Quant à moi, la sainte Vierge s'est approchée de moi et m'a dit, entre autres choses, que quiconque aujourd'hui, dans l'après-midi, récite dévotement neuf Ave Maria en l'honneur de son séjour de neuf mois dans le sein de sa mère et de sa naissance, et continue pendant neuf jours cet exercice de piété, donne chaque jour aux anges neuf fleurs destinées à former un bouquet qu'elle reçoit dans le ciel et présente à la sainte Trinité, afin d'obtenir une grâce pour la personne qui a fait ces prières. Plus tard, je me sentis transportée comme sur une hauteur entre le ciel et la terre. La terre était au-dessous de moi obscure et indistincte. Dans le ciel, je vis parmi les choeurs des anges et des saints la sainte Vierge devant le trône de Dieu. Je vis bâtir pour elle, avec les prières et les dévotions des fidèles vivants sur la terre, deux portes ou deux trônes d'honneur, qui grandissaient jusqu'à former des églises, des palais, et même des villes entières Je fus émerveillée de voir que ces édifices étaient faits tout entiers de plantes, de fleurs et de guirlandes, dont les différentes espèces exprimaient la nature et le mérite des prières faites, soit par des individus, soit par des communautés entières. Je vis tout cela pris de la main de ceux qui priaient, par des anges ou des saints, lesquels le portaient dans le ciel.
Il y avait dans ce jeu disposé par Jésus quelque chose de tout à fait merveilleux et qui était plus que du hasard, car le lot qui échut à chacun des joueurs avait un rapport très significatif avec ses qualités, ses défauts et ses vertus, et lorsque les fruits eurent été classés, Jésus fit à chacun un commentaire sur son lot. Chaque lot fut comme une parabole relative à celui qui le gagnait, et je sentis qu'en effet avec ces fruits, ils recevaient intérieurement quelque chose. Chacun d'eux fut vivement touché et réveillé par les paroles de Jésus, et peut être aussi parce que ces fruits qu'ils mangèrent opéraient réellement en eux un effet conforme à leur signification ; toutefois ce que Jésus dit sur chaque lot ne fut pas compris par ceux que la chose ne regardait pas : ils n'y virent que des paroles encourageantes et significatives.
L'homme que Jésus vint visiter ici s'appelait Ja're. C'était un Essénien de ceux qui vivaient dans l'état de mariage. Il avait une femme et plusieurs enfants. Ses deux fils s'appelaient Ammon et Caleb. Il avait aussi une fille que Jésus guérit plus tard ; mais ce n'est pas le Jaire de l'Evangile. Il était de la race de l'Essénien Khariot, qui avait fondé les couvents de Bethléhem et de Maspha, et il savait beaucoup de choses touchant les parents et la jeunesse de Jésus. Il alla au devant de lui avec son fils, et le reçut avec beaucoup de déférence. Sa charité faisait de lui le principal personnage de cet endroit mal famé. Il prenait soin des pauvres, instruisait, à certains jours fixés, les enfants et les ignorants, car il n'y avait en ce lieu ni école, ni prêtres. Il assistait aussi les malades. Jésus mangea et logea chez lui.
Les destinées auxquelles Marie était appelée ne pouvaient pas rester tout à fait inconnues des prêtres. Toute sa manière d'être, la grâce dont elle était pleine, sa sagesse extraordinaire, étaient si remarquables dès son enfance, que son extrême humilité ne pouvait cacher tout cela.
Toutes ces visions ont le caractère historique le plus rigoureux ; ce ne sont pas des réflexions sur les événements, c'est le reflet immédiat, complet des faits eux mêmes, lesquels sont présentés à la voyante comme l'image dans le miroir(1). C'est là ce qui donne aux visions d'Anne Catherine une supériorité marquée sur les visions de Marie d'Agreda, telles qu'elles sont consignées dans le livre si célèbre autrefois de la Cité mystique de Dieu. Autant ces deux personnes se ressemblent en ce qui touche la sainteté de la vie, autant est grande d'un autre côté la différence qui existe dans leurs prédispositions naturelles et par suite dans la manière dont elles perçoivent la lumière d'en haut et usent du don de contemplation qu'elles ont reçu.