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Citation de MegGomar


Je suis devenue une bonne journaliste en devenant activiste. J'ai pris la mesure de toutes les histoires que je ne lisais jamais dans la presse, de toutes les personnes que je ne voyais jamais à la télévision, grâce à l'activisme. Le militantisme est une excellente école de journalisme. Qu'on veuille à tout prix opposer les deux est un énième signe de la catastrophe journalistique française.
"Alice, en tant qu'homosexuelle, tu as l'interdiction d'écrire un article où il est question d'homosexuels." Cette notification m'a été adressée en réunion de service, alors que je proposais un sujet sur le documentaire "Homo ou hétéro, est-ce un choix?" diffusé par France 2 en 2015. Un collègue a demandé si, du coup, il fallait être bi pour traiter le sujet. Question rhétorique. Ce sont, bien sûr, les hétéros, hommes de préférence, qui peuvent bénéficier du label "neutre" lorsqu'il s'agit de traiter de questions LGBT dans une rédaction.
Mon cas n'est pas unique. J'ai croisé et recroisé des journalistes, notamment lesbiennes, à qui l'on tenait des propos du même acabit. C'est une des raisons qui m'ont incitées à lancer l'Association des journalistes LGBT en 2013. Le mythe de la neutralité est très ancré dans les pratiques journalistiques. On a tenté de me l'inculquer au Centre de formation des journalistes, à Paris. J'enseigne désormais le journalisme à l'Institut catholique de Paris, et donne régulièrement des conférences dans diverses universités ou écoles. Le préjugé selon lequel distance, recul, équilibre et objectivité sont indispensables au bon exercice du métier revient sans cesse parmi les interventions des auditoires.
Je pense qu'il y a erreur sur les fondamentaux. Mon boulot de journaliste, c'est de repérer et d'écrire des bouts de réel que la plupart des gens n'ont pas le temps de voir ou de formuler. C'est de contrecarrer, faits et preuves à l'appui, les récits manipulateurs. Cela ne m'empêche en rien d'avoir un point de vue. Au sens littéral. Je vois, visionne les choses à partir d'un certain point. Ce point est le résultat de mon histoire, de mes choix, de mes fragilités, de mes privilèges : j'habite dans une capitale, je voyage souvent, je suis en bonne santé, je suis blanche, je suis en fin de droits mais pas pauvre, je suis lesbienne, je suis féministe. Dans cet angle-là, j'adopte un certain regard sur tous les sujets et je suis bien placée pour en faire émerger certains. Je n'ai pas besoin de relayer les différents "points de vue" dans mes articles, surtout je ne le peux pas. Il convient, en revanche, que divers journalistes soient situés à des points où ils et elles ont une autre vue que moi et que nous nous engagions à n'écrire que sur des faits vérifiés, à ne pas relayer des histoires non sourcées, à énoncer les choses de manière claire et compréhensible par le plus grand nombre. Recenser tout ce qui a été publié sur un sujet, cela s'appelle confectionner une excellente et utile fiche Wikipédia, pas un article.
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