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Citation de Partemps


Haydn est l’un des musiciens préférés de Philippe Sollers. Merveilleux antidote, antidote nécessaire à la morosité ambiante, comme le suggère en 2007 Un vrai roman, Mémoires, lorsque Sollers écrit : « À chaque instant, les préjugés romantiques, la pose romantique, noient la vision, l’évidence, l’écoute, et c’est sur ce dogme mélancolique que la dévastation publicitaire s’installe et progresse. Étrange hypnose. donc, que la moindre sonate de Haydn balaie sur-le-champ. »


Sollers saisit le génie créateur et musical de Haydn (1732-1809) dans les dernières années de sa vie, quand trois jours avant sa mort, le compositeur autrichien discute des airs d’opéra italien avec un officier de hussards français. Mais c’est aussi l’occasion de revenir sur Mozart dans les premières années de sa jeunesse, au moment où il se trouve en Angleterre avec un des fils de Bach, Jean-Chrétien. Le père de Wolfgang observe son fils, précise Sollers, et remarque le 28 mai 1764 avec quelle vitesse il est capable d’improvisation : « Le petit prodige vous invente aussitôt un air. » Dans Mystérieux Mozart, en 2001, musique et rythme forment une ligne de fuite énigmatique, libératrice, autour de laquelle les êtres et le monde pivotent. Agitation de l’âme, ébullition générale, il en va du musicien comme de l’écrivain. À propos de Haydn, Philippe Sollers sollicite Rimbaud : « Rien de plus proche d’une Illumination de Rimbaud qu’une sonate de Haydn. »
Circulaire, linéaire, mais aussi solaire et trépidante ait milieu des cris et des acclamations, la vitesse est l’événement. Avec Sollers, Shakespeare et Nietzsche, Haydn et Mozart deviennent les puissances de l’imprémédité en créant dans l’instant des figurations inédites où la main, l’oeil et l’ouïe visent un même horizon.
Lorsque Mozart devient père, son vrai père à lui reste Haydn. Sollers raconte l’intense amitié entre les deux hommes, la secrète filiation des deux compositeurs. Mozart sait par exemple qu’il n’atteindra jamais aux quatuors et aux symphonies Haydn. Pour les concertos et les opéras, c’est autre chose, précise Sollers, qui note encore dans Mystérieux Mozart que « peu d’hommes au monde auront été aussi géniaux, discrets et rigoureusement bien que le grand Joseph Haydn ». À une époque où le mot goût prenait tout son sens, l’éloge par excellence.
La Guerre du goût paraît en 1994. On ouvre le livre de Philippe Sollers comme on déchiffre une partition de Haydn : on y est. Sollers y consacre d’ailleurs au musicien un texte éblouissant, « Le lieu et la formule », où il confie combien Haydn ne cesse de retenir dans sa vie. « En quatuors, en sonates. Après avoir réécouté tous les grands préférés — Gesualdo, Purcell, Monteverdi, Scarlatti, Vivaldi, Bach. Haendel, Mozart —, c’est lui, de nouveau, qui fait signe au moment dit plus grand silence. II reste dans son secret, non omnis moriar . Je pense à un monde reconstruit selon redressement harmonique : par-delà le bien et le mal, la mort et son faux dieu, selon la trouvée des substances et des densités. Mercure, billes. On le touche à peine, il répond, il tourbillonne en cascade — saut, arrêt, saut, intermittence — , il s’éclipse, glisse, roule, troue, repart. Phrases où il n’y aurait que des verbes. Haydn est un jazz de durée, sans dépression, sans espoir. » 
Vies dans l’intensité. Partages passionnés. Trésor d’Amour (2011) rappelle que la passion pour la musique fut une constante dans la vie de Stendhal. Passion profonde et absolue. Avant son départ pour Milan, en 1814, Stendhal a trente et un ans. II vient d’écrire les Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase comme une série de variations autour du mystère de la musique. Sur l’île de Ré, à six heures du matin, devant l’Océan. Philippe Sollers écoute une sonate de Haydn. Le lieu est dégagé. La musique et le monde le sont aussi.
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