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Citation de Latias


Le machinisme, tel que l'Occident le pratique, ne serait donc pas possible sans la science ni sans le raisonnement à la grecque, que l'Orient ne possède pas plus aujourd'hui qu'autrefois. Ce machinisme est néanmoins surtout une technique : celle de la captation des forces naturelles, asservies par l'homme, dont la puissance se trouve de la sorte démesurément accrue. L'outil, instrument de l'âge néolithique, n'est mû que par l'énergie musculaire de l'homme, strictement limitée, mais la machine, qui n'a plus aucun rapport avec la force humaine, ne connaît pas de limite à son rendement, de sorte que par elle tout semble désormais possible. Une forme de vie sociale entièrement nouvelle naît de ce fait, car la science, mise au service de l'industrie, devenant tout autre chose qu'une curiosité désintéressée, se transforme en une discipline attachée aux faits pour les plier aux besoins de l'homme. Ce qui domine c'est une volonté de puissance, une impatience de mettre la planète en valeur. L'homme est maître de ses procédés, mais il n'est plus maître de lui-même –, une sorte de romantisme déchaîné l'entraîne, c'est, suivant le mot de Barrès, «une méthode au service d'une passion ».
Il s'agit en somme, non d'une période historique distincte, mais d'un âge nouveau de l'humanité : après l'âge néolithique en train de passer, l'âge de la machine. Il coïncide avec une politique de dilapidation forcenée des richesses naturelles du monde, sans aucun souci de ménager l'avenir, et c'est en partie ce qui explique l'impression d'enrichissement subit et démesuré que donne cette civilisation qui dépense son capital. Pendant un siècle et demi l'Occident a possédé le monopole de la science et celui de l'industrie mécanisée. Il en a tiré une puissance à laquelle rien ne pouvait résister. L'équilibre qui existait encore au XVIIe siècle entre l'Europe et l'Asie s'est rompu, et celle-ci, découvrant tardivement que la technique occidentale était synonyme de domination, s'est efforcée de l'assimiler, moins par admiration que par souci de défense. Aujourd'hui tous les continents, tous les pays, toutes les races réclament la machine. Mais se servir d'un instrument est facile, l'inventer, le renouveler est autre chose, et c'est ici qu'apparaît le fondement, malgré tout solide, sur lequel s'édifie la supériorité occidentale. Il s'agit en apparence d'une avance technique, mais le succès de l'Occident dépend de facteurs aussi complexes que les sources lointaines et diverses d'où il provient. Nous voyons ici s'indiquer à l'horizon une crise possible de notre civilisation : sa technique se nourrit profondément de sa culture ; en reniant sa culture, ou en penchant exagérément du côté de la technique, elle compromettrait les sources mêmes de sa vitalité.
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