L'auteur nous raconte dans ce livre, la souffrance d'une femme Ann Hidden musicienne, passionnée de piano, mais ne produisant plus sur scène, passionnées également d'oeuvres anciennes qu'elle retranscrit à sa manière. C'est une artiste, torturée par la vie, les abandons : son père est parti alors qu'elle était enfant, juste après la mort de son petit frère, et sa mère a passé sa vie à attendre son retour. Il n'a jamais donné de nouvelles.
Après l'échec de sa relation avec Thomas elle fuit, décide mener une autre vie, change la couleur de ses cheveux, sa façon de s'habiller, elle est devenue une autre.
Quand elle tombe amoureuse de la belle villa ancienne creusée dans le rocher qui surplombe la mer, elle s'installe. le chemin qui mène à la maison est raide, parfois impraticable mais la villa semble se mériter. Elle l'aima avant de penser qu'on pût aimer d'amour un lieu dans l'espace.
Elle se replonge dans la musique, les oeuvres anciennes toujours, devient amie avec la famille propriétaire de la maison, en particulier Amalia.
D'autres personnes vont entrer dans sa vie, Leonhardt, Magdalena, sa fille
La natation occupe une grande place dans sa vie, avant elle nageait en piscine, là elle a la mer pour elle toute seule. Elle l'explore physiquement, tactilement comme les touches du piano. Elle écoute sa musique, parfois même son vacarme : Elle pouvait passer des heures devant les vagues, dans le vacarme, engloutie dans leur rythme comme dans l'étendue grise, de plus en plus bruyante et immense, de la mer.
Mais un nouveau drame va se produire et elle prendra encore la fuite.
Pascal Quignard raconte les blessures de l'amour, de la petite fille abandonnée par son père, puis par l'homme qui partageait sa vie, les blessures de l'amitié que ce soit Georges, ou les autres personnes, Léonhardt, Charles Giulia, Magdalena… et comment on peut aimer une maison tout autant qu'un être humain : Elle aimait de façon passionnée la maison de zia Amalia, la terrasse, la baie, la mer. Elle avait envie de disparaître dans ce qu'elle aimait… Mais ce n'était plus un homme qu'elle aimait ainsi. C'était une maison qui l'appelait à la rejoindre. C'était une paroi de montagne où elle cherchait à s'accrocher.
Il nous raconte la solitude de l'être humain, de la souffrance que l'on cache en soi et qui entraîne bien des fêlures, dans le fond du coeur et du corps. Est-ce la bonne solution de fuir, de disparaître quand on souffre ? Ann a le don de couper les liens presque chirurgicalement. Sa personnalité se transforme chaque fois qu'elle fuit, elle change de lieu mais aussi de vêtements.
Ann nous tient à distance, par cette froideur apparente, qui va tomber d'un coup quand elle rencontre Magdalena, cette petite fille de trois ans qu'elle va aimer follement, maternellement, elle qui n'a jamais reçu d'amour de sa mère, devient capable de donner, de s'occuper d'un enfant, de l'aimer de manière inconditionnelle. A ce moment-là de sa vie, elle est vraiment humaine, gaie, chaleureuse, vivante.
Pascal Quignard décrit si bien la Musique et son effet sur les humains, la manière dont elle les accompagne. Ce livre est construit comme pourrait l'être une partition, avec des mouvements différents, des instruments divers. Sa musique change au fur et à mesure que l'on avance dans l'histoire, elle compose de plus en plus et le style devient devient de plus en plus moderne, énigmatique avec de longs silences. Elle réussit à faire du silence une musique propre.
Ce livre est d'une grande richesse et parfois, même souvent l'héroïne nous fait peur, tellement elle est glaçante, mettant l'autre à distance pour se protéger. Plus la musique prend de la place, plus Ann se tait, plus le silence qui entoure les protagonistes devient habité, perceptible, on pourrait presque l'entendre, le palper. On sent la mort roder, elle n'est jamais très loin, au propre comme au figuré.
C'est difficile de parler d'un tel livre, il est tellement puissant dans son message et son écriture qu'on en reste abasourdi, assourdi, sans voix.
J'avais bien aimé «
Tous les matins du monde » et «
terrasse à Rome » de
Pascal Quignard et la magie a encore marché. J'ai tourné la dernière page hier soir et je suis encore toute hébétée, remuée car l'auteur fait réfléchir.
Un livre plutôt sombre, une héroïne qu'on n'aimerait pas trop avoir comme copine, tant elle nous dérange, mais qui fascine par sa liberté, sa façon de tout abandonner, de tourner la page, de recommencer ailleurs (qui n'en n'a pas rêvé un jour ou l'autre?), des personnages attachants. mais quelle belle prestation.
Note : 9/10
Challenge ABC
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