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EAN : 9782253941729
224 pages
Le Livre de Poche (07/02/2024)
3.66/5   150 notes
Résumé :
« Muets de saisissement, Hector et lui regardent le monde se recomposer dans une magnificence de couleurs. Comme s’ils étaient les premiers à contempler des ciels pareils. Chacun commence à entrevoir la vérité de l’autre, à deviner qu’ils sont tous les deux pareillement démunis au cœur de la vérité des choses. Et qu’au sein d’une telle immensité, ce qu’un homme porte en son cœur n’a plus guère de poids. »
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
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Coup de coeur pour ce huis-clos maritime, oppressant et philosophique !

Je ne m'attendais pas à une ambiance tropicale en ouvrant ce livre de l'irlandais Paul Lynch qui a pour habitude de placer ses romans sur sa terre natale. Pourtant, c'est bien sur une plage chaude d'Amérique latine, au bord de l'océan Pacifique, que nous faisons la connaissance de Bolivar, pêcheur expérimenté, un peu paresseux et alcoolique, bourru, attaché à peu de choses, qui est à la recherche de son collègue, Angel, introuvable en ce jour chaud et lourd. Il semble lui avoir fait faux bond et la belle Rosa, dans sa nonchalance et ses gestes ensuqués, n'en sait pas davantage.

« Quand il entre, c'est la Vierge de Gadalupe qui l'observe depuis son étagère en hauteur, comme s'il était une apparition divine se glissant à travers le rideau de perles de la porte.
Rosa est là, dans son hamac, endormie comme toujours. Il allume la télévision pour regarder la retransmission d'un match qui s'est déroulé la veille.
Rosa ! T'aurais pas vu Angel ?
La femme remue en geignant, contrariée. Elle descend du hamac en balançant les jambes et attache ses cheveux, debout dans la semi-pénombre. Lui ne distingue que ses yeux, comme si ceux-ci s'accaparaient le peu de lumière qui les entoure ».

Lorsqu'il convainc le jeune et frêle Hector, lycéen, de partir en pêche avec lui, malgré la tempête qui s'annonce et les alertes de son patron, nous devinons rapidement que cette pêche ne sera pas une sinécure…Pourtant, il ne le sent pas cet adolescent dégingandé Bolivar, de peu d'expérience qui plus est, pourquoi s'obstiner dans ces conditions ? Par provocation ? Par appât du gain ? Par inconscience et bêtise ? Par liberté ? Par peur, un type semblant le rechercher ?

La mer déchainée va malmener la frêle embarcation, le moteur tombe en panne, les moyens de communication sont détruits, imposant, entre ces deux hommes qui ne se connaissent pas, un huis-clos des plus tendus. La survie se met difficilement en place, chacun devant composer avec les faiblesses, le caractère, la nature de l'autre, en plein milieu de l'océan sur quelques mètres carrés ne permettant aucune intimité et imposant de dormir ensemble, dans la glacière à poissons, devenue tonneau de Diogène au milieu des eaux, cage du soleil et cage de nuit et ce silence qui s'accumule entre eux.

Leur vraie nature va respectivement émerger et se confronter. Bolivar va occuper son temps à des activités concrètes (assurer la survie, organiser les outils pour cela, s'imposer des activités physiques pour ne pas s'engourdir) plein d'espoir, tandis que le jeune Hector sombre vite dans le désespoir, renonçant dès le départ. Les reproches mutuels feront vite place à une forme d'entraide.
Entre espoir d'être sauvés, conditions de survie précaires, rares moments de courage succédant aux nombreux moments d'abattement, entraide et amitié, haine et violence, silences et confidences, les jours, les semaines, puis les mois, s'écoulent.
Eau de pluie, poissons et oiseaux crus pour seuls moyens de subsistance (la chair de fulmar est alors un met appréciée), nous assistons avec fascination à la déchéance graduelle des corps, aux carences et maladies puis au délitement progressif des esprits.

« Chaque perle de pluie qui franchit leurs lèvres, qui se dépose dans les gobelets ou remplit le seau est une goutte de temps et de vie distillée ».

Face à la mer, face à ce désert maritime qui s'étire jusqu'à la ligne d'horizon, les deux hommes seront surtout face à eux-mêmes, les questionnements des consciences bien plus à vifs dans cet entre-deux entre la vie et la mort. La folie aussi s'invite au voyage par touches subtiles et croissantes. C'est tragique et percutant, captivant et glaçant de réalisme. le poids de nos actes passés, totalement mis à nus, sans amers derrière lesquels se cacher, prend alors tout leur sens, aussi dur que le constat soit. J'ai été étonnée d'y trouver mes propres interrogations, mes propres faiblesses enfouies, ce roman s'est imposé en moi et à moi, avec force et émotion, avec stupéfaction et gêne aussi. Ce jugement implacable sur soi est également entrecoupé de belles leçons de lâcher prise et d'acceptation.

« Viennent ensuite des jours où il est habité par une joie de plus en plus intense. Un sentiment jailli de l'intérieur, fait de liberté et de possibles, convoqué par chaque aube brûlante, le monde se relevant de ses cendres pour exister de nouveau. Muets de saisissement, Hector et lui regardent le monde se recomposer dans une magnificence de couleurs. Comme s'ils étaient les premiers à contempler des ciels pareils ».

Mais surtout, ce questionnement sur soi provoquée par l'isolement le plus extrême laisse peu à peu la place à un questionnement sur le vide existentiel et sur la condition humaine. Cette dimension, abordée avec finesse et subtilité, rend ce livre d'une richesse inouïe car il va bien au-delà du simple récit de survie. La survie place les personnages dans une telle position de vulnérabilité et de petitesse au sein de l'immensité et de la puissance de la nature, que la conscience se déplace, du nombrilisme elle prend de la hauteur pour convoquer l'universel. Les questionnements sur la vie germent et portent leurs fruits alors que les protagonistes flirtent avec la mort. Ce livre révèle alors avec brio sa véritable nature existentialiste à laquelle je ne m'attendais absolument pas.

« Sans y mettre de mots, il comprend qu'une tempête trouve son véritable sens dans ce qu'elle dévoile, que le chaos exprime ce qu'il est et donne forme à ce que l'oeil ne saurait percevoir ».

« Seul un homme libéré des exigences du corps peut comprendre le sens du mot liberté ».

La présence d'une sensibilité écologique est bien amenée, avec ses innombrables déchets plastiques trouvés par notre duo au fur et à mesure de leur divagation, pneus, sacs en plastique, collants, futs et barriques d'huile, dont ils se serviront parfois comme outils de pêche ou de chasse, ou encore comme récipients. Par ailleurs, les oiseaux et tortues attrapés et dépecés ont l'estomac remplis de boulettes plastique.

L'écriture, à la fois factuelle et poétique, épouse le récit et alterne son rythme suivant les soubresauts du périple, donc tour à tour lente et contemplative, puis hachée et haletante. Paul Lynch ne dit pas abruptement les choses, le tragique se devine au détour d'une phrase avec élégance et finesse. J'ai vraiment aimé le style de Paul Lynch, ses tableaux qu'il compose, ses images saisissantes faisant penser à Hémingway par moment.

« Des crevasses de lumière mourante dans le ciel. Les deux hommes finissent de poser les appâts, se dissolvant peu à peu dans l'obscurité. Pendant qu'Hector se dépêche d'en accrocher un à la ligne alanguie, Bolivar fait virer le panga de bord. Les bidons de Javel qui servent de flotteurs ressemblent à des méduses un peu ternes ».


A noter que Paul Lynch s'est inspiré d'une histoire vraie, celle d'un pêcheur salvadorien retrouvé en 2014 sur un atoll des îles Marshall, au milieu de l'océan Pacifique après treize mois à dériver. Un fort orage avait en effet détruit son moteur et ses moyens de communication. Son coéquipier était mort pendant l'aventure.
L'auteur, à partir de ce fait divers, nous livre un huis-clos réaliste, poétique et philosophique marquant interrogeant nos propres questionnements intimes, notre condition humaine devenue alors si peu de chose dans l'immensité de la mer.

Ce livre, un phare guidant la conscience ayant plongé son faisceau dans le puits de mon être…


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Partis en mer malgré un avis de gros temps, le pêcheur sud-américain Bolivar et son jeune compagnon Hector se retrouvent prisonniers de la tempête, puis d'un bateau avarié dérivant sur l'immensité de l'océan Pacifique. Unis dans un tête-tête forcé, les deux hommes organisent leur survie, autant physique que psychologique.


Après une première partie dominée par la tension de l'action, tandis que Hector et Bolivar, que jusqu'ici tout opposait, réunissent leurs forces contre les éléments déchaînés, puis pour assurer les bases de leur survie, le récit se resserre peu à peu sur la confrontation psychologique des deux hommes, et enfin de chacun avec soi-même. Alors que le temps s'allonge et se vide pour les deux Robinsons, désormais rodés quant à leur précaire organisation matérielle, c'est leur mental qui envahit la narration. Et dans la lutte sans merci entre leur volonté et leur désespoir, on assiste à leur mise à nu jusqu'au tréfonds de leur être, et à leur terriblement tardive prise de conscience de ce qui fait le véritable prix de la vie.


Bien plus qu'une histoire de survie, Paul Lynch nous propose, au travers de ce roman métaphorique, une réflexion d'envergure sur la condition humaine. Car l'errance de ces deux hommes perdus dans une immensité déserte, oscillant entre désespoir et foi en leur survie, torturés par la conscience de leurs fautes dans une expiation préalable à une possible rédemption, n'est autre que celle de toute l'espèce humaine. Ainsi l'aveuglement de notre orgueil et de nos égoïsmes s'assortit de nos doutes et de nos peurs face à notre destinée de mortels. Ainsi nous partageons-nous entre, d'un côté, la perception de notre insignifiance, à la fois écrasante et miraculeuse dans une nature immense et incontrôlable qui nous renvoie à notre solitude dans le vide de l'infini, et, de l'autre, notre espoir et notre foi en une possible issue à notre finitude. Enfin, ainsi cherchons-nous le chemin qui donnera un sens à notre existence, celui qui passe par des valeurs universelles transcendant nos individualités.


A la fois poétique et réaliste, aussi profondément juste dans l'exploration psychologique de ses personnages qu'impressionnant dans son évocation des variations infinies de la mer, et surtout doublé d'une portée philosophique et mystique magistralement suggérée, ce roman a tout pour devenir un monument de la littérature. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Pêcheur expérimenté mais un brin râleur, Bolivar cherche, en vain, son coéquipier. Personne ne semble l'avoir vu et malgré l'appel de son patron, Arturo, il n'est pas chez lui non plus. Qu'importe. Puisque Bolivar veut sortir pêcher à tout prix, et ce, malgré la tempête qui arrive par le nord-est, il lui demande de lui trouver un nouvel équipier. Lorsqu'il voit arriver son patron avec un gamin, l'allure accablée et une certaine frayeur dans le regard, il refuse d'embarquer avec lui, certain qu'il n'y connaît rien. Arturo finit par le convaincre. C'est ainsi qu'embarquent, sur le panga, Hector et Bolivar, certains que la tempête retombera bien vite...

Pour ce roman, Paul Lynch s'est inspiré de l'histoire du pêcheur Jose Alvarenga. Parti en mer avec un jeune homme de 24 ans, pêcher le requin au large du Mexique, il dérivera et survivra, la plupart du temps seul, ce dernier étant décédé au bout de 2 mois, pendant 438 jours sur l'océan Pacifique, avant de mettre un pied à terre à plus de 12500 kms de son point de départ. de ce fait divers, l'auteur met en scène deux personnages : Bolivar, un pêcheur expérimenté qui aura fait fi de la tempête à venir, et Hector, un jeune homme de 17 ans recruté un peu contre son gré. Celui-ci décédé, Bolivar se retrouve dorénavant seul au milieu de l'immensité bleue. Paul Lynch nous décrit alors sa survie (comment attraper les poissons, comment se servir de tous les déchets en mer, comment récupérer l'eau de pluie...) mais aussi son espoir jamais ébranlé de survivre, même s'il se rend compte que son existence même ne signifie plus rien face aux éléments naturels et à l'immensité. Face à cette insignifiance, les deux personnages auront des comportements totalement différents, Hector sera très vite résigné et abattu tandis que Bolivar garde sans cesse espoir. L'homme, face à lui-même, n'a d'autre chose à faire que de penser, réfléchir à ses actes, voire ses péchés. Brillamment introspectif, ce roman, d'une grande justesse, donne à réfléchir sur le sens de la vie, de la mort et de nos actes.
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C'est l'un des livres dont on parlera très certainement beaucoup lors de cette rentrée littéraire 2021. Attendue par de nombreux lecteurs déjà conquis par la plume contemporaine de l'auteur irlandais Paul Lynch, c'est une fantastique odyssée intérieure poétique qu'il nous offre par la parution de son quatrième roman.

Alors que la rentrée littéraire ne commence « officiellement » que le 18 août pour les Editions Albin Michel, j'avais pu déjà lire par-ci par-là, des lecteurs qui attendaient impatiemment la parution de ce livre, du fait qu'ils avaient beaucoup aimé un des précédents bouquins de cet écrivain. Je ne vais pas vous mentir : pour ma part, même si je connaissais de nom l'auteur, Paul Lynch, je n'avais lu aucun de ses autres livres. Ce fût donc une découverte, mais quelle découverte!!!

Ses trois premiers livres trouvaient leurs décors en Irlande. Pour la première fois, l'écrivain a décidé de planter son récit ailleurs : au début dans un petit village côtier sud-américain mais surtout au milieu de l'Océan Pacifique. Afin d'y parvenir, il s'est inspiré d'un fait divers réel survenu en 2013 : après qu'un ouragan ait emporté deux pêcheurs très loin des côtes dans leur petite embarcation, l'un d'eux échoua près d'un an plus tard sur une des îles Marshall. de cette image, l'auteur a souhaité en tirer « un laboratoire expérimental idéal où il pourrait créer pour eux un vide existentiel ».

Bolivar est pêcheur et un jour, par besoin d'argent, malgré qu'une tempête se prépare à l'horizon, il se décide quand même de prendre la mer en compagnie du jeune Hector. Alors qu'ils se trouvent au milieu de l'Océan Pacifique, ils vont devoir faire face aux éléments naturels et à l'impossibilité de rentrer au port. C'est alors tout un voyage que nous fait vivre ces deux pauvres êtres, tant sur la mer qu'au plus profond d'eux-mêmes.

C'est une totale immersion dans cette terrible épreuve que vont subir ces infortunés pêcheurs. On tremble avec Bolivar et Hector sur ce bateau de fortune lors du mauvais temps, lors des jours qui suivent au moment où ils se rendent compte petit à petit que les secours n'arrivent pas et que leurs vivres se réduisent à peau de chagrin.

Cette façon dont l'auteur a de décrire cette immensité de l'océan Pacifique est tout à fait exceptionnelle. On ressent les courants marins, on perçoit le clapotis des vagues sur l'embarcation, on hume les embruns marins,… mais aussi on frémit lorsque les requins s'approchent du bateau, lorsque la tempête manque de le faire chavirer, lorsque le soleil brûle les peaux qui se décharnent au fil des jours.

Sans identifier vraiment le pays ou la ville de Bolivar, c'est toute l'ambiance de l'Amérique latine qui y est façonnée savamment avec beaucoup de talents. Ceci nous conte cette histoire regorgeant de sujets tellement actuels, tels que la solitude ou les terribles changements climatiques que la Terre subit.

Je ne peux que vous conseiller vivement ce livre, empreint de philosophie et d'humanité. Je suis certaine qu'on en parlera beaucoup et c'est amplement mérité au vu de ses très nombreuses qualités.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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« Qui sait si la vie n'est pas la mort,
et si mourir n'est pas vivre ? »
Euripide

Je referme ce roman, émue par cette histoire, à la fois tragique, sensible et cruelle.
Inspiré d'une histoire vraie, ce récit est en apparence simple, mais il est porté par une écriture belle, dramatique, poétique et par une tension qui s'impose progressivement.
Le lecteur a la sensation d'être précipité dans un tourbillon émotionnel.

*
Malgré l'annonce d'une très forte tempête, Bolivar, un petit pêcheur sud-américain, persuade Hector, un jeune adolescent inexpérimenté de prendre la mer avec lui.

« Un jour tu devrais m'épouser, Rosa. D'accord, je ne suis qu'un pêcheur, mais je finirai de rembourser le crédit pour ta télé. Et peut-être même que je t'achèterai une jeep. Je te paierai des meubles pour ranger tes affaires. Et tu auras tous les citrons verts que tu voudras. »

*
Tout d'abord, c'est le calme.
La pêche s'annonce excellente.
Et puis le vent se lève sans crier gare, violent, impétueux, qui déchire le silence. L'océan se transforme alors en un monstre géant, ouvrant sa gueule vorace pour engloutir la frêle embarcation.

« Et alors la mer devient ciel. Il plonge la tête entre ses jambes tandis que le bateau atteint le sommet de la vague et qu'un monstrueux tonnerre de glace leur tombe dessus. »

« Les sens à l'affût du moindre frémissement à bord. Il sait qu'une embarcation plus grande se serait déjà disloquée. le panga, en revanche, franchit tel un insecte la montagne de chaque vague. »

Ainsi, la tempête les surprend, les balaie, et les rejette loin de la côte.
Vivants après cette terrible épreuve, mais perdus dans l'immensité de l'océan Pacifique, ils ont peu d'espoir d'être secourus.

« le temps n'est plus le temps, il reste immobile au lieu de s'écouler. »

La vie prend ainsi un sens différent lorsque l'on est à la merci des forces de la nature. Au fil des jours, chacun doit se battre et repousser ses limites physiques et mentales pour rester en vie, ne pas renoncer. Les corps sont sollicités, soumis à la faim, à la soif, au manque de sommeil.

« Il pense aux diverses formes sous lesquelles pourra se présenter la mort. »

Mais comment survivre au manque de nourriture, à la réserve d'eau qui s'épuise ? Comment endurer la chaleur implacable, le froid mordant, les pluies torrentielles, la fureur de l'océan ? Comment surmonter l'épuisement, le découragement, la peur, l'attente interminable, la solitude ?

*
Le ton est juste, saisissant. L'écriture est belle, soignée.
Sans voyeurisme, ni pathos, Paul Lynch restitue avec beaucoup de justesse et de finesse, la psychologie de ses personnages. Son analyse est vraiment remarquable, l'auteur s'attachant à décrire au plus près, leurs sentiments et leurs émotions. Et c'est ce qui donne toute sa force à ce récit parfaitement maîtrisé.

La nature hostile est initiatique, elle confronte les deux pêcheurs à de terribles tempêtes intérieures et les dénudent peu à peu, sans faux-semblant, elle révèle leur vraie nature.

« Plonger au creux des vagues, plonger aux tréfonds de la peur insondable et aveugle qui repose dans le coeur de chaque homme. »

Par flashbacks, Paul Lynch remonte dans leurs souvenirs, leurs erreurs passées et l'on comprend mieux leurs remords et leur envie d'une seconde chance.

« Ce ne sont que des petites choses, dont je suis coupable, mais elles s'ajoutent les unes aux autres. Et moi je suis la somme de tout ça… Et ce sentiment est plus fort que toutes mes souffrances physiques… Et je passe mon temps à me souvenir de tout, je me reporte à chacun de mes actes. »

Se dessine aussi, doucement, leur caractère. L'auteur sait parfaitement suggérer leurs peurs, leur égoïsme, leur colère, leur solitude, le désespoir qui monte, la folie jamais très loin.

« Son esprit lui présente une image – le garçon se laissant glisser dans l'eau qui l'enveloppe comme une sépulture. »

*
L'océan n'est pas seulement une toile de fond, elle interfère dans leur vie et leur survie. L'auteur n'a pas son pareil pour décrire sa beauté, sa placidité, sa violence aussi. Ces passages sont magnifiques et montrent les différents visages de l'océan, du ciel, les jeux de lumière qui créent de multiples ambiances.

*
J'ai apprécié également le message écologique contenu en arrière-plan, l'océan « poubelle » charriant des tonnes de déchets plastiques dont les résidus se retrouvent dans les viscères des oiseaux.

« Démêlant sa provision de sacs en plastique, il entreprend de les trier. Il y a là des teintes et des inscriptions de toutes sortes. Il examine les logos délavés, les langues qui lui sont inconnues. Des mots brouillés, des idéogrammes. À observer ces sacs, il se fait brièvement l'impression d'un homme vivant la fin des temps humains, s'interrogeant sur les vestiges de civilisations étrangères et englouties, dont la mer a patiemment réduit à néant toutes les traces écrites. »

*
Pour conclure, Paul Lynch a écrit un magnifique roman d'atmosphère, à la fois effrayant, envoûtant et incroyablement émouvant. « Au-delà de la mer » entraîne le lecteur dans un huis-clos marin, tragique et captivant dans lequel l'homme est autant face à la mer qu'à lui-même.
Les questions de survie, de souffrance, de courage, de force, d'entraide, d'espoir, de renoncement sont abordées avec beaucoup de finesse et de sensibilité.

J'ai aimé plonger dans l'intimité de ces deux hommes, j'ai aimé ce récit à la beauté tragique et déroutante. Une très belle lecture.
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critiques presse (4)
LeMonde
10 janvier 2022
Dans le sillage de toute une littérature existentialiste, Paul Lynch quitte l’Irlande pour affronter les mille et un dangers de l’océan.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeSoir
13 octobre 2021
Avec « Au-delà de la mer », l’Irlandais Paul Lynch a écrit un roman brillant, sensible et touchant sur la condition humaine.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Lexpress
12 octobre 2021
Malgré le décor et l'ambiance, il ne s'agit pas d'un roman d'anticipation ni de morale environnementale sur ce que nous infligeons à notre planète, mais d'un texte profond sur l'être humain en situation extrême. Est-il capable d'être généreux et de partager ? Est-il en mesure d'accepter des êtres différents ou ne les perçoit-il que comme des menaces ? La survie est-elle dans la meute ou dans l'émancipation des individus ? Voilà des questions qui vous poursuivent bien après avoir refermé ce texte incroyablement évocateur.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
23 septembre 2021
À la suite d’une tempête au large de l’Amérique du Sud, deux inconnus se retrouvent coincés sur un bateau de pêche. Magistral.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Il sent sur sa peau la tiédeur de l’air. Le monde dans sa première clarté. C’est souvent ainsi, un lent ruissellement de couleurs fondues. La sensation du temps, comme si le monde était en train de naître à lui-même.
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Il lui semble que le silence infini a pénétré dans le corps et circule dans les veines, apaisant les désirs du cœur.
Il écoute le silence, et le silence devient émotion.
Il se demande si le silence intérieur est semblable à celui qui règne dans les profondeurs. Silence au cœur du silence. Le silence derrière toute chose. Il ne sait pas ce que cela signifie. Son esprit se repose sur le sentiment né de sa pensée, jusqu’à ce que celle-ci se dissolve.
Il prend soudain conscience qu’il n’avait encore jamais entendu un tel silence.
Il réalise que, sans le savoir, il a craint ce silence tout au long de sa vie. Et le fait de le sentir le soulage de cette peur. Il tente de mettre une forme sur le silence. Il essaie de le concevoir comme un son, mais ses oreilles n’entendent rien. Alors il essaie de le transformer en couleur. Au bout d’un moment, son esprit s’arrête sur le sentiment d’une signification du silence.

Le silence du passé.
Le silence de l’avenir.
Le silence des défunts.
Le silence de ceux qui sont encore à naître.
Le silence qui attend au sein de chaque chose vivante.
La nuit descendra sur ton voyage.
Il voit tout cela désormais et il cesse d’avoir peur.
Ce que ce silence lui révèle.
Le silence est une forme de pardon.
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Pendant des jours, la fureur de la mer. Au cœur de la nuit, la pluie semble dégringoler dans un abîme hors du temps. Il éprouve la très nette sensation d’être en train de se séparer de son corps. Les yeux fermés, il a l’impression de se transformer en quelqu’un d’autre. Il regarde, assis sur le banc, les éclairs qui frappent la mer, et quand il tourne la tête il se voit à l’intérieur de la glacière. Il s’aperçoit qu’en retenant son souffle, il peut s’élever très haut au milieu de la tempête. Loin au-dessus de la mer, il voit la petite tache sombre du panga et la lune projetée sur l’océan.
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Il hausse les épaules et s’entend murmurer : Ce n’est peut-être pas ma faute. Il réfléchit à cette idée. Peut-être qu’un homme ne mérite pas d’être condamné tant qu’il n’a pas eu à affronter la vérité. Que peut-on savoir de l’heure et des circonstances qui mènent un homme à rencontrer sa vérité ? De la longueur de ce cheminement ? Tout ce qui compte, c’est qu’il finisse par la trouver.
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Il s’éveille devant le galop de la mer déchaînée et porte la main à sa hanche. Avec une grimace de douleur, il se traîne vers les gobelets et les range dans un sac qu’il suspend à un crochet. Cramponné au banc, il se hisse dessus pour observer la mer et la lumière granuleuse qui s’appesantit sur les flots. La température ne tarde pas à chuter et il tombe une averse de grêle. Sa peau le picote, ses cheveux se hérissent. Alors qu’il tente de regagner la glacière au plus vite, un trait de lumière frappe l’océan sous ses yeux. Il se blottit à l’intérieur en gémissant, la lueur de l’éclair imprimée sur sa rétine. Il tâche d’ajuster son corps à la couche de polystyrène sans toucher les parois de la glacière.
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Videos de Paul Lynch (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Lynch
À l'occasion du Festival Étonnants Voyageurs à Saint Malo, Paul Lynch vous présente son ouvrage "Au-delà de la mer" aux éditions Albin michel.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2538466/paul-lynch-au-dela-de-la-mer
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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