Quoi de plus monstrueux que d'être quasi obligée par son mari d'avorter alors que l'on désirait cet enfant de toute son âme ?
Quoi de plus horrible que d'être l'unique survivante de l'holocauste de sa famille ?
Eh bien Hannah, jeune femme juive très amoureuse de son mari et maman d'une petite Colette a vécu cela en 1943.
« A part ça, tout s'est bien passé. Pour le médecin du moins. La mère est vivante, l'enfant mort, après tout c'est ce qu'on lui demandait. »
Et elle ne s'en sort pas. Non, elle ne parvient pas à s'ôter le sentiment terrible de culpabilité qui la tenaille.
Qu'est-ce donc qui va l'aider à ne pas sombrer ? Ses rêves...Chaque nuit, elle rêve de la petite fille qui aurait dû naitre, mais c'est même plus qu'un simple rêve, car elle voit sa fille grandir au rythme des mois et des années ! C'est davantage qu'un rêve, car cette petite fille est là, dans son coeur et son cerveau, toute la journée ! Au point qu'elle a peur de voir sa raison chanceler...
Ce journal intime retrace donc le cheminement difficile de cette maman bafouée, de cette femme amoureuse malmenée, de cette fille de famille juive amputée.
J'ai beaucoup aimé lire ce condensé de pudeur et de bienveillance, car cette femme qui a peur d'elle-même est remplie de bonté. J'ai eu envie de l'accompagner tout au long de son chemin de croix, qui par moments se muait en fête et en explosion de joie. Car elle aime la vie, Hannah, malgré et contre tout.
Je recommande ce roman poignant d'une femme bouleversante.
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En 1943, quand Hannah tombe enceinte, son mari ne souhaite pas qu'ils gardent le bébé.
C'est la guerre, lui est résistant, Hannah juive, c'est trop dangereux et incertain.
Et puis ils ont déjà une petite fille.
Mais cette décision, Hannah ne l'acceptera jamais.
Après l'avortement, elle va se mettre à rêver de ce bébé, une petite fille, pendant des années, la regardant grandir dans ses rêves dans une sorte de double vie proche de la folie.
Comment ne pas perdre la raison quand ces images inlassablement la poursuivent ?
Écrit sous forme de journal intime, ce livre nous rend très proches de l'héroïne.
Ce sont ses confidences, ses peurs, sa folie qu'elle nous conte comme elle le ferait à une amie.
L'auteur nous fait entrer dans l'intimité et même dans l'inconscient d'une femme traumatisée après un acte qui a été violent pour elle, et cette violence nous la ressentons pendant tout le livre.
Je l'ai lu d'une traite, un peu par hasard, et j'ai ressenti cette violence psychologique qui est pourtant décrite avec pudeur et sensibilité.
Voilà un magnifique portrait de femme et un beau témoignage sur la difficulté à faire preuve de résilience après un traumatisme.
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C'est un petit livre en forme de journal qui se lit assez vite grâce à la simplicité de son écriture et le choix de son style. Si la forme du journal permet d'ouvrir les portes intérieures d'Hannah sur le personnage de cette enfant qu'elle a perdu en avortant, elle permet moins de voir les autres personnages qui l'entourent interagir, ce qui nous les rend plus mystérieux.
Cette enfant perdue reste vivante dans les pensées d'Hannah qui plonge alors dans un onirisme persistant où elle la verra grandir au fil des ans… Cette présence envahit sa sphère intime et nous sommes aux frontières de la déraison. Hannah garde pourtant la tête bien froide.
J'ai passé un très bon moment avec ce petit livre qui en outre, nous plonge dans l'angoisse de la guerre où tout était hostile. Un suspense psychologique intensément palpitant, d'une tout autre teneur, s'installe dans la deuxième partie. J'ai aimé l'ampleur psychologique où il y avait quelque chose d'authentique.
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Paris, janvier 1943. Hannah, jeune femme juive d'origine belge, a une nouvelle identité et été rebaptisée Anne pour échapper aux arrestations. Ses parents et sa soeur, en revanche, ont été déportés. Son mari lutte dans la Résistance, le couple a une fillette de quatre ans. Un nouveau bébé s'annonce et Hannah est ravie. Mais l'époux trouve inconcevable de mettre un enfant au monde en temps de guerre. L'avortement à quatre mois de grossesse va traumatiser durablement Hannah, qui, nuit après nuit, dans ses rêves, et pendant des années, inventera une vie à la petite fille qui lui a été arrachée...
Avortement, désir d'enfant contrarié, adultère, amitiés féminines, duplicité, versatilité d'un époux, couple, secrets conjugaux, dépression... Voilà les thèmes dont est tissé cet ouvrage délicat, avec la Shoah en filigrane. Un roman très féminin, une histoire belle et tourmentée qui m'avait beaucoup touchée il y a seize ans. J'avoue ne plus vraiment comprendre pourquoi ce fut à ce point un coup de coeur, à une époque où j'étais si éloignée (me semble-t-il aujourd'hui) de la plupart de ces sujets. Un joli récit que je suis contente d'avoir redécouvert, même s'il m'a légèrement déçue...
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Je singe mon enthousiasme et ma joie d'autrefois, la vie sociale l'exige, et je passe aux yeux des autres pour quelqu'un d'heureux. Rien de plus facile, d'ailleurs : les yeux des autres ne voient que ce qui les arrange.
On ne peut ni recommencer ni refaire sa vie, avec ce qu'elle est et a été il faut poursuivre, découvrir au fond de soi le silence et l'avenir ouvert, la richesse du monde, le travail à accomplir, les valeurs à défendre. Mais il arrive que l'on retombe dans les mêmes impasses, se heurte aux mêmes murs (...). (p. 80)
J’ai retrouvé dans la banlieue de Bruxelles cette petite place plantée de tilleuls autour de laquelle les maisons basses aux toits d’ardoise, aux façades de brique rouge, ressemblent à des ouvriers rougeauds coiffés de bérets venus partager un repas dominical.
Comment faire pour ne pas oublier sans vivre hanté par le souvenir ? C'est vers ce juste milieu que désespérément je tends, sans y parvenir encore.
Parce que c'est vers ce juste milieu qu'il faut tendre.
Parce que l'oubli est le terreau de la répétition, et la hantise un souvenir de mauvaise qualité, car trop douloureux pour ne pas inciter à l'oubli.
Nous devrions nous méfier des peuples martyrs et surtout nous garder d'en fabriquer, ils ne servent que d'alibis à la haine et alimentent le cercle vicieux de l'histoire en permettant aux vivants de rejeter la responsabilité de leurs crimes sur les ancêtres de leurs ennemis.
Olivier BARROT présente le roman de Louise LAMBRICHS "Le journal d'HANNAH" publié aux éditions La Découverte (Un livre, un jour - 1993)