Catherine Hermary-Vieille nous raconte ici la conquête du Pôle Sud au travers du destin de ses deux premiers conquérants, le Norvégien
Roald Amundsen et l'Anglais Robert Scott. Succès pour l'un, fin tragique pour l'autre.
Après un court prologue qui resitue l'époque,
Catherine Hermary-Vieille nous raconte d'abord l'expédition d'Amundsen. Parti début juin 1910 de son pays natal, il accoste à la mi-janvier 1911 dans la Baie des Baleines en Antarctique. Amundsen est un pro, son plan, son itinéraire, ses hommes, ses chiens, tout est prévu, organisé. L'équipe est solidaire, égalitaire, tous ont des compétences adaptées. Il a prévu traîneaux et chiens, provisions et points relais. Il a vécu parmi les Inuits du Pôle Nord, il est donc aguerri. Et après 99 jours et 3200 km à pied, à ski et en traîneau, il reviendra à sa base après avoir atteint le Pôle. L'auteure nous raconte certes les faits, le trajet mais aussi la beauté du continent, son incroyable dureté, les souffrances tant morales que physique (on n'en a pas idée) et les sacrifices comme abattre 24 de leurs chiens (*) parce que mettant en danger le trajet retour, et pouvoir en nourrir les autres chiens et... ses hommes. Ce qui commence par une simple narration devient peu à peu sous la plume de l'auteure un récit impressionnant, quasi épique. La solidarité, l'effort cruel, douloureux, constant, les températures, la faim, la fatigue... On n'ose imaginer ce que ce fut avec les équipements de 1910...
Mais cette course, parce que ce fut une course entre deux hommes, a un versant tragique. L'Anglais Scott, vexé d'avoir un adversaire, imbu de sa "supériorité" sur les "Vikings" va commettre une série d'erreurs couplées à des malchances en série qui le mèneront certes au Pôle (33 jours après les Norvégiens) mais aussi à la mort sur le chemin du retour.
Scott est autoritaire, élitiste, il improvise, refuse les avis contraires, change ses plans et surtout il a misé sur des véhicules à moteur et des poneys qui se révèleront inadaptés et l'obligeront à tirer les traîneaux à la force des bras. Malchance, erreurs, accidents, scorbut, gangrène, manque de nourriture... tout cela s'enchaîne. Et le sacrifice héroïque de Lawrence Oates partant mourir seul dans le blizzard pour donner une chance supplémentaire aux autres ne suffira pas. Leurs corps (pas celui d'Oates) seront retrouvés un an plus tard par une autre expédition. Leur tente sera leur linceul... Au moment de leur décès,
Catherine Hermary-Vieille nous montre un instantané très émouvant de leurs familles, épouse, enfant, mère à des milliers de kilomètres de là. Peu à peu, ceux-ci réaliseront qu'ils ne les reverront jamais.
Le paradoxe, c'est qu'Amundsen sera vu comme un traître et Scott comme un héros malgré ses nombreuses erreurs et sa fin dramatique.
Un roman-récit très bref que j'ai lu en une fois, avec des moments très émouvants (l'arrivée au Pôle des Norvégiens, le sacrifice des chiens -souvenir qui poursuivra Amundsen toute sa vie-), voire terribles comme la lente agonie des Britanniques, leur déchéance physique dans ce milieu le plus hostile au monde.
Un monde au-delà des hommes...
(*) Transporter leur nourriture pour ce retour n'aurait pas été possible.
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