Là, tout de suite, je la [ma mère] vois comme elle est et je la compare à la double Amalia qu'elle était jusqu'à il y a quelques années : celle qu'elle fut d'abord jusqu'à son mariage, vivant dans l'ombre de grand-mère Ester, une ombre qu'il a fallu ensuite partager avec celle de papa, toujours coincée entre les deux, asphyxiée par la surprotection de l'une et rabaissée par l'attitude désobligeante de l'autre, tiraillée entre la fidélité, la tristesse, la peur et l'envie de respirer un air différent, de vivre en une autre Amalia dont probablement elle savait qu'elle subsistait dans quelque recoin de ce qu'elle avait toujours été, mais dont personne, ni papa ni grand-mère non plus, ne s'était jamais soucié.