Dans cette impasse
On renifle tes lèvres
Pour savoir si elles ont dit je t’aime
On renifle ton cœur
drôle de temps, ami
L’amour est fouetté
À côté du garde-fou
Il faut cacher l’amour dans le cagibi.
Dans cette impasse tortueuse du froid
Le feu reste vif
alimenté par le chant et la poésie
Ne te risque pas à penser
drôle de temps, ami
Celui qui la nuit cogne à la porte
Est venu pour étouffer la lampe
Il faut cacher la lumière dans le cagibi.
Voici que les bouchers
S’installent au carrefour
Avec le billot et la hache sanglante
drôle de temps, ami
Ils procèdent à l’ablation du sourire
Sur les lèvres
Et du chant
Dans la gorge
Il faut cacher l’enthousiasme dans le cagibi.
On fait griller les canaris
Sur un feu de jasmin et de lys
drôle de temps, ami.
Satan, ivre et triomphant
Fait ripaille à notre banquet de deuil.
Il faut cacher Dieu dans le cagibi.
Juillet 1979
//Ahmad Chamlou, (1925-2000)
/Traduit du persan par Chahrachoub Amirchahi et Alain Lance
Ahmad Chamlou – un des grands poète de la poésie persane – était un opposant au Chah mais aussi au régime des mollahs.
Il a écrit ce poème en juillet 1979, soit quelques mois après la proclamation de la République islamique, datant du 11 février 1979.
Qouqouliqou le coq chante…
Extrait 3
Sur la route un cavaler se hâte
Et bien que son cheval s’effraie dans le noir
L’éternuement du matin a crayonné dans sa tête
La jubilante image de l’aurore.
Cet instant inonde ses yeux
Et comme le jour
Le chemin s’éclaire
Apportant la joie.
Il éperonne sa monture.
Qouqoulicou le cœur et la tête s’ouvrent
Au matin arrivé. Le coq chante.
L’oiseau captif de la nuit tombale
S’est libéré de sa cage étroite.
Dans le désert, par la route longue et lointaine
Qui reste à la traîne ? Qui est fatigué ?
(La ville, le matin)
//Nima Youchidj (1897 – 1959) / علی اس
/Traduit du persan par Chahrachoub Amirchahi et Alain Lance
Qouqouliqou le coq chante…
Extrait 2
Ce souffle chantant a réchauffé
La nuit d’hiver alourdie de gel :
L’étincelant matin laveur du jour
A fait la lumière sur toute chose.
Le matin au pas rapide retarde son départ
Baisant la terre à s’en briser les lèvres
Dès que le coq arrache de ses entrailles
Ce chant et son âme offerts au froid brûlant.
Qouqoulicou. La nuit aveugle se sauve
Du pays visible au monde qui se cache
Comme un monstre que le chant du jour
Fait s’enfuir par la porte du matin.
…
//Nima Youchidj (1897 – 1959) / علی اس
/Traduit du persan par Chahrachoub Amirchahi et Alain Lance
Qouqouliqou le coq chante…
Extrait 1
Qouqouliqou le coq chante.
Du village blotti dans un creux
Du chemin en pente, veine sèche
Où le sang reprend sa course dans le corps des morts,
Le cri tisse sa trame sur le mur froid de l’aube
Et déborde partout dans la plaine :
Le chemin s’est rempli de son chant libre
Qui porte à l’oreille l’heureuse nouvelle
Indique aux caravanes des contrées mortes
La route qui mène aux pays de la vie.
Douce approche
Chaleur du sang
Battement d’ailes
Plumes hérissées.
L’oreille aux aguets, la caravane
Est fascinée par ce chant qu’elle aime
Qouqoulicou sur la route obscure
Qui reste à la traîne ? Qui est fatigué ?
…
//Nima Youchidj (1897 – 1959) / علی اس
/Traduit du persan par Chahrachoub Amirchahi et Alain Lance
RENAISSANCE
2
Les nuages prennent du champ les paroles
Passent à d’autres collines les pentes
Vers nous mènent leur troupeau de lavande
Le vent anime un débat dans les herbes
Et mon sang n’est qu’une soif très ancienne
Montant vers toi vers tes yeux cet instant
Ce frisson du feuillage où neigent les colombes
RENAISSANCE
1
Quelque chose bat lentement
Qui ne bruit pas encore
Rumeur lovée
Lumière lointaine
L’éveil va délacer les corps
Pour une mêlée plus claire
Pour un nouveau sommeil
Un merle s’est mis à démailler l’ombre
Une carriole de jonquilles s’en va sous les branches
Un couvreur perdu …
Un couvreur perdu parmi les gros pigeons
Parmi les fientes et les plumes courtes
Un homme jeune
Accroupi
Martèle le zinc
Rajoute des coups
Pour la rage
Et tout le quartier résonne comme une méchante boîte.
NOIR
Parfois des choses
À l’étale de la nuit
Sont reprises par l’avide attraction
La chute est limitée
Le plancher résiste
Mais du puits de l’enfance
Tu remontes un seau de peur