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Citation de LaBiblidOnee


J’approche mes lèvres du bout de ton nez, il est doux comme la chair d’un coquelicot. Tu sens l’âtre et l’automne, la feuille brûlée et la réglisse aussi. De tes naseaux s’échappe un soupir qui m’invite au voyage. Ma main remonte sur le mur de ton chanfrein impassible. Je m’y baigne du bout des doigts.
Je rampe sous ton toupet et franchis le col entre tes deux oreilles dressées comme des piliers d’un arc. Me voilà entre la tempe et la nuque, derrière le rocher des salières. J’effleure ce creux qui palpite et se gonfle au-dessus de chaque oeil.
Ta gorge est un ravin baigné de lumière. Ma main descend sur ce versant propice et, la joue contre ton encolure, je laisse mon bras glisser sous les festons de ta crinière nattée. Sur ton épaule, ma main est un radeau ondulant au gré des vagues rocheuses ; muscles striés recouverts d’un fin tapis doré aux reflets changeants.
Plus bas, mes doigts s’écartent pour contourner ta châtaigne, récif de corne incongrue, et descendre en rappel la colonne de ton membre. Du bout des doigts, je peux sentir tes tendons s’émacier jusqu’à l’os du canon. J’épouse la rondeur du boulet, néglige l’ergot et le fanon pour emprunter la voie du paturon et atteindre ta couronne. Elle sacre la lisière du sabot qui comme un socle de marbre porte ta bête immense. Sous sa crête palpite le sang qui te nourrit.
Me voilà aérien, je parcours l’étendue de tes flancs, je franchis tes côtes une à une, le paysage défile sous mes doigts, j’éprouve et je vagabonde. Je dessine des cercles sur ta prairie isabelle. L’herbe y est courte, noire, dorée ou blanche.
Tu sembles apprécier que je me hisse et m’attarde sur ton garrot. Il est le roc surplombant le vaste plateau de ton dos, steppe brûlée, balayée par les vents. Je suis sur ton empire et avec le pouce et l’index je chevauche la chaîne dynastique de tes vertèbres. De chaque côté du sillon, je sens sous ta peau la sève de tes muscles.
Plus haut, plus loin ! Voici ta croupe et la pointe de ta fesse. Allègrement, je franchis la dune d’Aden avec l’envie partagée de « trafiquer dans l’inconnu ». Maintenant il faut que tu sois docile. Me voilà dans la vallée de tes songes, j’engage mes bras entre tes cuisses. Douces sont les parois du couloir obscur. Je les caresse, tête baissée et paupières closes.
Parce que tu es mon nouveau maître et pour tes reflets clair-obscur, je te nomme Le Caravage.

Ce sera lui, ce sera lent, je sais que nous n’aurons pas trop de ce qu’il nous reste de vie pour nous apprendre.
Cette nuit, allongé nu sur mes draps, je respire mes doigts brouillés d’odeur. Longtemps mes mains se souviendront de ce voyage. 
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