Agnès Giard

Il n'y a pas de mort au Japon. Il n'y a qu'un grand tourbillon où la matière se transforme sans cesse, ce qui explique pourquoi la peinture japonaise abonde en paysages marqués par la présence des ponts : ce sont les ponts de la sagesse, qui séparent une rive de l'autre, symboles de la mort qui n'est qu'un passage. Ces ponts placés aux pieds des montagnes désignent la direction à prendre : là-haut, à la lisière de ce nirvana rêvé qu'est l'oubli du moi, perdu dans la brume qui efface tout, se trouve un petit village. C'est le village des élus, que le voyageur est invité à rejoindre : ses habitants appartiennent déjà à une autre réalité, à moitié dissoute dans le grand blanc indifférencié des nuages et du flou. Et il existe une attirance presque viscérale pour ces univers de songe...