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Citation de genou


genou
12 septembre 2013
L’AVENTURE DE L’ÉTOILE DE L’OUEST

Placé devant la fenêtre de l’appartement de Poirot, j’observais distraitement la rue en contrebas.
— Étrange… lançai-je brusquement, le souffle court.
— Quoi donc, mon ami ? demanda placidement Poirot du fond de son confortable fauteuil.
— Jugez vous-même, Poirot : une jeune femme élégamment vêtue – chapeau coquet, fourrure somptueuse – avance lentement en levant les yeux sur les maisons alentour. Sans le savoir, elle est pistée par trois hommes et une autre femme. Un garçon de courses vient juste de se joindre au groupe et montre l’inconnue du doigt avec de grands gestes. Quel drame est en train de se nouer ? La jeune personne estelle une malfaitrice et ses suiveurs des détectives sur le point de l’arrêter… Ou des misérables prêts à attaquer une innocente victime ? Qu’en pense le grand détective ?
— Le grand détective, mon ami, choisit comme toujours le parti le plus simple.
Il se lève pour se rendre compte par lui-même. Et Poirot me rejoignit à la fenêtre. Un moment plus tard, il laissa échapper un gloussement amusé.
— Comme d’habitude, votre romantisme marque vos observations. Cette personne est miss Mary Marvell, l’actrice de cinéma. Elle est suivie par une troupe d’admirateurs qui l’a reconnue. Et, en passant, mon cher, j’ajouterai qu’elle se rend parfaitement compte de la chose. J’éclatai de rire.
— Ainsi, tout s’explique. Mais vous ne marquez aucun point, Poirot. Ce n’était que pour vous mettre à l’épreuve.
— En vérité ! Et combien de fois avez-vous vu Mary Marvell à l’écran ?
Je réfléchis.
— Environ une douzaine de fois.
— Et moi… une seule ! Cependant je la reconnais et vous pas.
— Elle semble si différente, hasardai-je assez mollement.
— Ah ! Espériez-vous qu’elle se promènerait dans les rues de Londres coiffée d’un chapeau de cowboy, ou pieds nus et les cheveux en désordre, en typique jeune fille irlandaise ? Avec vous, c’est toujours l’accessoire : souvenez-vous de l’affaire de la danseuse Valérie Saintclair. Je haussai les épaules, légèrement vexé.
— Mais consolez-vous, mon ami, continua Poirot en se calmant. Tout le monde ne peut être comme Hercule Poirot ! Je le sais bien.
— Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui eût une aussi bonne opinion de soi ! m’exclamai-je, à la fois amusé et agacé.
— Que voulez-vous ! Lorsque l’on est unique, on le sait ! Et d’autres partagent cette opinion… même miss Mary Marvell, si je ne me trompe.
— Quoi ?
— Sans aucun doute, elle vient ici.
— Qu’est-ce qui vous le fait penser ?
— Très simple. Cette rue n’est pas aristocratique, mon ami. Elle ne compte pas de médecins ou de dentistes en vogue… encore moins de modistes ! Mais il y a un détective célèbre ! Oui, mon ami, c’est ainsi. Je suis devenu à la mode, le dernier cri ! On se chuchote de l’un à l’autre
«Comment ? Vous avez perdu votre étui à cigarettes en or ? Vous devriez aller consulter le petit Belge. Il est merveilleux ! Tout le monde y va ! Courez !». Et ils arrivent. En masse, mon ami ! Avec les problèmes les plus fous ! Le
timbre d’une sonnette résonne en bas. Que vous disais-je ? C’est miss Marvell. Comme de coutume, Poirot avait raison. Après un court intervalle, l’actrice américaine fut introduite dans la pièce et nous nous levâmes.
Mary Marvell était une des actrices les plus populaires de l’écran. Elle venait d’arriver en Angleterre, accompagnée de son mari, Gregory B. Rolf, lui aussi acteur de cinéma. Leur mariage avait eu lieu environ une année plus tôt aux États-Unis et c’était là leur première visite en Grande-Bretagne. On leur avait fait une réception grandiose. Tout le monde était prêt à raffoler de Mary Marvell, de ses vêtements merveilleux, de ses fourrures, de ses bijoux, d’un bijou surtout, le gros diamant dont le surnom s’accordait bien avec sa propriétaire : « l’Étoile de l’Ouest ». Beaucoup de vrai et de faux avait été écrit au sujet de cette fameuse pierre dont on disait qu’elle était assurée pour la somme colossale de cinquante mille livres.
Tous ces détails me traversèrent rapidement l’esprit alors que je me joignais à Poirot pour accueillir notre belle cliente. Miss Marvell était petite, mince, blonde, d’apparence très jeune avec les grands yeux innocents d’une
fillette. Poirot lui avança une chaise et elle déclara tout de suite :
— Vous allez probablement penser que je suis ridicule, monsieur Poirot, mais Lord Cronshaw me racontait hier la façon ingénieuse dont vous avez éclairci le mystère de la mort de son frère et j’ai eu le sentiment qu’il me fallait recourir à votre expérience. J’ose affirmer qu’il ne s’agit, en fait, que d’une mauvaise plaisanterie – c’est ce que pense Gregory – cependant je suis terriblement inquiète. Elle s’interrompit pour reprendre haleine.
Poirot l’encouragea d’un sourire.
— Poursuivez, madame, pour le moment, je ne sais encore rien.
— Ce sont ces lettres. Miss Marvell ouvrit son sac à main et en sortit trois enveloppes qu’elle tendit au Belge.
Il les examina minutieusement tout en remarquant...
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