Lélio

Le choc en retour, disait mon grand-père. "Le choc déséquilibre la nature." Grand-Père préférait pactiser : rendre leurs maux aux démons et donner sa prière aux cieux, retirer l'écharde des mains des autres et ramener, au creux des siennes, dans le tronc de l'arbre écorché ; stopper le sang des hommes blessés et laisser couler les ruisseaux. Selon lui l'univers tout entier reposait sur en écheveau de pactes, structuré par des lois complexes, infiniment précaires, de correspondances et de sympathies : pourquoi donc vouloir le perturber en semant la discorde, la haine, l'antipathie ? Mon grand-père était calme, sage, réfléchi. Il était de ces gens qui vous tendent une pièce ronde en échange des couteaux qu'un jour vous leur offrez.
Grand-Mère, elle, ne se souciait pas de troc : elle n'acceptait pas les couteaux. Peut-être parce qu'elle était femme ; avait grandi avec ses frères, et n'avait pas eu les mêmes droits : la sorcellerie, pour elle, n'était pas un don mais une arme. "Les couteaux s'affûtent", disait-elle. Elle commandait aux forces que ses frères, comme son père, son grand-père, ses ancêtres, s'étaient contentés d'invoquer. Ma grand-mère était amazone et donc, forcément, solitaire.
[Batismo Te]