Agnès Angliviel de La Beaumelle

Le thème de l'enfant, cher à Cobra, devient en outre, ici*, amplifié par la violence et l'immatérialité propres à Appel, emblème de révolte et de vérité (« l'innocence accuse », autre titre d'une œuvre exposée chez Colette Allendy en 1949)  : ces figures primaires, frontales, où seuls sont notés les yeux et la bouche, apparaissent comme les témoins clairvoyants d'une situation socio-politique insupportable, acteurs dérisoires, désarmés, d'une révolte impuissante, d'une requête dérangeante. Les bourgeois d'Amsterdam ne s'y sont pas trompés lorsqu'ils demandèrent que soit recouverte la grande frise des Enfants Interrogateurs, exécutée par Appel à l'Hôtel de Ville. Malgré la mobilisation du groupe Cobra - un tract d'Aldo van Eyck (« Un appel à l'imagination ») et l'intervention de C. Dotremont : « Appel fit quelque chose de violent, mais d'une violence juste, populaire : Appel est du peuple, il n'a pas le sens du vieux scandale surréaliste » (Petit Cobra, n°3) -, le scandale soulevé par les Enfants Interrogateurs fut comparable à celui de l'exposition Cobra au Stedelijk Museum et contribua certainement à la décision d'Appel de quitter (avec Constant et Corneille) Amsterdam à la fin de l'année 1950.
A.L.B.**

*Il s'agit d' "Enfants interrogeant » de Karel Appel : voyez par exemple http://azilise.canalblog.com/archives/2014/06/30/30169586.html
**Agnès Angliviel de La Beaumelle