Liminaire.
Peut-on faire une critique d'un "récit" où l'auteur, qui se prend pour un livre ,s'autocritique en permanence?…non, ce sera
Un auteur/livre se livre!
Monologue de 142 pages où se confondent dans un discours, "moi" (ici l'auteur/livre), "Moi", l'inspirateur, et enfin le lecteur, dans un contexte charnel, intense et labile où le mot devient une matière élastique, à température, taille et intensité variable, sujet à engendrer des espaces émotionels où un cri à le droit d'être chuchoté, et un chuchotement hurlé! En une phrase, l'auteur met instantanément le lecteur dans le bain… Dans son bain qui est l'ensemble des organes du livre: bras, jambes. sexe, ventre, bouche, voix, regard, et bien d'autres choses à découvrir au fil de la lecture, car la diablesse, de sa boite de Pandore, elle en ressort au besoin avec malice et délectation tout au long du déroulement de ses mots sur 142 pages…
"
Peau de papier" débute ainsi:
"Ceci n'est pas un livre, c'est un morceau de moi éparpillé entre vos doigts.
Chaque page que vous touchez est la chair de mes pensées. le saviez-vous?
Ma
peau de papier, caressez-la doucement, sans la griffer. Fermer les yeux un instant et sentez les grains de ma peau, immobiles sous vos doigts. C'est une peau morte que seule votre imagination fera vivre.
Les mots couchés sont des yeux clos dont il vous reste à tirer les cils.
Si vous plongez dans mon corps, dans mon sexe, dans mes yeux, là où la rétine se rétrécit, vous risquez de vous brûler, car à l'intérieur de moi se consume tout ce qui s'y crée. Chaque cendre est la matière première d'une autre pensée, qui brûlera elle aussi."
Pour le lecteur potentiel qui vient de lire ces neuf premières phrases du texte, c'est le moment ultime du choix: soit il referme le livre à l'instant, soit il l'accepte: dès lors, qu'il continue, et qu'il le veuille ou non, il va être trituré virtuellement dans sa chair et son esprit sans ménagements, il va se trouver instantanément balloté, jusqu'à la page 142, au gré de l'imagination de l'auteur/livre qui se fait découvrir et se découvre elle-même, à la mesure du récit. le lecteur, devenu acteur se fait pièger: son intégrité physique et intellectuelle en prend pour son grade. Survient progressivement une suite d'amputations indolores et même jouissives qui l'identifie petit à petit (et le rend conscient) à son appartenance au monde de l'auteur/livre qui le modèle au gré de son imagination et en fonction des nécessités qui apparaîssant dans le déroulement des événements issus de l'esprit et de l'humeur de l'auteur/livre. Ce n'est pas une entité négative et destructrice, comme on pourrait le croire, non, elle finit toujours par démontrer que le but des tourments qu'elle inflige au lecteur, est un passage obligé pour qu'il se débarasse du superflu inutile, afin d'atteindre une forme de Nirvana entre l'auteur/livre et lui. C'est un don de soi total et mutuel qu'elle veux obtenir et offrir.
Quel en est la raison? Est-ce "Moi", là en permanence, ne quittant pas l'esprit de l'auteur/livre, n'offre-t-elle pas au lecteur, sans qu'il ne s'en rende compte, tous les sentiments qu'elle porte à Moi. Mais ce Moi, est-il seulement lecteur?
L'avis de Mijouet :
La finalité de "
Peau de papier" semble être une déclaration d'amour déjantée destiné à "Moi". Chaque lecteur forgera sa version de son/cet amour. Tous les lecteurs réunis auront participé à une lettre collective virtuel destinée à "Moi" et voulu par "moi", l'auteur/livre. S'il paraît que c'est le but inavoué de cet ouvrage, c'est un coup de maître, où chacun y trouve bien plus que son compte: c'est une véritable initiation au plaisir à la fois charnelle et spirituelle des mots, à l'éclatement de leurs significations en un feu d'artifice sensuel et intellectuel nous découvrant au fil de leur écoulement un monde merveilleusement poétique. Mais pourquoi n'y a-t-il pas plus de livres aussi touchant, secouant, vibrant, destiné à offrir au lecteur autant plaisir au sens propre du mot?
Mijouet en ressort tout abasourdi!
Pour lui, cette lecture est totalement différente de tout ce qu'il a lu, et il n'y a pas vraiment d'ouvrages pareils de sa connaissance… oui , quelques usages des mots trouvés ça et là, évoquant un peu l'écriture de "
l'écume des jours" de
Boris Vian ou également, en moins parti pris, celle totalement déjantée de la pièce de
théâtre "Les épiphanies " d'
Henri Pichette. (voir citation)
Désolé ,la force de ce texte à foudroyé Mijouet! Il est las et là K.O.!