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Citation de AAKLAMM


Les français, eux, racontent la rudesse des gens, le libertinage de cour, l’ivrognerie, l’horreur des châtiments corporels des serfs. Mais, ils dressent aussi le portrait de personnages courtois, poètes, rêveurs, penseurs, croyants ayant une incroyable capacité à se battre pour ce qu’ils croient juste sans considération des difficultés ou des risques physiques ou pécuniaires. Ils notent l’habillement à l’européenne mai aussi une tendance à porter des bijoux trop voyants et clinquants ainsi que des couleurs vives surprenantes. Ils racontent les fêtes immenses et nombreuses où nobles, bourgeois, gens du petit peuple se retrouvent endimanchés, à se promener, danser, jouer, boire dans une gaieté étonnante. On s’étonne de l’indifférence généralisée face à l’oppression, aux inégalités et injustices. Dans le même temps, on remarque la bonté et le grand cœur de ces russes décidément incompréhensibles. Décrypter ou discourir sur l’âme russe, la raison russe, les mœurs russes deviennent des exercices quotidiens pour les français expatriés. Des français, donc, qui jugent à l’aune de leur arrogance habituelle. Tendance à laquelle comme vous le constatez, je n’échappe pas. Dans son journal, Joseph De Maistre au XVIIIe siècle note que la corruption règne partout en Russie, dans l’administration, à la cour, dans les corps militaires et même dans les musées où il est possible de chaparder des œuvres d’art avec un peu d’argent. Le pays semble pour beaucoup de français indescriptible, brutal et beau à la fois, civilisé et sauvage à la fois. Je ne suis pas certain que cela est beaucoup changé. Madame de Staël écrit: « on se sent en Russie à la porte d'une autre terre, près de cet Orient lointain ». Élisabeth Vigée Le Brun dit « le peuple russe est laid en général ». De Custine écrit:

« L'homme non libre est monnayé, il vaut l'un dans l'autre dix roubles par an à son propriétaire qu'on appelle libre parce qu'il a des serfs. Il y a des contrées où chaque paysan rapporte trois et quatre fois cette somme à son seigneur. En Russie, la monnaie humaine change de valeur comme chez nous la terre, qui double de prix selon les débouchés qu'on trouve à ses produits. Je passe ici mon temps à calculer malgré moi, combien il faut de familles pour payer un chapeau, un châle; si j'entre dans une maison, un rosier, un hortensia, ne sont pas à mes yeux ce qu'ils me paraîtraient ailleurs: tout me semble teint de sang; je ne vois de la médaille que le revers. La somme des âmes condamnées à souffrir jusqu'à la mort pour compléter les aunes d'étoffe employées dans l'ameublement, dans l'ajustement d'une jolie femme de la cour, m'occupe plus que sa parure et sa beauté ».

« Dis-lui donc que ça ne sert à rien de s’abîmer les yeux et qu’à lire le profit n’est pas grand. Avec ses livres français, elle perd le sommeil; mais, moi, avec les russes, je dors profondément. » écrit de son côté avec humour l’écrivain et diplomate russe Griboïedov.

Et Alexandre III lorsqu’il apprend la défaite française face aux armées prussiennes en 1870 s’exclame « quelle effroyable nouvelle! Mac Mahon détruit! L'armée en déroute! » Une sympathie des russes envers les français qui continue encore aujourd’hui. Ici on célèbre Napoléon, on se souvient avec nostalgie du général De Gaulle, on lit Stendhal, Flaubert, Victor Hugo et Alexandre Dumas, on écoute de la variété française, on boit du champagne et du bordeaux, on roule dans des Renault dorénavant fabriquées dans les usines russes de la firme, on célèbre le 14 juillet comme si c’était notre propre révolution et de plus en plus on achète des baguettes de pain et des croissants. Il semble que les russes pardonnent tout aux français car la France est restée pour eux depuis des siècles, le pays exemple, le pays des arts, des belles lettres et des fêtes immenses, du vin et de la bonne table.

En France, Andreï Makine et Hélène Carrère d’Encausse ont succédé aux Troyat, Kessel, Druon comme membres d’origine russe de l’Académie Française. On oublie aussi souvent que les Jean Ferrât, Serge Gainsbourg, Haroun Tazieff, Michel Polnareff, Thierry Roland (eh oui, Jean Mimi, la mère de Thierry vient de Saint-Pétersbourg), Alexandre Adler ou Joe Dassin sont des fils de la Grande Russie. Profitons de cette liste pour rappeler que le Royaume de France est allé chercher en 1048 dans la Rous’ Kievienne, une épouse pour Henri Ier, roi de France et petit-fils d'Hugues Capet. Ce fut Anne, la fille de Iaroslav le Sage qui eu cet honneur. Le couple aura quatre enfants. Les rois de France à partir de cette date ont donc un peu de sang russe. Et 1892, c’est la grande alliance franco-russe et la visite ultra-médiatisée de Nicolas II à Paris. Lors de la seconde guerre mondiale, l'escadron Normandie-Niémen des Forces aériennes françaises libres se distingue sur le front de l'Est au milieu des soldats soviétiques dans un esprit de camaraderie exemplaire. Chirac, plus tard, avait impressionné Poutine par son érudition et sa connaissance du russe et de l’histoire tsariste.

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