Deux semaines pour venir à bout, sans difficulté car avec grand plaisir, de ces quelque 430 pages composant ce gros roman où
l'amour et la révolution sont, en quelque sorte, les principaux acteurs - et j'aurais voulu que ça dure bien plus longtemps, croyez-moi.
Thierry Froger a réalisé un travail de fiction incroyable où se croise la biographie imaginaire de Danton après la période dite de la Terreur (1792-94) et l'élaboration d'un scénario (dont on trouve de nombreux et successifs extraits tout le long du roman) pour un film commandé pour bicentenaire de la Révolution, en 1989, à
Jean-Luc Godard -
Godard dont on suit, parallèlement, les errements du coeur, l'auteur du livre arrivant à nous montrer le cinéaste suisse sous un visage à la fois attachant et à la fois méprisable (donc assez proche de la réalité). Comme disait Kafka (qui est cité dans ce livre) : "Le positif nous a été donné à notre naissance. À nous de faire le négatif." Et c'est bien ce qu'arrive à faire, avec brio, avec génie même,
Thierry Froger ! Inspiré par le cinéma de
Godard tout autant que par sa personnalité, son histoire, c'est un roman complexe qui s'offre ainsi au lecteur. Dans ces pages résonne
le Bruit et la Fureur de
Faulkner,
Les Onze de
Pierre Michon,
Quatre-vingt treize de
Victor Hugo et les Canti de Leopardi. On y croise
Antoine de Baecque, le biographe de
Godard,
Marguerite Duras - qui loue sa mansarde (celle-là même où vécu Vila-Matas qui lui n'est pas cité dans ce livre) -, Gorki,
Federico Fellini, et beaucoup, beaucoup, beaucoup d'autres encore. Et puis ça parle de cinéma, du vieillissement de cet art, de son éloignement, et donc ça parle aussi de littérature ; ça traite de l'échec de ne pas vouloir raconter d'histoires alors qu'on ne fait que ça ; ça parle encore des rêves de révolutions avortées, de leurs protagonistes vieillissants eux-aussi, n'arrivant plus à se lever du confortable "canapé révolutionnaire du verbe" (page 275), et
Maurice Blanchot d'avoir le dernier mot en étant cité page 418 : "ce beau souvenir qu'est l'oubli" - impossible alors de ne pas penser à ces mots que l'auteur
Osamu Dazai donne à dire à l'un des protagonistes de son roman
Soleil Couchant : "La révolution et
l'amour sont en fait les biens les meilleurs et les plus plaisants du monde et nous découvrons que c'est précisément parce que ce sont des biens précieux que les cerveaux vieux et sages ont, par mépris, écrasés sur nous les raisins acides du mensonge. Voici ce que je veux croire implicitement : l'homme est né pour
l'amour et la révolution." Et si ma chronique est quelque peu incompréhensible, et bien c'est tant mieux, car je vous invite à découvrir ce qui est, probablement, l'un des romans le plus ambitieux, le plus surprenant et le plus passionnant de cette rentrée littéraire de septembre 2016 !!! (rentrée qui réserva certainement d'autres surprises j'en suis sûr)