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EAN : 9782743661243
Payot et Rivages (04/10/2023)
3.3/5   81 notes
Résumé :
Céline Minard nous plonge dans un univers renversant, où les espèces et les genres s’enchevêtrent, le réel et le virtuel communiquent par des fils ténus et invisibles. Qu’elle décrive les mesures sensorielles effectuées sur des acrobates dans un monde post-humain, la conservation de la mémoire de la Terre après son extinction, la chute d’un parallélépipède d’aluminium tombé des étoiles et du futur à travers un couloir du temps, ou bien encore la création accidentell... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,3

sur 81 notes
Ce n'est pas un recueil de nouvelles, en tout cas ce n'est pas annoncé comme tel, et pourtant ça y ressemble.
Chaque « chapitre » est une histoire indépendante des autres. le fil rouge est qu'elles traitent toutes d'un futur de l'humanité et que quasi toutes envisagent une humanité en survie, sur Terre ou ailleurs… des changements majeurs dans la vie des êtres vivants.
Ces histoires sur le fond avaient tout pour me plaire, d'ailleurs certaines m'ont plu « Boues à neige »,« Grands chiens », « Grands singes »… et pourtant…
Cela fait une semaine que je réfléchis à mon manque d'adhésion. Je pense que ce qui m'a profondément gênée c'est la construction en quelques pages d'un univers complexe terrestre ou spatial, à l'aide de termes techniques, scientifiques ou de fictions, très allusifs (à mon sens bien sûr), qui, alors qu'on a l'impression d'enfin comprendre où on met les pieds, est déjà achevé.
J'aime assez les nouvelles.
J'adore la SF, je l'adore notamment parce que j'aime que l'on me propose des univers différents, des organisations vivantes différentes dans lesquels j'aime m'immerger. Mais là, pas d'immersion possible. A peine commence-t-on à pénétrer dans un monde, à en percevoir les contours, que c'est déjà fini.
Un loupé pour cette fois. Cela ne m'empêchera de retourner vers Cécile Minard..
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Céline Minard ne laisse personne indiffèrent. Comme dit l'autre : ça passe ou ça casse.
Je vais dans une petite librairie dont le nom évoque une chanson romantique des années 60. Il y a là 3 jeunes libraires aux goûts très différents. Je n'aurais pas lu Plasmas si l'une des libraires, celle qui aime les pavés magnifiques ( genre Et quelque fois j'ai comme une grande idée ou Confiteor) , ne me l'avait pas conseillé. C'était une suggestion ultra-bienveillante mais ce coup là ça a cassé. Pas entre nous, bien sur, mais par rapport au bouquin.
C'est une inconditionnelle de Minard dont je n'avais rien lu. Elle m'a donc dit : « La plupart de mes lecteurs n'ont pas aimé ou pas compris, mais vous , ça va aller, c'est incroyablement bien écrit et tout se relie à la fin dans une apothéose géniale. Ce livre est pour vous »
Nous aurons une petite discussion. Demain ou mercredi, je crois qu'elle est là mercredi.

Alors comment dire : il s'agit bien d'un recueil de nouvelles, elles ont des points communs dystopiques, uchroniques post-apocalyptiques indéniables
Mais c'est du concentré de nouvelle ultra-compact, mega-travaillé , d'une sophistication et d'une technicité redoutable.
Et en même c'est une cosmo-vision poétique qui transcende les genres. J'avoue avoir pas mal wikipedié au début ; puis j'ai arrêté.

On fait un énorme effort pour entrer dans un monde qui implose en quelques lignes fulgurantes. C'est un peu frustrant.
On commence à comprendre son petit métavers , on danse avec les primates,communique avec les poulpes, clone de petits chevaux et découvre la pierre de Rosette du futur et pfff, on en est expulsé. Après tous ces efforts adaptatifs c'est rude.
Du coup je ne note pas ce livre. Je ne veux pas d'histoire. J'aime ma librairie.
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🦠Chronique🦠

« Elle allait parler. Elle allait leur dire… »

Même si on connaissait la suite. Même si on vivait à travers les mensonges. Même si le trouble allait durer assez longtemps.

Elle leur dirait.

Que les papillons parlent. Que la nature est capable de tempête. Que regarder des acrobates peut devenir hypnotique. Que se fondre dans le décor, c'est dépasser la simple observation. Que muter, c'est la nouvelle forme de survie. Que la métamorphose est poésie.

Elle allait parler du Vivant. Sous toutes ses formes, sous tous ses genres, sous tous ses états. Elle allait leur dire que la nature est fascinante, adaptable, exceptionnelle. Elle allait parler technique, urgence écologique, génétique. Il y aurait des extinctions, de l'hybridation, des recombinaisons.

Elle leur dirait.

Que leur fin est proche. Elle dessinerai des nouvelles perspectives, de nouveaux monstres, des nouveaux imaginaires. Elle parlerai mutations, complexités, frontières plus ou moins floues. Elle insufflerait de la vie. La vie, la ténacité du vivant, le phénoménal instinct de survie. Elle renverserai les codes, les règles, les tubes à essais. Elle détruirai tout de l'espoir, et pourtant il viendrait. Sous toutes ses formes, dans tous ses états, et ferai genre, le fou, mais habiterait tous les mots qu'elle aura choisi de dire.

Que l'apocalypse n'est pas si terrible. Qu'il nous reste les étoiles, les océans et les forêts. Qu'on se console de voir la nature faire ses merveilles. Sans nous, mais qu'importe. La beauté mérite des sacrifices. La beauté est vie. La vie est Beauté.s. Que si nous avons été bête de ne pas le voir, la nouvelle génération métamorphosée, elle, aura le don d'aimer chaque mouvement, chaque voltige, chaque vibration. Qu'elle aura la capacité d'adaptation. Qu'elle aura le pouvoir de changer.

Elle allait leur dire…

Qu'avec des Si, on refait et défait un monde. On refait et défait une espèce, un genre, des Plasmas. Qu'avec des Si, l'univers prend d'autres dimensions, d'autres chemins, d'autres vies. Ce n'est que jeux de matières et d'états, de temps ou de hasards, mais toujours cette vie qui prend le dessus, envers et contre tout.

Alors, maintenant, c'est peut-être à moi de dire

Que c'était fascinant. Terriblement intrigant. Céline Minard nous sublime les instants de vie. Des vies imaginaires, des vies redéfinies, des vies inconnues, des vies extraterrestres. Chaque détail, chaque mouvement, chaque infini éclate en nos yeux, en nos coeurs, en nos esprits. L'émotion est vive. La plume est magnifique. C'est une explosion d'images phosphorescentes. C'est de la poésie lumineuse. C'est cela, que j'aimerai lui dire à Céline Minard, que dans ces jours sombres, je vais garder la phosphorescence de sa poésie, le magnétisme de ces textes, la vibration émotionnelle, comme un fait considérable. Comme un fait exceptionnel. Comme un fait déterminant.

Ce qui s'appelle
Un coup de coeur infini, et au-delà…
Lien : https://fairystelphique.word..
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Plasmas, on ne sait pas bien si c'est un recueil de nouvelles, ou plutôt le roman du monde d'après, celui qui nous attend après les catastrophes écologiques vers lesquelles nous nous dirigeons. Chaque chapitre se suffit à lui seul, tout autant qu'il vient apporter sa pierre à l'édifice d'un univers futuriste dont nous découvrons peu à peu les lois, un univers post-apocalyptique. Dans ce monde, il y a des bots qui enregistrent les données humaines, de nombreuses créatures à l'intelligence bien supérieure à la nôtre, une Terre qui n'est plus habitable, une nature recréée de toute pièce, dans des bulles, puisque la nature telle que nous la connaissons a cessé d'exister. Vous l'aurez compris, dans ce livre il n'y a pas réellement d'intrigue linéaire, mais il y a, bien d'avantage, un message fort, celui de l'urgence écologique. Ce qui est dit, entre les lignes, mais avec suffisamment de puissance, c'est que si nous continuons ainsi, la tête dans le guidon, sans réfléchir, le monde tel que nous le connaissons court à sa perte. Alors certes, il y aura peut-être un autre monde, différent, qui viendra ensuite. Mais la nature à l'état libre n'y aura plus sa place, et les humains y seront détrônés.

Dès les premières lignes, on sent que ce livre va demeurer plutôt obscur. On peut toujours tenter de relier tous ces éléments entre eux, afin de chercher la ligne directrice de l'intrigue, mais c'est une entreprise vaine. En réalité, tout l'intérêt de cet ouvrage réside dans l'écriture. Une écriture d'une précision impeccable, fine et ciselée. Chaque mot est à sa juste place, qui nous entraîne dans un tourbillon de sensations, qui nous donne à voir chaque scène, chaque biotope comme s'ils étaient devant nos yeux. Céline Minard ne pose aucun mot au hasard, elle fait montre d'un vocabulaire technique adapté à chaque situation. Qu'elle nous parle de l'agilité des acrobates, de la robe des chevaux nains, de l'activité aérienne autour d'un arbre dans la jungle, d'expérimentations botaniques, ses mots sont toujours maîtrisés et choisis. Il y a des livres où la langue présente plus d'intérêt que l'intrigue elle-même. Celui-ci en fait partie. Pour le lire, il ne faut pas chercher à comprendre. Il suffit de se laisser porter par cette plume, de se laisser emporter dans le tourbillon, et d'assister, en tant que témoin émerveillé, aux scènes qui se déroulent sous nos yeux.

J'ai beaucoup aimé cette parenthèse de poésie dans laquelle cette lecture m'a entraînée. Céline Minard a en outre cette malice de faire de la science-fiction sans trop le dire, et j'aime ça ! Je suis convaincue que ce livre touchera plus d'un lecteur, alors pourquoi pas vous ? Si malgré tout mes arguments ne parviennent pas à vous convaincre, sachez que ce livre révèle bien des surprises, et qu'en allant au bout, vous assisterez à une scène de cosplay d'anthologie.
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Sidérée, séduite, envoûtée par ce recueil de nouvelles, inclassable. Comment rendre compte de ces univers créés par l'auteure où métamorphoses et mutations sont les conditions de survie d'une humanité menacée d'extinction. Dans l'espace ou au fond des mers, survivre signifie vivre en symbiose avec son environnement, comme ce jeune homme dans la nouvelle Grands fonds, descendant d'une lignée d'humains modifiés génétiquement pour vivre sous l'eau. Celui-ci est fasciné par les poulpes et leur capacité à se fondre dans leur environnement pour échapper à leur prédateur ou pour chasser. Il est « envoûté par les capacités fugitives de la poulpe. Cette façon de s'enfoncer dans les ectoplasmes, d'y trouver refuge, et de bouleverser les ordres, les règnes et les genres en les traversant tous. » Ou bien cette femme dans la nouvelle Grands singes qui rejoint une tribu de primates par opposition à la main mise de l'Etat sur certaines espèces animales en vue de leur éradication au nom du principe de précaution. Elle parvient à se faire adopter par eux après avoir acquis quelques rudiments de leur langage et de leurs habitudes jusqu'à parvenir à une complète fusion mentale avec ses mentors. Cette plasticité, physique, mentale, émotionnelle est un gage de survie mais aussi une nouvelle façon d'être au monde. le style de ces nouvelles est remarquable : les mots sont choisis avec soin, les phrases sont rapides, nerveuses, le vocabulaire précis, d'une grande richesse. L'auteure parvient à créer autant d'univers différents, oniriques, qui sont autant de perspectives imaginaires sur des avenirs possibles pour l'humanité confrontée à une Terre ravagée par la force des éléments. Fascinant.

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critiques presse (3)
LeFigaro
21 novembre 2021
Un roman d’anticipation onirique et poétique. Voluptueux.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
29 octobre 2021
L’écrivaine signe un recueil de dix nouvelles qui dessinent un univers hyperfuturiste et malicieux – une drôle d’expérience.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeSoir
29 octobre 2021
Avec « Plasmas », Céline Minard nous entraîne dans les mondes hypothétiques du futur. Avec beaucoup de couleurs, de grâce et de poésie.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le centre ne suscitait plus autant d’intérêt qu’à son ouverture. L’heure de gloire était révolue, et avec elle, l’attention des mécènes. Elle avait vieilli elle aussi, et si son état était loin d’être à l’image de la cour déjetée qu’elle traversait, un seau au bout du bras, elle avait perdu la fraîcheur et la force de persuasion qui attirent les investisseurs. Son éclat était plus mat, son travail plus lent, sa passion plus profonde mais moins communicative. Elle s’était lassée du public.
Elle avança devant la grange dont la porte avait finir par se gauchir complètement, et nota que le fenestron n’était toujours pas occulté. Elle jeta un œil aux étais du fenil et inspira à pleins poumons, le nez vers la lucarne d’où débordait le foin de l’année. Cette première bouffée lui ouvrait l’appétit et annonçait les odeurs vivantes de l’étable. Chaudes, denses, aussi accueillantes que les bêtes qui se réveillaient en reniflant l’avoine et la maîtresse qui l’apportait.
Contrairement aux autres modules du centre – excepté le laboratoire et la salle de soins strictement maintenus aux normes -, l’écurie était la fierté personnelle d’Aliona. Elle adorait ses chevaux. Ses cinquante petits corps musclés, sa harde vivante, plus farouche que des perdrix, plus domestique que les chèvres qui broutaient, l’été, les jardinières de civette qu’elle remisait dans sa chambre, fenêtre grande ouverte.
Ils la recevaient avec des secouements de crinière, des cris d’appel et des oreilles droites. Elle avait pour chacun un geste de la main, une flatterie, un mot ou une épluchure de carotte. Elle parcourait une première fois le bâtiment en leur parlant, tandis qu’elle versait l’avoine dans les mangeoires. Elle attendait qu’ils plongent la tête dans les auges et qu’ils soufflent sur les dernières poussières, avant de revenir sur ses pas en débloquant tous les loquets, leur laissant le soin de pousser le vantail du chanfrein et de la rejoindre au bout de l’étable, piaffants, avides d’air neuf.
Elle les connaissait individuellement jusque dans les recombinaisons les plus secrètes de leur ADN. Elle les avait faits.
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Et la saison passait. Le cœur de la sphère disparaissait un moment sous un aérosol homogène moucheté de paillettes. On tenait alors une boule de fumée aussi fragile qu’une bulle de savon, tout aussi vide.
La poussière de la floraison retombait. Elle décantait, lentement, se posait sur les surfaces immobiles, accentuait les reliefs, tapissait les plaines, marquait les liquides. Tout était gris, noir, couvert d’une couche de poudre épaisse, un tapis de fractales irrégulières, mêlé de brun, strié de blanc. Les vents balayaient et recomposaient les sols. Les marées brassaient la roche et la cendre avec le sable. Les braises s’étouffaient dans la zone de nuit jusqu’à l’extinction complète. Les nuages perdaient de la masse et se reformaient, plus clairs, lessivant les terres depuis les sommets. Des montagnes glissaient, les grands fleuves remuaient, prenaient du volume, poussaient les alluvions et forçaient les barrages pour rejoindre les mers. Les coulées sales s’éclaircissaient. Et le vert apparaissait. En points, puis en taches de plus en plus larges sur l’ensemble des terres émergées. Il occupait la côte est de l’Amérique du Nord suivant l’ancien maillage du réseau lumineux jusqu’au centre du continent, par capillarité, il soutenait les fleuves dans leur course, courait sur les plateaux, sautait sur les versants. L’Eurasie se couvrait d’un manteau clair ininterrompu dans sa partie nord, l’Australie se bordait, l’Afrique retrouvait un cœur, l’Amérique du Sud une coiffe, une robe, une parure. Et les cyclones continuaient de brasser, les océans d’éclaircir et d’engloutir les îles et les bordures.
Quand le sable se distinguait de l’écume sur les littoraux et formait un trait de contour blond, quand les lagunes apparaissaient en mer Caspienne, les mangroves à la pointe de la Somalie, les récifs-barrières en Australie, Helen arrêtait l’animation. Tout le monde connaissait la suite. Son auditoire ne supportait plus la mention de la série d’événements qui avaient eu lieu dans cette tardive Antiquité. La lassitude, plus rarement la colère, le rendait sourd à cette période historique.
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Galván est là pour tourner le triple comme il se tourne depuis des siècles, à l’antique. Sa technique est irréprochable, elle est rodée. Les Bjorgs qui maîtrisent la quinte et le sixte n’en ont pourtant pas fini avec lui, avec son art, avec sa peur, peut-être. Les variations de son taux d’adrénaline qui grimpe en flèche au tout début du départ, descend pendant le ballant, s’installe dans la figure, plus stable qu’un centre de gravité pendant qu’il tourne sur lui-même comme autour d’un axe inamovible, et remonte au moment de la rencontre, juste avant d’entendre le porteur, de le sentir, de le voir enfin, ses yeux comme deux lacs inversés, gorgés de vie, de larmes retenues.
Ils n’en ont pas fini avec Rodric non plus. Avec ce qui les lie au travers du vide, qui échappe à leurs mesures. Au calcul des forces, à la mécanique des fluides, à la chimie.
Il le tourne et revient. Rodric tape dans ses mains. Léna repart.
Elle se lance de la plateforme d’un saut sec, très réduit, le seul effort qu’elle semble fournir d’elle-même, tirer de son corps, de sa force personnelle, le seul acte où sa volonté se manifeste, décisive et ramassée comme une balle. Le geste après quoi tout est dit alors que rien encore n’est joué, n’a eu lieu, ni pris forme sinon dans sa chair et déjà dans l’air qui la porte. Elle est au-delà de la figure qu’elle va accomplir. Occupée seulement de sa suspension, paumes fermées sur la barre, immobile dans le mouvement de l’agrès, dans la masse du gaz qui l’entoure. Ce n’est pas elle qui bouge mais les éléments autour d’elle. La barre, le porteur, le filet, le portique. Elle les lâche dans les quatre directions, elle les fait tourner, les reprend pendant qu’ils tombent, les replace, les renvoie, les affole, et revient la barre dans ses mains, la gravité dans la terre, l’air dans sa bouche.
Léna n’est pas une voltigeuse, elle n’a que faire de la chute.
Les Bjorgs ne parviennent pas à quantifier son degré d’absence.
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Depuis son entrée dans la société des Eips, elle développait une science du corps primitif, dont le degré d’élaboration la surprenait jour après jour. À force d’attention aux autres, au moindre de leur geste, de leurs choix posturaux, de leurs manifestations vocales, par ricochet, par mimétisme, elle avait creusé dans ses muscles et dans ses gènes, terreau d’une mémoire très ancienne. Elle y avait trouvé un savoir qui était une pratique, elle y avait trouvé que tout savoir ne peut être qu’une pratique. Il y a cent façons de manger un céleri sauvage. Il n’y a en qu’une et les Eipes la lui avaient enseignée. Elle les suivait depuis si longtemps qu’elle commençait à comprendre leur idée du territoire. Ou plutôt, que le concept de territoire appliqué à leurs déplacements était une aberration. L’étendue ne les cernait pas, ne les concernait pas. Ils étaient régulièrement devant tel bosquet, telle fourmilière, tel rang de buisson, tel bras d’eau, au moment où il le fallait, quand le bosquet produisait ses fruits, quand ils avaient soif, besoin d’antiseptique, envie de sucre ou des nids douillets que fournissaient les arbres à certains endroits précis, mais chaque poste connu, pris dans le flux, était neuf, intégré dans l’instant, impliqué de nouveau dans le filet de leur pratique.
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Uiush était coquet.
Il tenait pour un grand avantage la présence en nombre de cyanobactéries et de symbiotes chlorophylliens dans la parure corporelle. C’était, à ses yeux, la marque et le sens d’une fourrure de choix. Ainsi que le signe de son intimité avec le monde. Plus il était vert et moiré, plus il était feuille parmi les feuilles, accroché par la corne de ses griffes à sa branche, accordé aux ambiances de son hôte. L’arbre le portait comme il portait ses papillons, ses coléoptères, ses algues et ses virus sanitaires. Gracieusement. Il s’attachait à ne pas le chatouiller, à ne pas peser plus qu’un hamac aux attaches relâchées, à ne jamais érafler l’écorce. Et surtout, à ne pas le prendre de vitesse.
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Récipiendaire de nombreux prix, pensionnaire de la prestigieuse villa Médicis, voix majeure de la littérature française actuelle, Céline Minard a d'abord étudié la philosophie avant de se lancer dans l'écriture. Rencontre avec celle qui nous entraine en ses mondes incertains…
Avec : Céline Minard Modération : Jeanne-A Debats
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