À ce moment précis, son cœur chavira, elle sentit qu'elle était en train de perdre le contrôle. Elle voulut bondir hors du lit et lui hurler : Ne prétends pas savoir, car tu ne sais rien. Elle va MOURIR. Tu présumes que je suis triste ? Ce n'est pas de la tristesse. C'est au delà. C'est en deçà. C'est partout et tout le temps. C'est quand je beurre mes tartines, c'est quand je borde Tom, c'est quand je prends l'ascenseur au boulot, c'est quand le soleil transperce un nuage. Non, tu ne sais pas. C'est mon impuissance qui me tue, c'est ma révolte contre cette science qui n'avance pas, ceux sont mes supplications à ce Dieu qui ne répond pas. Non, tu ne sais pas. C'est ma culpabilité d'être mère et de voir grandir Tom, alors que ses filles n'auront pas cette chance. C'est ma honte d'être une épouse alors que son mari va la perdre pour toujours. C'est ce loto de la vie que je trouve dégueulasse. C'est tout ce qu'on ne m'a jamais donné et ce qu'on me retire aujourd'hui. C'est tout ça à la fois et tu sais quoi ? Je ne sais pas quoi faire de ça.
Gabrielle continua sa lecture. Elle avalait les lignes, s'abreuvait de sensations, se repaissait de leur plaisir. De temps en temps elle s'arrêtait sur une phrase ou sur un mot. Elle laissait alors leurs sens la pénétrer, les gardant suspendus comme flottant devant ses yeux.