Alfred de Musset

Pierre et Camille.
La première pensée de la mère avait été de demander si le mal était sans remède, et on lui avait répondu qu'il y avait des exemples de guérison. Pendant un an, malgré l'évidence, elle conserva quelque espoir; mais toutes les ressources de l 'art échouerent, et , après les avoir épuisées, il fallut y renoncer.
Malheureusement , à cette époque, où tant de préjugés furent détruits et remplacés, il en existait un impitoyable contre ces pauvres créatures, qu 'appelle sourds-muets. De nobles esprits , des savants distingués ou des hommes seulement poussés par un sentiment charitable, avaient, il est vrai, dès longtemps, protesté contre cette barbarie. Chose bizarre, c'est un moine espagnol qui, le premier, au seizième siècle, à deviné et essayé cette tâche, crue alors impossible, d'apprendre aux muets à parler sans paroles.Son exemple avait été suivi en Italie, en Angleterre et en France, à différentes reprises. Bonnet, Wallis, Bulwer, Van Helmont avaient mis au jour des ouvrages importants, mais l'intention chez eux avait été meilleure que l 'effet; un peu de bien avait été opéré ça et là, à l 'insu du monde, presqu 'au hasard, sans aucun bruit.Partout, même à Paris, au sein de la civilisation la plus avancée, les sourds-muets étaient regardés comme une espèce d'êtres à part, marqués du sceau de la colère céleste. Privés de la parole, on leur refusait la pensée. Le cloître porte ceux qui naissaient riches, l 'abandon pour les pauvres, tel était leur sort; ils inspiraient plus d'horreur que de pitié.