariste de BD, et ce dernier lui demande de revenir six mois plus tard à l'occasion du festival de BD à Alger pour animer une formation sur le scénario. Pascal accepte.

À la découverte du titre, le lecteur comprend qu'il va être question de la période de la vie du sociologue qu'il a passé en Algérie, c'est-à-dire de 1956 à 1960, d'abord au titre de son service militaire, puis pour des enquêtes et études de terrain. Mais le récit ne commence pas avec le sociologue : il débute avec l‘évocation de huit grandes manifestations de protestation en Algérie. Puis il passe à la mise en scène du scénariste : sa rencontre fortuite en 2015 avec un Algérien qui fut son guide, suivi par un retour dans le passé en 2011. Pierre Bourdieu est évoqué pour la première fois en page vingt-huit dans une photographie où il discute avec l'écrivain instituteur Mouloud Feraoun (1913-1962). Dans ces quelques pages, l'artiste impressionne déjà fortement le lecteur : le soin apporté à cette vue de la ville d'Alger depuis un balcon où aucun détail ne manque, la foule composée d'individus tous distincts avec les marques de l'époque correspondante, les forces policières, la station Barbès-Rochechouart avec le métro aérien immédiatement identifiable, la foule bigarrée, le marchand de journaux, l'architecture caractéristique de la station avec ses escaliers menant au quai, puis l'évocation de l'aéroport d'Alger, une scène d'émeute en janvier 2011, le trajet à travers la ville d'Alger avec chaque quartier représenté conformément à la réalité. du travail d'orfèvre avec un soin remarquable apporté à l'exactitude géographique et temporelle.

La rigueur des auteurs lui ayant donné entièrement confiance, le lecteur continue. Il découvre qu'ils alternent donc entre des scènes du passé proche au cours desquelles l'artiste illustre les démarches du scénariste pour reconstituer le déroulement historique du séjour du sociologue en Algérie, et la reconstitution proprement dite de ce séjour également raconté sous forme de bande dessinée. le travail de représentation continue avec la même qualité élevée et le même souci d'exactitude et de précision. le lecteur ressent bien que la narration est conduite par la démarche de recherche du scénariste et que le dessinateur doit se mettre à son service. Pour autant, il ne s'agit pas d'un texte livré clé en main, charge au dessinateur de trouver comment apporter des informations visuelles. Par exemple, de nombreuses séquences relèvent d'une scène représentée en plusieurs cases. le lecteur découvre également des pages muettes, c'est-à-dire dépourvues de texte, où toute la narration est réalisée par le biais des seules images. En outre, le dessinateur varie les constructions de page en fonction de la nature de ce qui est raconté ou exposé, mettant à profit la grande variété offerte par la bande dessinée : facsimilé de carte géographique, reproduction de unes de journal, reprise d'une photographie en dessin, forme de case en trapèze pour opposer deux personnes (par exemple Albert Camus et Jean-Paul Sartre en page quarante-six), dessin en pleine page pour un paysage remarquable (l'assemblée populaire nationale en page soixante-quinze), cases de la largeur de la page pour un trajet en voiture, dessin en double page et en ombre chinoise pour un bâtiment (pages cent-quatre et cent-cinq), reprise de couverture de livres, portrait d'après photographie de personnalités (l'extraordinaire portrait de Raymond Aron et de Germaine Tillion en page cent-vingt, un photoréalisme aussi réussi que complexe à réaliser), vignettes rectangulaires disposées en pourtour d'une double page pour encadrer un texte d'exposition sur la proto-sociologie, schéma en organigramme pour illustrer le concept de Champ, diagramme pour les différentes formes de patrimoine, reprise de slogans dans des graphies variées, etc. S'il y prête attention, le lecteur se retrouve fortement impressionné par l'intelligence et la pertinence graphique du récit.

Le dessinateur s'avère d'autant plus méritant que le scénariste a conçu un ouvrage ambitieux et sophistiqué. le lecteur comprend que les séquences se déroulant de 2011 à 2015 servent au moins deux objectifs. le premier est de donner au lecteur les éléments lui permettant de prendre du recul, de situer l'origine social du scénariste, la manière dont lui est venu l'idée de retracer le parcours de Bourdieu en Algérie, l'objectif poursuivi et la méthodologie mise en oeuvre. En cela, l'auteur affiche que cette démarche est personnelle et que sa manière d'aborder et d'exposer le sujet est également personnelle. le second est de montrer des facettes de la société algérienne dans les années 2010 de manière à fournir un point de comparaison aux observations de Bourdieu fin des années 1950, début des années 1960, faisant ainsi ressortir les éléments spécifiques de sa période d'observation. Incidemment, ce dispositif fait également ressortir les effets durables des travaux de Bourdieu dans son analyse sociologique de cette société, et lors des interviews avec les personnes qui l'ont rencontré ou côtoyé à l'époque. Ces séquences permettent de prendre du recul pour considérer le parcours de Bourdieu, ses démarches et la pérennité de ses analyses.

La forte pagination de l'ouvrage permet aux auteurs d'approfondir de nombreuses facettes de leur propos. le scénariste fait oeuvre de vulgarisation et même d'histoire en évoquant l'évolution de la situation en Algérie, pendant la guerre d'indépendance et après, les missions confiées au soldat Bourdieu, les différentes positions d'intellectuels comme Francis Fanon (1925-1961), Jean-Paul Sartre (1905-1980), Albert Camus (1913-1960), Raymond Aron (1905-1983), Germaine Tillion (1907-2008), Mouloud Feraoun (1913-1962). Il aborde la situation de l'Algérie sous l'angle sociologique, mais aussi historique, économique, culturel, politique. L'ouvrage est découpé en six chapitres : Un aller pour l'Algérie, Seconde classe, La guerre moderne, Un nouveau regard, Entre-deux, Maintenir l'ordre. Au fil de ces chapitres, l'auteur commence par retracer la vie de Pierre Bourdieu pendant son service militaire, s'interrogeant à la fois sur la genèse de son intérêt pour ce pays, et sur le rôle qu'il a joué en tant que militaire dans ladite guerre d'indépendance, au sein de la force armée du pays colonisateur. Par la suite, il ne se contente pas d'une biographie inscrite dans l'Histoire, il réalise une introduction vulgarisatrice sur la sociologie en évoquant rapidement Emmanuel Joseph dit l'abbé Sieyès (1748-1836), Claude-Henri de Rouvroi de Saint-Simon (1760-1825), Auguste Comte (1798-1857), Karl Marx (1818-1883), Émile Durkheim (1858-1917), Max Weber (1864-1920). Il explique de manière synthétique les principaux apports théoriques de Pierre Bourdieu : les champs, le capital et l'habitus, et bien sûr les mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales. Il s'attache également à mettre en lumière l'importance essentielle de la collaboration entre Bourdieu et Abdelmalek Sayad (1933-1998), le lecteur souriant au parallèle avec le scénariste et son guide et ami Mohand.

En fonction de sa culture, le lecteur peut être familier du sociologue Pierre Bourdieu et de ses oeuvres, de la guerre d'indépendance de l'Algérie, ou non. Olivier Thomas et Pascal Géno, avec Saadi Chikhi, ont réalisé un ouvrage remarquable, dense et accessible. La narration visuelle s'avère dense elle aussi, d'une qualité supérieure pour la reconstitution historique, pour la description des lieux, et pour la pertinence des mises en page et en scène pour raconter chaque séquence. le scénariste s'avère tout aussi rigoureux dans son approche, approfondissant avec une rigueur pénétrante chaque facette de son enquête algérienne, et une prise de recul sophistiquée pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion en ayant pris connaissance des éléments nécessaires. Remarquable.
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Club N°54 : BD non sélectionnée
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Très intéressant sur un épisode de la vie de Bourdieu dans une période trouble et troublée en grande mutation, concentré de sociologie.

Vincent
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Une autre BD sort actuellement sur Bourdieu donc une des deux sera achetée.

Club BD
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Grand moment d'émotion en ouvrant la BD de Genot et Thomas. Deux sujets qui me touchent directement, l'Algérie et le sociologue Pierre Bourdieu.
Dans des circonstances que je ne dévoilerai pas, Pascal Genot découvre l'Algérie, «sa beauté, sa tension, sa douleur»
Un pays qui fait peur. En 2011 il y rencontre Mohand qui devient son guide dans le pays et dans l'histoire du pays.
Il lui raconte, l'indépendance volée au peuple algérien. le printemps noir des années 1990. L'assassinat du chanteur Lounès Matoub ; la réalité du dilemme de nombreux pays du monde arabe, la démocratie conduit à l'élection de partis religieux, et en Algérie le choix du gouvernement de l'époque d'annuler les législatives de 1991 a conduit aux années noires que l'on connait.
Mohand lui explique aussi comment l'Algérie des années 1960 après avoir choisi la voix du socialisme avec le colonel Houari Boumedienne, voit son successeur Chadli Bendjedid opérer un « virage brutal vers l'économie de marché ».
La ressource du pétrole assure le financement de programmes sociaux mais en favorisant les importations de produits de consommation courante empêche le développement d'industries locales.
Un choix qui avec la baisse des prix du pétrole s'avère néfaste.
L'amour pour l'Algérie de Pascal Genot lui fait découvrir que le jeune Bourdieu, en 1955, il a 25 ans, est un appelé du contingent. Il veut en savoir plus et remonte le temps pour découvrir l'enfance, l'adolescence et les débuts de la vie d'adulte du sociologue dont on a, dans les années 1990 et 2000, alors qu'il est devenu le sociologue de référence, une vision tronquée.
Pascal Genot remet en valeur les premiers travaux de Bourdieu Travail et Travailleurs en Algérie et le déracinement, écrit en 1963 et en 1964.
Genot voit juste, ces deux ouvrages ne figurent même pas dans la liste des ouvrages de Bourdieu sur le site Babelio. Oubli que je viens de réparer à l'instant.
La BD se lit d'une traite tant les sujets évoqués reflètent les débats d'une génération et ceux qui traversent aujourd'hui la France.
Opposition Sartre/Camus ; difficulté des élèves issus de classes populaires dans les grands lycées parisiens puis des étudiants à l'école normale de la rue d'Ulm. Bourdieu y rencontre Jacques Derrida et d'autres devenus les grands intellectuels que l'on sait.
Genot insiste sur le fait que Bourdieu est un sociologue scientifique qui confronte l'observation des faits à l'outil statistique.
Véritable voyage dans le temps, cette BD m'a ramené à l'époque où jeune étudiant en sociologie je découvrais l'existence d'une UV de mathématiques statistiques dans laquelle notre professeur de l'époque nous familiarisait avec les outils d'analyse des séries statistiques, courbe de Laplace Gauss, t de Student, coefficient de corrélation, test de X2, prenant comme exemple les séries statistiques de Travail et Travailleurs en Algérie.
La force du récit réside dans les allers et retours entre les expériences de l'appelé du contingent, Bourdieu dans « la base aérienne d'Orléansville, dans la vallée du fleuve Chélif, à mi-chemin entre Alger et Oran», et les découvertes par l'auteur de l'Algérie des années 2011-2015 et des événements historiques permettant de comprendre la situation actuelle.
Sur les pas de Bourdieu, il apprends lui aussi à distinguer entre les « pré-notions » et l'analyse objective des situations.
L'auteur, avec les yeux et les doutes du jeune Bourdieu, découvre la réalité de l'Algérie de l'époque, les camps de regroupement, mais aussi la difficulté, même encore aujourd'hui d'évoquer certaines situations comme celle des Harkis ou encore l'ambiguïté des positions françaises sur l'Algérie entre 1958 et 1962.
Comme l'écrit Abdelmalek Sayad « Il vaut mieux voir, il vaut mieux savoir, il vaut mieux apprendre que de se complaire dans l'expectative, dans la réserve sous prétexte de non compromission. »
BD époustouflante, réaliste, bien documentée qui prend à contrepied beaucoup de jugements erronés sur l'Algérie, Bourdieu, la sociologie, l'état des relations entre les différentes classes sociales, les rapports de domination et la rigidité des choix économiques.
Une réussite ! À lire et à faire lire !
Le graphisme réaliste et simple d'Olivier Thomas accompagne admirablement le texte et facilite sa lecture.
Bravo Genot et Thomas. On en redemande.
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Un ouvrage passionnant, d'une folle érudition.
C'est un peu "Bourdieu pour les nuls"
Une histoire de la sociologie très documentée
qui fourmille de mille détails.
C'est une lecture agréable mais attentive et concentrée
tant le propos est touffu malgré son approche didactique.
J'ai appris beaucoup sur l'histoire de l'Algérie,
mais aussi sur les zones d'ombre qui accompagnent
Bourdieu, ce sociologue transfuge,
fils de transfuge du Bearn, reconnu et encensé.


Il faudrait relire cette BD, tant le contenu est dense.
On imagine le travail de fond d'Olivier Thomas
sur de terrain, s'appuyant sur des archives,
des témoignages et de multiples rencontres
Les illustrations de Pascal Genot en noir et blanc
collent avec talent à ce texte érudit et vivant.
Bravo!!
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Ce roman graphique consacré à Pierre Bourdieu, sociologue français (1930-2002) et son expérience en Algérie est remarquable. Certes très dense, les planches en noir et blanc sont relativement surchargées, la lecture est en parfois difficile. On s'attache aux pas de Pierre Bourdieu mais aussi d'Olivier Thomas, auteur de cette BD. Bourdieu, une enquête algérienne est née de l'admiration d'Olivier Thomas pour le peuple algérien et pour le pays. Pierre Bourdieu, béarnais a eu l'occasion de faire des études et pour cela de "monter" à Paris pour poursuivre un cursus en philosophie. Mais, c'est sa découverte de l'Algérie et du peuple algérien qui le convertissent à des études de sociologie.
Olivier Thomas décrit son quotidien dans les années 1990 et raconte le destin de Pierre Bourdieu, étudiants soixante huitard, appelé militaire puis enseignant.
Un gros travail de recherche et l'interview des proches et témoins du sociologue ont permis de suivre son parcours personnel et professionnel. le lecteur découvre le développement de ses positions personnelles et politiques. Il est aussi question de la guerre d'Algérie et de son indépendance. L'auteur développe les méthodes de travail du sociologue. "L'individu doit être au coeur de la méthode sociologique."
Un travail titanesque à saluer mais, malgré tout au détriment de la forme.
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critiques presse (6)
Bedeo
25 avril 2024
Puis le récit déroule ses années d’enseignement, d’exploration de la sociologie. Le tout entrecoupé de sauts dans l’Algérie et le Paris contemporains, à la poursuite de l’histoire à travers d’autres explorateurs. Rares sont les récits portant sur cette période de la vie du sociologue, pourtant fondatrice selon nos auteurs : Bourdieu y démarre sa carrière et aura écrit en tout cinq ouvrages sur l’Algérie.
Lire la critique sur le site : Bedeo
9emeArt
12 février 2024
Sur 250 pages, on découvre d’autres facettes du sociologue le plus connu, mais on (re)découvre aussi les racines de son engagement, pour lui qui a été l’un des intellectuels les plus en phase avec son époque et dont l’engagement résonne particulièrement aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : 9emeArt
BDGest
18 septembre 2023
Docu-BD de la plus haute tenue, "Bourdieu – Une enquête algérienne" est une réussite indéniable, tant sur le plan de son écriture que de sa réalisation graphique. Un livre indispensable pour tous les sociologues amateurs et les curieux d’histoire contemporaine.
Lire la critique sur le site : BDGest
BDZoom
11 septembre 2023
Un album qui s’interroge, certes, sur ce que Bourdieu a retenu de ses années comme appelé du contingent, mais un album qui retrace l’enquête que réalisent Pascal Génot et Olivier Thomas sur l’Algérie de ces dernières années… Et c’est d’autant plus intéressant !
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SudOuestPresse
08 septembre 2023
Archives militaires, témoignages, biographies : sept ans de recherches ethnographiques pour raconter l’évolution du jeune Bourdieu faisant ses armes de sociologue dans l’Algérie en quête d’indépendance.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LesInrocks
28 août 2023
[Une] BD documentaire qui manie avec aisance concepts sociologiques et propos complexes.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
En juin 1957 étaient parus deux livres dont les auteurs influenceront le parcours de Pierre Bourdieu. Le premier de ces livres, La tragédie algérienne, est de Raymond Aron. Éditorialiste au Figaro, philosophe, sociologue, politologue, condisciple de Sartre dont il s’est éloigné, Aron offrira plus tard à Bourdieu son entrée dans l’université parisienne. Le second, L’Algérie en 1957, est de l’ethnologue Germaine Tillion : Bourdieu le critiquera précisant par là sa propre pensée. Dans un contexte où se livrait une bataille de l’écrit à propos de l’Algérie, Aron et Tillion représentaient deux attitudes à la proches et opposées. Raymond Aron et Germaine Tillion appartiennent à la même génération. Tous deux ont répondu à l’appel du 18 juin 1940. Lui rejoignant Londres. Elle entrant dans la résistance : arrêtée, déportée, c’est une survivante des camps. Ils ont aussi en commun d’être libéraux. Chez eux pas de virulente critique du colonialisme comme chez Sartre. Encore moins de soutien au F.L.N. comme chez Francis Jeanson qui, après avoir attaqué L’âme révoltée de Camus hésitant sur la violence révolutionnaire, développe à partir de l’été 1957 un réseau clandestin de transports des fonds du F.L.N. en métropole. Aron, spectateur engagé qui refuse d’aller en Algérie pour garder un regard distancié, juge l’indépendance inévitable. Le statu quo ne stopperait pas la violence, isolerait la France et déchirerait la nation. Quant à intégrer pleinement l’Algérie, ce serait un poids économique écrasant. Et culturellement, Aron ne croit pas à une France où plus du quart des députés seraient musulmans. Favorable aux négociations avec le F.L.N., il est décrié par de nombreuses personnalités politiques qui, en elles-mêmes, n’en pensent pas moins. Tillion, sans se prononcer sur l’indépendance, porte un regard alarmé sur le dénuement dans lequel vivent les deux tiers des Algériens. Elle craint que la séparation d’avec la France n’aggrave cette situation. Ainsi, là où Aron est pour l’indépendance de l’Algérie car il a en tête l’intérêt de la France, Tillion est réservé car elle pense aussi au sort des Algériens. Elle, connaît ce peuple intimement. Germaine Tillion fut une pionnière des sciences humaines en Algérie. Dans les années 1930, elle accompagne une ethnographe du musée de l’Homme, Thérèse Rivière, partie étudier les Berbères Chaouias des Aurès dans l’est algérien. Tillion y observe une société tribale à l’autonomie quasi autarcique et au système traditionnel toujours vivace. Elle n’imagine pas que ces montagnes seront vingt ans plus tard un immense foyer de combats. Ni qu’elle-même jouera un rôle dans le conflit. En 1954, les Aurès seront aux avant-postes de l’insurrection. Sur demande du ministre de l’Intérieur, Tillion repartira en mission d’observation. Retrouvant une région où s’abat la répression militaire et où les conditions de vie se sont dramatiquement dégradées, elle va lutter contre ce qu’elle nommera la Clochardisation de l’Algérie. Début 1955, suite à sa mission dans les Aurès, Germaine Tillion rejoint le G.G. (gouvernement général) auprès de Jacques Soustelle. Lui aussi ethnologue, résistant, chef des services secrets de la France libre, Soustelle gouverne l’Algérie tout 1955. Futur soutien de l’O.A.S., il mène une politique répressive mais approuve les projets de Tillion. Afin d’améliorer le sort des bidonvilles et des villages, Tillion crée un service de centres sociaux éducatifs. D’ici 1962, une centaine de ces centres dispenseront soins et enseignement. Palliant quelque peu les carences de l’Algérie coloniale. Puis, lorsqu’au début 1956, Soustelle est remplacé par Lacoste, Tillion quitte le G.G.À Paris, chercheuse au C.N.R.S., elle publie son analyse de la situation. Pour Tillion, la clochardisation de l’Algérie est causée par l’irruption de la modernité. La médecine a favorisé la démographie musulmane, trop nombreuse pour que l’économie traditionnelle réponde à ses besoins et trop peu instruite pour bénéficier de l’économie moderne. Face à ce drame, Tillion croit aux réformes : une instruction massive, un soutien au développement et plus de démocratie sécuriseraient le destin de l’Algérie profonde. Salué par une part du monde politique et des lettres, le libéralisme de Tillion apparut comme l’antithèse de Aron, car si on suivait l’ethnologue, l’Algérie pouvait rester française. Toutefois, signe que le sens d’un texte est aussi le fait de ses lecteurs, au sein même du F.L.N. Tillion fut lue et appréciée. Ce qui donna lieu à un moment singulier de la guerre d’Algérie…
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Les archives de l’Algérie coloniale sont conservées aux archives nationales d’outre-mer, à Aix-en-Provence. Depuis 2012, le délai de 50 ans qui retarde légalement la communication au public d’archives mettant en jeu la sûreté de l’État est expiré pour toute la période 1954-1962. Si certains documents restent incommunicables, notamment ceux qui concernent les essais nucléaires effectués par la France dans le Sahara algérien, la plupart des archives de la guerre d’Algérie sont désormais consultables, librement. Les parcourir donne la sensation d’effleurer la rouille administrative de la guerre. Compte-rendus de patrouille avec décompte des tués et des blessés, tracts de propagande, mais aussi règlement d’horaires de bureaux ou demandes de scolarisation d’un enfant laissent transparaître une réalité multiple où l’horreur côtoie la banalité et la logistique froide, l’humanité. Les traces de la présence de Pierre Bourdieu au G.G. (Gouvernement Général) se trouvent dans des cartons de documents relatifs à un haut lieu de décision : le cabinet de Robert Lacoste, ministre de l’Algérie de 1956 à 1958. D’après ces documents, Bourdieu arrive au G.G. en 1956. Il ne serait resté qu’un mois ou deux dans la vallée du Chélif. Au G.G., il occupe, avec un grade de caporal, un emploi de rédacteur-concepteur au service de l’information. Un service crucial dans une guerre où l’opinion publique est un enjeu et un acteur déterminant du conflit. Les documents les plus récents qui mentionnent Bourdieu datent de fin 1957, lorsqu’il achève son service. Son évaluation par le chef du cabinet militaire juge exceptionnelle sa valeur morale. Sa valeur militaire, elle, n’a pas pu être jugée, signe que son rôle ne se jouait pas sur le terrain proprement guerrier. L’appréciation d’ensemble est plus surprenante, déroutante même quand on a en tête l’image du sociologue engagé. Mais cette note est à lire comme le jugement administratif d’un subalterne par son supérieur dans un contexte historique particulier. Loin de nous dire ce qu’a fait Pierre Bourdieu, encore moins ce qu’il en pensait, elle nous indique qu’il a vraisemblablement joué le jeu. Plus troublant, un compte-rendu de mars 1957 indique l’intervention de Pierre Bourdieu dans une réunion du comité d’action psychologique. Son nom ne figure pas sur la liste des participants : il faut lire l’intégralité du document pour découvrir sa présence. Et sa contribution : une proposition technique favorisant la cohérence de la propagande, problème soulevé par Michel Gorlin, la tête du service de l’information. Que penser de tels documents ? Face à toute source d’information, il convient de prendre de la distance et de ne pas lui faire dire ce qu’elle ne permet pas d’attester.
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Mouloud Feraoun est né en 1913 en Kabylie. D’une famille pauvre, il fut l’un des rares à qui l’école coloniale permit une ascension sociale. À 18 ans comme le fera plus tard Abdelmalek Sayad, il intégra l’école normale. Il devint ensuite instituteur en Kabylie, puis directeur d’école et conseiller municipal La France faisait de lui un notable. Mais lui ne devint pas un soutien du colonialisme. À l’école normale, il s’était lié d’amitié avec Emmanuel Roblès, fils d’ouvrier d’origine espagnole au premier rang de la jeune garde littéraire algéroise. À son tour, l’instituteur prit la plume. En 1950, il fut le premier indigène à recevoir le prix littéraire de la ville d’Alger. Trois ans plus tard, il était publié au Seuil, maison déjà réputée. Et favorable à la décolonisation. À partir de 1954, Feraoun se trouva dans une position socialement avantageuse, mais politiquement délicate, l’Algérie devait être algérienne. Néanmoins proche des libéraux, il excluait la violence aveugle. C’était aussi un arabe manifestant son droit à la parole. Prenant la défense d’un homme accusé d’être du F.L.N., il fut menacé de mort par un officier. Craignant le pire, il demanda sa mutation. Puis à Alger pour la rentrée 1957, Mouloud Feraoun est désormais le seul des grands écrivains algériens en Algérie. Mouloud Mammeri et Assia Djebar sont au Maroc, Jean Amrouche en Suisse, Mohammed Dib en métropole. Quant à Kateb Yacine, lui qui dira qu’écrire en langue française était arracher le fusil des mains d’un parachutiste, il erre de pays en pays. Rester à Alger se paie toutefois de sa liberté d’expression. Son jugement, Feraoun le confie à son journal écrit pour être publié mais tenu sur des cahiers cachés dans les affaires de ses élèves par peur des perquisitions. Ainsi, sans doute ne dit-il pas tout lors de ses conversations avec Bourdieu, probablement au courant du passé militaire de l’universitaire. Mais il informe volontiers le sociologue, sur la culture kabyle, et sur la vie des quartiers populaires. En 1960 ? Feraoun rejoindra la direction des centres sociaux créés par Germaine Tillion. Il paiera de sa vie cet engagement. Le 15 mars 1962, il est exécuté par l’O.A.S. Aux côtés de cinq de ses collègues, ‘officier qui le menaçait en Kabylie l’avait inscrit sur liste noire. Vingt ans plus tard, Bourdieu accueillera avec d’autant plus d’attention Faiza Feraoun lorsqu’elle empruntera à son tour la voie de la sociologie.
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Il n’est pas facile de penser et de dire ce qu’a été pour moi cette expérience et en particulier le défi intellectuel et aussi personnel qu’a représenté cette situation tragique, qui ne se laissait pas enfermer dans les situations ordinaires de la morale et de la politique. J’avais refusé de faire l’École des officiers de réserve, sans doute pour une part parce que je ne supportais pas l’idée de me dissocier des simples soldats, et aussi à cause du peu de sympathie que j’éprouvais pour les candidats EOR, souvent des HEC et des juristes avec qui je n’avais pas beaucoup d’atomes crochus. Après trois mois de classes assez durs à Chartres (je devais sortir des rangs à l’appel de mon nom pour recevoir, sur le front des troupes rassemblées, le journal l’Express, qui était devenu le symbole d’une politique progressiste en Algérie, et auquel je m’étais un peu naïvement abonné), j’avais d’abord abouti au Service psychologique des armées de Versailles, en suivant une filière normalienne très privilégiée. Mais des discussions avec des officiers de haut rang qui voulaient me convertir à l’Algérie française m’avaient valu d’être désigné pour partir en Algérie. – Pierre Bourdieu
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Un sociologue mondialement connu et reconnu pour avoir cherché tout au long de son œuvre, à comprendre, justement, les mécanismes retors de la domination sociale. Dans les grandes librairies, l’œuvre de Pierre Bourdieu a son propre rayon. Une œuvre colossale élaborée de la fin des années 1950 au décès de son auteur en 2002. Avec, pour fil rouge, la volonté de dévoiler la reproduction des inégalités sociales qui se cache dans les évidences de nos institutions, de nos discours, de nos représentations et de nos pratiques. Dans le système d’enseignement, là où l’évaluation des élèves, déterminant la place à laquelle ils pourront prétendre plus tard dans la société est censée se baser sur le mérite, le sociologue a vu les privilèges de ceux que leur éducation familiale prédispose à la réussite scolaire. Dans nos goûts culturels, là où nous pensons exprimer des sentiments désintéressés, il a révélé une logique de distinction sociale, chacun dédaignant ce qui s’apprécie dans d’autres milieux socialement inférieurs. Ailleurs également, dans la constitution de l’état ou le fonctionnement de l’économie, dans l’information médiatique ou le savoir scientifique, dans les rapports entre hommes et femmes ou entre classes sociales, il a cherché inlassablement à identifier les formes de domination sociale qui s’imposent à nous au point que nous les trouvions normales, naturelles et irremplaçables. Pierre Bourdieu fait partie des intellectuels qui ont marqué la seconde moitié du 20e siècle. Qu’on pense comme lui, avec lui ou contre lui, il est incontournable.
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Vidéo de Pascal Génot
Au programme : des singes, du kung-fu et des mutations !
Titres abordés : - La Planète des Singes au cinéma et en comics (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/catalogsearch/result/?q=la+plan%C3%A8te+des+singes) ! - Iron Fist : L'arme vivante (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/iron-fist-l-arme-vivante-fmd24010-fr02.html) (Marvel Deluxe) de Kaare Andrews

- Immortal Iron Fist & Les Armes Immortelles (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/catalogsearch/result/?q=immortal+iron+fist) (Marvel Omnibus) de Ed Brubaker, Matt Fraction & David Aja - Inhumans : Tour d'ivoire (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/inhumans-tour-d-ivoire-fmamh097-fr02.html) (Marvel Must-have) de Paul Jenkins & Jae Lee

- Wolverine : L'intégrale 1988-1993 (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/wolverine-l-int-grale-1988-1993-t06-fwoli006-fr02.html) (Marvel Classic) de Louise & Walter Simonson, Archie Goodwin, Kent Williams, Howard Chaykin, etc.

- Uncanny X-Force (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/catalogsearch/result/?q=uncanny+x+force) (Marvel Omnibus) de Rick Remender, Esad Ribic, Jerome Opena, Phil Noto

- X-Men : le procès de Magnéto (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/x-men-le-proc-s-de-magn-to-fmd24028-fr02.html) (Marvel Deluxe) de Leah Williams, David Baldeon & Lucas Werneck



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Tous nos remerciements à Emmanuel Peudon pour le montage et à ClemB pour le générique.
Plus d'infos sur notre site internet : https://www.panini.fr/
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