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07 décembre 2012
Sous le régime de Vichy (1940-1945), 76 000 malades mentaux sont morts dans les hôpitaux psychiatriques français. Morts de faim.

Il y a peu, s’agissant des crimes commis le 17 octobre 1961, un ancien Premier ministre, François Fillon, déclarait en avoir assez « que tous les quinze jours, la France se découvre une nouvelle responsabilité, mette en avant sa culpabilité permanente. J’ai déjà été choqué des déclarations de la France responsable des crimes commis pendant l’Occupation sur son territoire… Au début, c’était le gouvernement de Vichy qui était responsable. Jacques Chirac est allé un peu plus loin en parlant d’État français ». Il reprenait en quelque sorte le propos d’Éric Conan et Henry Rousso de 1994 : « … que cesse ce rituel infantile consistant à s’indigner tous les six mois parce qu’un scoop révèle que des Français ont collaboré, ou que Vichy fut complice de la « Solution finale » », ou celui de Georges Pompidou en 1972 : « Allons-nous éternellement entretenir saignantes les plaies de nos désaccords nationaux ? Le moment n’est-il pas venu de jeter le voile… ? »

La cohésion nationale d’un peuple ne passe pas par cette idéologie de l’oubli. Il ne s’agit pas de jeter de l’huile sur le feu, mais la cohésion nationale passe par la reconnaissance des responsabilités des uns et des autres : collaborateurs et résistants, colonialistes et anticolonialistes. C’est ce que nous voulons aussi dire avec ce livre, L’Abandon à la mort…

Dans une tribune du Monde (26.07.2012), un journaliste (Thomas Wieder) énumérait les pièges de l’histoire attendant François Hollande : « … les critiques qui ont accompagné son hommage à Jules Ferry et son discours du Vél d’Hiv apparaîtront sans doute bien fades. D’ici à 2017, trois dossiers historico-mémoriels autrement plus délicats attendent en effet le chef de l’État. Le premier, par ordre croissant d’intensité, concerne la Grande Guerre, dont on célébrera le centenaire en 2014. [...] Autre dossier sensible : le génocide des Arméniens, dont le centenaire tombera en 2015 et dont M. Hollande s’est engagé à en pénaliser la négation. [...] Dernier dossier, enfin : la guerre d’Algérie. C’est à la fois le plus urgent et le plus explosif. »

Un historien (Henry Rousso, qui publia en 1994 Vichy, un passé qui ne passe pas) déclare, dans le même article : « Désormais, ce passé est passé : non pas qu’il soit oublié, mais parce qu’il a enfin trouvé sa place. » Faut-il rappeler la conclusion de son livre ? « Le devoir de mémoire donne-t-il le droit d’ouvrir un procès perpétuel à la génération de la guerre ? D’autant que, pour la nôtre, l’obsession du passé, de ce passé-là, n’est qu’un substitut aux urgences du présent. » Pour Henry Rousso aussi, la mort des 76 000 fous pendant la guerre est un non-événement ne méritant aucune attention mémorielle.

Dans cette analyse du journaliste, pas trace de cet autre dossier sensible : l’abandon à la mort par le régime de Vichy, le seul État français d’alors, des dizaines de milliers de fous (76 000 plus précisément). Oubli ou censure ? Ceci dans le même temps où le même État français arrêtait des juifs de France (76 000 également) et les chargeait dans des trains allant vers les camps de la mort.

« Il y a 60 ans, dans la France occupée, débutait un drame. Il s’agit de la mort de dizaines de milliers d’êtres humains (40 000 de plus que n’en condamnait la mortalité ordinaire) : les fous enfermés dans les hôpitaux psychiatriques pendant la Seconde Guerre mondiale. Le drame depuis est resté généralement ignoré, parce que tu. Son évocation est devenue un tabou. » Il s’agissait de la première phrase d’une pétition lancée en 2001 dont j’étais (Armand Ajzenberg) l’un des initiateurs avec Lucien Bonnafé et Patrick Tort.

« Le temps est désormais venu pour les plus hautes autorités de l’État français d’aujourd’hui de reconnaître les responsabilités de l’État français d’hier (celui de Vichy) dans ce désastre-là, comme elles l’ont fait pour d’autres désastres ayant frappé d’autres victimes. Il est temps aussi de faire entrer l’histoire de cette hécatombe dans les programmes et les manuels scolaires destinés aux élèves des collèges et des lycées, pour lesquels jusqu’ici elle n’a pas d’existence », ajoutait cette pétition.

Avec ce livre, L’Abandon à la mort…, nous sommes dans la continuation de l’esprit de la pétition citée. Dans celui-ci, il s’agit aussi de réagir à l’installation d’une certaine idéologie qui au nom d’une cohésion nationale tend à mettre sur le même pied, hier, à propos de Vichy, résistants et collaborateurs, aujourd’hui, à propos de l’Algérie, colonialistes et anticolonialistes.
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