Attendre. Attendre. Être toujours seule. Un jour, elle en a assez. Son copain musicien qui rentre à pas d'heure. Qui n'organise jamais rien pour eux deux. Alors, au petit matin, elle claque la porte. Elle laisse un billet d'adieu sur son oreiller. Et lui , il « rêve d'une histoire intense », mais ne la trouve pas. Tous deux se croisent en bord de mer. Deux solitudes qui se rencontrent. Ils passeront ensemble une journée au cours de laquelle ils fantasment toute une vie, avec ses découvertes, ses plaisirs, ses chagrins, ses disputes aussi. Au bout de la promenade, c'est comme s'ils avaient vécu en couple pendant des décennies.
Le bleu est une couleur que j'adore. La couverture de l'album mêle celui du ciel à celui plus sombre de la mer, à la surface de laquelle n'émergent que les mentons et les torses des deux nageurs. Cela suffit à attirer ma main.
J'avais lu avec plaisir «
Je t'écris de Barcelone » de
Pilar Pujadas et avais eu l'occasion d'échanger quelques courriels avec l'auteure. Je ne savais pas qu'elle travaillait aussi dans la bande dessinée. Comme la mer est mon endroit favori, je suis repartie avec l'ouvrage sous le bras.
Si l'histoire commence mal, puisque nos deux héros sont désenchantés, les couleurs sont ternes et sombres. Même en été, il n'y a guère de lumière, si tôt, le matin. Et dans les coeurs des deux protagonistes, il fait nuit aussi lorsque l'amour s'éloigne.
Au moment où le jeune homme arrive près de la plage, sur laquelle descend la femme, le lecteur se dit qu'il va se rapprocher d'elle et que leurs deux solitudes finiront par s'accorder. Ce n'est pas faux, mais pas dans le sens auquel on pensait. Comme deux enfants, ils jouent au jeu des « Et si... ». le voilà qui entame un récit : « Nous allons avoir une vie intense vous et moi. » qu'elle poursuit : « Après une année de travail où nous frôlerons la dépression, nous prendrons nos sacs à dos. » Il n'en faut pas plus pour qu'une histoire se crée. Tandis que la grève déserte commence à se peupler de vacanciers avec parasols et bouées, les deux promeneurs enrichissent leur scénario. Je me demande si ce n'est pas ainsi qu'ont procédé les auteurs.
Où se passe cette aventure ? Je n'en sais rien. Peut-être cette ville côtière existe-t-elle. Peut-être est-elle sortie de l'imagination de
Luc Peiffer ? Toujours est-il que, plus la trame s'enrichit, plus les paysages s'étoffent, varient. Des arbres apparaissent. Puis des maisons modernes, blanches, géométriques. le fond de l'eau est peuplé d'algues et de poissons multicolores. Un chemin encaissé mène à un pont de pierre. Une paillote accueille les estivants, l'averse s'invite, un petit bateau les emmène au large. On visitera même une grotte, un port animé ou un phare désert.
Le ciel d'azur se couvre de nuages, le paysage est hachuré par l'ondée, la voûte céleste est criblée d'étoiles. Deux images m'ont marquée : celle des cerfs-volants bigarrés balancés par le vent, celle d'une pluie de roses qui se détachent et flottent dans l'air.
Le découpage laisse une belle place aux plans larges qui permettent d'embrasser l'immensité du paysage.
Quant à la fin, c'est certain, elle vous surprendra.
Les protagonistes ne sont pas nommés. Ils s'accordent tout de suite comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Pas besoin de présentations. Et nous, lecteurs, nous devrons attendre longtemps pour découvrir leurs identités.
J'ai vraiment apprécié cet album.