La Vie secrète des abeilles : L'esprit de la ruche

Lorsque l'abeille a fait le plein, elle rapporte son butin à la colonie et revient. Lorsqu'elle a terminé sa mission et épuisé le carré de fleurs qui lui était assigné, elle peut repartir sur une autre mission, après avoir pris de nouvelles consignes, et peut butiner alors une autre variété de fleurs.

Si la fleur n'est pas butinée, et donc pas fécondée, elle meurt sans fruit. Meurt avec elle, un jour ou l'autre, la plante qui la porte. Meurt avec elle l'animal qui l'a broute. Meurt avec elle l'homme qui n'a plus ni fruits, ni légumes, ni viande. Meurt avec elle l'humanité. Question de vie ou de mort pour l'abeille aussi. Le nectar de la fleur est sa seule et unique nourriture. C'est sa survie à elle, et celle de sa colonie, qui se joue dans l'immédiat. Nous retrouvons encore une préoccupation qui devient lancinante : survivre.

L'aménagement intérieur de la ruche est composé de plaque appelées rayons, ces derniers étant eux-mêmes constitués d'une multitude de petites cellules, les alvéoles ressemblant à de petits tubes. Ces alvéoles sont construites à partir de cire pure.

C'est un détail qui semble une évidence et qui est devenu un lieu commun : l'abeille fait du miel. Mais ce qui ne ressort plus de l'évidence, c'est qu'elle fait du miel en trop grande quantité pour elle seule. Les autres animaux ne font pas de stocks, ou seulement pour leurs propres besoins, comme l'écureuil, qui cache quelques noix dans la terre pour pouvoir attendre la prochaine récolte. La plupart des insectes, cousins de l'abeille, ne font pas de provisions au-delà de ce dont leur progéniture a besoin. L'abeille récolte sans limites, ou plutôt jusqu'à la limite de ses forces, bien au-delà de ses besoins, et laisse l'homme raisonnable lui prélever ce qu'elle a en trop. D'où vient cette générosité, inconnue chez les autres insectes, alors que le principe de survie, que nous avons maintes fois constaté ensemble, lui dirait normalement d'en faire moins, juste pour elle, et de ménager sa force pour vivre un peu plus longtemps ?

La colonie peut comprendre 40 000 à 50 000 individus, parfois plus. Ramenée à l'échelle humaine, c'est donc une ville moyenne, avec ses artères, ses logements, ses magasins, sa maternité, sa circulation, ses corps de métiers, son administration et tout ce qui est utile à la vie quotidienne.

L'abeille serait ainsi théoriquement capable d'identifier 40 000 parfums différents. Dans la pratique, elle va en mémoriser environ 700, ce qui est déjà considérable.

Épilogue

En ce début avril, "printemps silencieux" dans mon verger. Les quatre ruches, dont l'observation ou la contemplation ont alimenté le récit que je viens de faire, sont mortes, victimes des pesticides agricoles.
Le dimanche 6 avril au matin, un essaim sauvage est venu spontanément se loger dans l'une des ruches devenues vacantes. Le Grand Esprit ?

En ce qui sont concerne l'abeille, la persistance rétinienne est d'un centième seconde. Elle photographie ainsi cent images par seconde, soit quatre fois plus que nous. Sa perception des événements est donc beaucoup plus rapide que la nôtre.