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Citation de Aym


Aym
20 février 2014
Miss Jane Marple était assise à sa fenêtre. Celle-ci donnait sur ce jardin dont elle était si fière, autrefois. Il n’y avait pas si longtemps, à vrai dire. Aujourd’hui, elle le contemplait, pleine d’amertume.
Tout jardinage lui était interdit Elle ne pouvait plus se baisser, bêcher ou planter – seulement, à la rigueur, couper une branche çà et là. Le vieux Laycock, qui venait trois fois par semaine, faisait de son mieux, bien sûr. Mais ce n’était pas grand-chose et il travaillait à sa manière, qui n’était pas celle de miss Marple. Celle-ci savait exactement ce qu’elle voulait obtenir et en faisait part, régulièrement, à son jardinier. Le vieux Laycock déployait alors toutes les ressources de son génie personnel : il acceptait avec enthousiasme les recommandations qu’on lui prodiguait et n’y donnait aucune suite.
— Vous avez raison, miss. On mettra ces pois de senteur là, dans le coin, et les Canterbury le long du mur. On fera ça la semaine prochaine.
Les excuses de Laycock étaient toujours raisonnables et ressemblaient étrangement à celles du capitaine George de Trois hommes dans un bateau, refusant de prendre la mer. Pour l’un, le vent était toujours mauvais, inconstant s’il venait de l’ouest, encore plus dangereux et traître si c’était de l’est.
Laycock évoquait le temps – trop sec – ou trop humide, ou trop froid. Sinon, il donnait toujours la priorité à quelque chose d’extrêmement important (généralement aux choux, ordinaires ou de Bruxelles, qu’il aimait à planter en quantités industrielles). Les principes de Laycock, en matière de jardinage, étaient simples et aucun de ses employeurs, même qualifié, jamais n’avait pu l’en débarrasser. Il lui fallait de nombreuses tasses de thé, très fort et très sucré, pour lui permettre de soutenir son effort : un certain volume de feuilles mortes à balayer à l’automne et, au printemps, de quoi faire un superbe bouquet de ses fleurs préférées, asters ou sauges.
Pour lui rendre justice, il était très attaché à ses employeurs et allait même jusqu’à admettre leurs fantaisies en matière d’horticulture (à condition cependant que le travail exigé ne fût pas trop dur) mais les légumes restaient pour lui la base essentielle de la vie. Les fleurs n’étaient que distraction pour femmes oisives. Il témoignait de son attachement en offrant de ces asters, ou sauges, qu’il aimait.
« J’ai travaillé au Quartier Neuf. Veulent des jardins magnifiques, là-haut. Y a beaucoup trop de fleurs, alors, j’en ai rapporté quelques-unes. Les ai mises à la place des roses. C’est moins démodé et ça fait mieux. »
Pensant à tout cela, miss Marple soupira et reprit son tricot.
Il fallait regarder les choses en face : Sainte-Mary Mead avait changé. Comme tout le reste, d’ailleurs. La guerre en était cause, ou la nouvelle génération. À moins que ce ne fût la bombe atomique ou le gouvernement. En fait, miss Marple ne se faisait pas d’illusion : elle était vieille et c’était l’explication la plus simple. Elle s’en rendait compte davantage à Sainte-Mary Mead qui avait été son refuge pendant de si longues années.
Sainte-Mary Mead n’avait pas bougé. L’hôtel du Cochon Bleu était toujours là, comme l’église, le presbytère, l’îlot de Queen Ann et les maisons géorgiennes, dont l’une était la sienne. Miss Hartnell y habitait toujours mais miss Wetherby était morte et sa maison occupée par un banquier et sa famille. La plupart des habitants du village avaient changé mais l’apparence de celui-ci était toujours le même, à peu de chose près.
Seules, les boutiques de la grande rue étaient différentes, beaucoup plus modernes. La poissonnerie était méconnaissable avec ses grandes baies vitrées.
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