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EAN : 9782742760152
121 pages
Actes Sud (03/03/2006)
4.03/5   55 notes
Résumé :

Haïti, Port-au-Prince, fin 2003, début 2004 : un étudiant quitte à pied son archaïque campagne pour se diriger vers le bruit et la fureur de la ville moderne qu'embrase la violence inouïe des manifestations. Port-au-Prince, Haïti. Fin 2003 - début 2004. Année du bicentenaire. Les étudiants prennent la tête des manifestations pacifiques et réclament tout : liberté, égalité. Ce dima... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Il était une fois une ile entre soleil et eau; une ile en proie aux folies meurtrières des hommes. Elle a pour nom Haïti. Il était une fois un homme qui fait l'écrivain. Né à Haïti, il a pour nom Lyonel Trouillot. de leurs relations passionnées et tragiques, naquit entre autres Bicentenaire.

En ce 1er janvier 2004, Haïti se prépare à fêter son indépendance. A l'issue de cette journée, on ne comptera pas les confettis mais dix blessés et un mort. L'étudiant de vingt-sept ans reçut une grenade lacrymogène à bout portant, au niveau du thorax. Il s'appelait Lionel. de ce sombre souvenir qui entacha du sang de la répression un jour de fête, Trouillot fit un roman.

Dans de longues phrases charnelles à l'incroyable beauté orale, la marche de l'étudiant, de son village à la ville, trébuche sur le petit frère encore endormi qui fera partie des contre-manifestants (son gang a été contacté. Il sait la violence à venir), effleure les incantations maternelles "Ecoute ce que te dit Ernestine Saint-Hilaire "Moi noire, je sais de quoi je parle", côtoie l'épicier, sa femme, Ayissa la belle, le médecin, son épouse, la police, l'étrangère, la foule… Il ignore que la mort l'attend là-bas. le lecteur, lui, le sait.

C'est dans la tête de l'étudiant que résonnent toutes les voix, pressées de questions. C'est dans ses propres pas que l'étudiant interroge l'existence: "Et qu'est-ce que c'est qu'un pays où chaque individu se croit le coeur du monde, le seul être suprême, la fin et le commencement?"
C'est vers la fin du roman que le temps entre en scène. Personnage à part entière alors que la mort pénètre les rues.
Et c'est dans l'ensemble du roman que Trouillot convoque misère et fatalité, espoirs, idéalisme, brutalité du pouvoir politique et tente, par les mots, juste avec des mots, de conjurer le chaos qui menace.

A la colère du vieillard sans jambe pour fuir et hurlant "Mais c'est l'année du Bicentenaire, tonnerre! Il y a un pays à construire!", à l'aveuglement d'Ernestine Saint-Hilaire "Moi noire qui ait élevé mes fils dans la droiture", Trouillot oppose la poésie d'une agonie.
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A Port-au-Prince, à Haïti, au début des années 2000, Lucien, un étudiant se dirige vers la ville où des violentes manifestations ont lieu. Il rencontre des gens de différentes origines sociales qui dessine le visage de ce peuple contrasté.
Lyonel Trouillot a une très belle langue pour raconter ses personnages : le docteur, le vendeur, le rebelle petit frère... On est dans la tête des personnages, on comprend par ces multiples points de vue la pauvreté de l'île. J'ai aimé la poésie qu'on retrouve dans les pensées de chacun. Presque l'impression d'être chacun d'eux tellement l'auteur imprègne le lecteur dans l'esprit des Haïtiens.
Il n'y a finalement que peu d'espoir dans ce court livre, c'est un peu dommage. Un auteur que je relirai pour son écriture envoûtante.
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D'une écriture à la fois brutale et poétique, la manifestation de 2004 en Haïti et sa répression.

Publié en 2004, le quatrième roman du Haïtien Lyonel Trouillot réussissait une éblouissante synthèse de sa matière intimiste et psychologisante (dans le bon sens du terme !), mais non dénuée de subtile critique sociale et historique, telle qu'elle s'exprimait dans "Thérèse en mille morceaux" (2000), et de son écriture davantage politisée tout en demeurant curieusement poétique, dont "Rue des Pas-Perdus" (2002) offrait un émouvant et terrifiant exemple.

"Bicentenaire" s'attache à la préparation de la grande manifestation étudiante du 1er janvier 2004, bicentenaire de l'indépendance de la "République noire", et à la préparation aussi minutieuse, par le régime Aristide (dont on oublie trop souvent en France, où les pendules se sont souvent arrêtées avec le duvaliérisme, puis remises en route cahin-caha au moment du séisme de 2010 et de ses suites, à quel point son échec fut accompagné, tout au long, d'une rare férocité policière), de la répression planifiée, passant par la location de bandes de voyous à l'utile agressivité pour noyer dans le sang les étudiants petits-bourgeois voulant croire un peu trop à la démocratie.

Une mère, paysanne âgée et devenue aveugle, et ses deux enfants, l'aîné étudiant, intelligent, cultivé, conscient de certaines réalités et de certains risques, mais décidé à défiler coûte que coûte, et le cadet, terreur du quartier, voyou et trafiquant, mettant sa foi dans son "gun", avertissant à demi-mot son frère de ce qui va se passer...

La langue de Lyonel Trouillot est presque unique, et opère de manière presque magique lorsqu'elle est confrontée à la violence prosaïque de ce "sujet". Sa précision, sa poésie, sa légèreté habile pour voltiger entre les registres lexicaux mis en oeuvre, fait tout particulièrement merveille dans ce "Bicentenaire".

La réalité d'Haïti, ses effrayantes complexités servant aussi d'excuse, comme les attachantes passions qui "continuent à y croire", ne s'expriment sans doute nulle part aussi profondément que dans l'écriture de ce grand poète en prose.
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Ce court roman dédié « à celles et ceux qui sont descendus dans la rue » à Haïti dans les mois qui ont précédés la chute d'Aristide au printemps 2004. Il s'appelle Bicentenaire, parce que le 1er janvier 2004 se commémorait le bicentenaire de l'indépendance d'Haïti et que l'année 2004 était donc celle du bicentenaire. Ce très court roman m'a happée, en grande partie grâce aux choix narratifs de l'auteur pour nous raconter cette journée, ou plutôt ces quelques heures que va vivre l'étudiant, rarement nommé (il s'appelle Lucien). L'étudiant se rend à une manifestation dont il sait qu'elle risque fort de mal finir. le narrateur s'efface régulièrement pour nous plonger dans les pensées de l'étudiant ou d'une personne à laquelle il pense ou qu'il rencontre. Quand le narrateur reprend la main, c'est pour mieux rythmer la descente de la colline et la traversée de la ville pour arriver au centre. A travers ces personnages nous découvrons les différents points de vue et avant même que la violence physique se déchaîne, toute la violence de ces divergences de points de vue,de ces divergences sociales, toute la misère, le fatalisme, les espoirs, les désillusions, la brutalité policière sont présents en très peu de pages et c'est puissant, rythmé par les incantations de la mère de l'étudiant, qui reviennent comme une litanie « Ernestine Saint-Hilaire, moi Noire, ... ».
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Un livre magnifique bouleversant pour son sujet et son écriture sublime.
Je pense que ce livre mais j'en suis convaincu, sera un classique un grand livre de la littérature francophone. Un livre qui comptera sur l'histoire de ce pays qui est le plus pauvre du monde, un très beau témoignage sur le Bicentenaire 2004.

Pas facile de s'en imprégner mais quelques efforts en vaut la peine, si on aime l'histoire, et si on est curieux.

Histoire se situe à Port-au-Prince début 2004, l'année du bicentenaire à Haïti. le récit de Lucien se déroule sur une journée celle du bicentenaire justement. Il est un jeune étudiant. Il est en route vers son destin. La notion du temps est très présent, le début s'est le petit matin le rythme est lent puis ensuite tout s'accélère. Il doit rejoindre un groupe d'étudiants.
Dans sa tête résonne les voix de sa mère, "Oui, je t'aime, Ernestine Saint-Hilaire, aveugle d'yeux et de tendresse, qui ne comprends plus rien à rien, qui n'as jamais compris grand-chose à la vitesse du temps qui passe et ne voudras jamais entendre que le petit avait fêté ses dix-neuf ans sur les bancs d'une classe de neuvième année fondamentale et souhaitait fêter ses vingt ans ailleurs."
celle de son frère et de l''étrangère la femme que Lucien aime, et de tous les haïtiens. Elle s'appelle Catherine et elle filme la manifestation du Bicentenaire. Phrase qui revient souvent "Ernestine Saint-Hilaire, moi Noire !" comme une litanie.
A la lecture, j'ai pensé à l'étranger de Camus. La mer et le soleil est très présent et jouent leurs rôles.
Mais j'ai pensé aussi à Dany Laférrière qui est aussi Haïtien : le cris des oiseaux fous
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
L'étudiant regardait le visage du vieux chabin, sa poitrine débraillée de noceur converti, son crâne chauve et ses mains graisseuses, en se demandant pourquoi le passé finissait toujours par devenir plus beau que le présent. [...] Et qui pourrait reprocher à un vieux type en fin de parcours de s'accrocher par petites doses à des bonheurs-rétrosprective! Fou qui viendrait lui reprocher de mettre du rose à sa mémoire, de garder l'abondance en oubliant la pénurie, de choisir qu'hier il était très heureux. Car, aujourd'hui, ça va pas mieux. Et le malheur, tout de même, faut pas en faire une permanence!
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-Est-ce que vos études et votre engagement vous laissent du temps pour vos loisirs ? On dit qu'ici vous êtes tous des danseurs ?
Tais-toi, mon amour. Ou parle-moi de toi. De la mer. J'aimerais que toi et moi nous ne parlions que de la mer.
-Non, je ne danse pas beaucoup.
Que tu dois être belle quand tu danses sous cette robe. J'aimerais te regarder tourner comme une toupie, comme un cerf-volant, comme tout ce qui tourne et nous emporte au loin. J'aimerais te regarder danser, bouger sous ta robe, sur n'importe quelle musique. Tu serais à la fois la musique et la danse. Tu serais le mouvement. Tais-toi, mon amour, et laisse-moi te regarder bouger.
-Est-ce que ça va ? Si vous le désirez, nous pouvons arrêter.
- Non, ça va. J'aimerais juste marcher un peu.
Et elle avait rangé son calepin, payé la note, et ils avaient marché dans le hall, vers le soir, et ils avaient regardé le soir ensemble, de la terrasse de l'hôtel. Et c'est à ce moment, alors qu'il a envie de lui prendre la main, d'oser la regarder vraiment, qu'elle fait sa réflexion idiote sur la chance d'avoir le soleil. Non, mon amour, ne dis pas ce genre de bêtise. Et lui qui ne se met jamais en colère (...)- s'était mis à crier qu'il en avait marre du soleil, de cette interview à la con, mais pas de toi, non, pas de toi, si on ne parle pas de tout ça ; et le garçon s'était approché pour demander à l'étrangère si tout se passait bien, et elle avait dit oui, tout se passe bien, et elle avait commandé un rhum pour elle et un scotch pour lui. Ils ont continué à regarder le soir, parlant peu, prenant le temps d'être nulle part, et les choses dont ils ont parlé n'étaient pas de celles qu'une journaliste en mal de scoop pense à noter dans son calepin...
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L'étudiant descendait la colline en caressant le sol de ses pas pour ne pas réveiller son frère qui dormait encore dans la chambre commune la tête sous l'oreiller, la bouche heureuse tétant un pouce et toute la paix du monde régnant sur le visage, une paix durable comme l'enfance et fragile comme elle, une paix hors contexte sur cette face d'ange délocalisée faisant mal corps avec la suite, les bras, le torse, les jambes, jusqu'à la plante des pieds, tatoués de héros et de slogans hétéroclites : Guevara, Wycleef Jean, Tim Duncan, shoot to kill, les femmes c'est de la merde, les rats pourrissent dans leur trou, je veux tout, peace and love. Les réveils étaient douloureux, violents, et l'étudiant n'avait pas le cœur à engager le combat avec ce corps livre et spectacle qui voulait dire en même temps chaque chose et son contraire.
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L'étudiant a fini sa cigarette. La foule s'est levée et a repris sa marche. Les uns s'essuient les genoux par réflexe, d'autres respirent une grande bouffée d'air pour se préparer pour la suite. Plus ils se rapprochent de la zone du Palais national, plus il y a de chances que les choses se gâtent. Le nombre des manifestants ne cesse cependant d'augmenter. Lucien ne voit plus ses amis qui ont pris la tête de la marche. Il regarde maintenant derrière lui pour avoir une idée du nombre. Il n'est pas bon en calcul et ne peut pas les compter. Devant lui, des milliers de dos. Derrière lui, des milliers de visages. Il a oublié, ils ont tous oublié qu'il existe dans ce pays des milliers de personnes, et à l'intérieur de chacune de ces personnes vivent des cris, un tumulte qui se multiplie et donne son rythme à la marche. Mais il y a aussi un monde de silences, et nul n'entend le silence de l'autre. C'est pourtant ça l'idée qui le fait marcher. À chaque dos, à chaque visage, il a envie de dire je veux entrer dans ton silence. Le bruit est la chose la mieux partagée, mais le silence, là où ça se noue à l'intérieur de toi, là où tu saignes du dedans comme un arbre qui ne donne pas à voir le travail du temps, le vide intérieur qui le fait soudain s'écrouler alors que tous le croyaient debout pour l'éternité ! Je veux entrer dans ton silence. À dix heures la foule a tourné dans la grande avenue où le premier barrage de police attendait. Et l'étudiant a pensé que l'on pouvait crier ensemble, mais qu'à la fin des fins  chaque homme meurt avec son silence.
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Il s'en voulait de ne pas posséder une arme comme son frère. Une arme de poing, pas quelques phrases qui ne font mal qu'à la morale. Les gens se font vite à l'injure, on ne gagne pas les guerres à coups de vexation. Il voulait posséder une arme, une vraie. Capable de blesser l'ennemi, d'attirer l'attention de la chair de l'ennemi, de l'atteindre dans ce qu'il a de précieux, dans sa partie concrète. Le petit lui criait souvent que c'est dans la chair qu'il faut faire mal, c'est dans sa chair que le monde change. Lui ne possédait pour toute arme qu'un vieux manuel de grammaire.
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Vidéo de Lyonel Trouillot
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0:00:15 Introduction 0:01:02 Clément Camar-Mercier 0:11:47 Yasmine Chami 0:22:56 Sylvain Coher 0:33:49 Lyonel Trouillot 0:44:09 Clara Arnaud 0:55:03 Loïc Merle 1:06:13 Mathias Enard
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Plus d'informations sur notre rentrée française : https://rentree.actes-sud.fr/ #rentréelittéraire #litteratureetrangere
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