Anne-Laure Blanc

Cet ouvrage collectif, qui commence par raconter la passionnante histoire de la littérature de jeunesse, est un voyage accéléré de nos premières années de lecteurs, convoquant nombre de livres qui les ont parcourues. Mais il affiche une autre ambition, celle de s’inscrire, via la lecture, dans un continuum culturel : « L’enfant n’a pas fait le monde, il en hérite de générations d’hommes et de femmes et, à son tour, devra le transmettre aux générations suivantes. Comment le lui prouver mieux qu’en lui donnant à connaître les œuvres du patrimoine ? »

Il s’agit donc d’un guide de lecture – non exhaustif, précisent les auteurs – à l’usage des enfants et adolescents – de 0 à 16 ans, stipule le sous-titre – et qui puise abondamment dans ces textes d’autrefois dont l’adulte que je suis devenu avait oublié le souvenir pour certains d’entre eux. Mais, suivant une réminiscence proustienne, voici que je redécouvre, parmi les titres proposés, « Roule Galette » (Natha Caputo) !

On retrouve Beatrix Potter et ses lapins (dont le nom de famille inspirera, longtemps après la mort de l’intéressée, celui d’un fameux sorcier !), les classiques tels que « Les Aventures d’Alice au pays des merveilles » (Lewis Carroll), « Pinocchio » (Carlo Collodi), « Bilbo le Hobbit (J.R.R. Tolkien, qui songea à cette histoire face à une copie blanche d’examen…merci au cancre inspirateur !), etc.

Il y a aussi l’incontournable Club des cinq. Hélas, « les versions les plus récentes ont été réécrites et “allégées” de leurs passés simples », apprend-on avec désarroi. Quant à la pauvre comtesse de Ségur, « les éditions les plus récentes ont été, pour certaines, “élaguées” de leurs références chrétiennes et réécrites au présent ». J’appelle ça du négationnisme culturel.

Évidemment, des publications plus récentes sont proposées, dans le respect du développement de l’enfant et de son environnement culturel – en l’occurrence la France, son Histoire et ses traditions –, sans souci de lui faire rentrer dans le crâne la cohorte des fantasmes d’adultes. Loin des poncifs progressistes, ici les petites filles ont encore le droit de rêver qu’elles deviendront des princesses et les petits garçons, des chevaliers…

Une place importante est accordée à l’oralité. Lire/raconter une histoire, en plus d’un moment de partage, éveille le jeune enfant à la lecture : « Que ce soit à l’école, à la bibliothèque, à la maison, une “histoire” bien racontée captive et émeut. » Les différents récolteurs de contes oraux de jadis ne diraient sûrement pas le contraire.

Le conte a de ce fait une place privilégiée. D’où l’importance accordée à des auteurs comme Charles Perrault, les frères Grimm, Hans Christian Andersen – qui m’a personnellement traumatisé avec « La Petite Fille aux allumettes » !

Et puisque nombre d’écrivains majeurs ont produit des textes tout à fait compréhensibles pour des enfants – à condition de leur donner les moyens de s’éveiller à la lecture en ne les cantonnant pas à de mauvais livres –, ils sont tout naturellement référencés : Robert de Boron, Paul Claudel, Jean Giono, Victor Hugo, Jack London, Marcel Pagnol (avec les deux inoubliables premiers tomes de ses « Souvenirs d’enfance »), George Sand, l’incontournable Jules Verne, Oscar Wilde, etc.

Plusieurs genres sont ainsi proposés, comme les contes, romans historiques, fantastiques, policiers et même de science-fiction (dont « La Planète des singes », de Pierre Boule), le théâtre, l’initiation à l’Histoire ou encore l’éveil à la religion. Éveil orienté vers le christianisme, socle de notre identité culturelle, tout comme la culture gréco-romaine, elle aussi avantageusement représentée dans le présent guide. Des livres comme « Les Bâtisseurs de cathédrales » (Bénédicte Grosbois) sont aussi là pour rappeler que cet héritage chrétien s’inscrit jusque dans la pierre. Pour autant l’art n’est pas cantonné au dit héritage : voir « Le Jardin de Matisse » (Samantha Freidman), qui s’attache à « la démarche créatrice, notamment sur les équilibres de couleurs et de valeurs des célèbres découpages d’Henri Matisse », nous explique-t-on.

Parfois, « les textes bibliques et la présentation des œuvres d’art se répondent dans un fructueux dialogue » ; c’est « La Bible par l’art » (Colette Deremble). La musique est aussi de la partie : « Beethoven. La Symphonie du destin » (Michel Honaker).

Bien entendu, le roman national n’est pas en reste, avec entre autres : « La Belle Histoire de Saint Louis » (Jean-Luc Cherrier et Patricia Tollia). Louis IX est d’ailleurs mis à l’honneur, avec plusieurs ouvrages qui lui sont consacrés. Plus proche de nous, on trouve des livres tels que « La Seconde Guerre mondiale racontée aux enfants » (Guy Lehideux).

Faisant foin du politiquement correct, le guide ose même des textes comme « Petits contes nègres pour les enfants des blancs » (Blaise Cendrars), qui a récemment fait couler beaucoup d’encre et user tout autant de salive : la page Facebook de Décolonial News, à l’occasion d’une réédition de l’ouvrage, affirmait que « c’est comme ça en France que l’on inocule à des enfants la négrophobie » (source : ActuaLitté). Ce qui, en plus d’être faux, relève de la querelle stérile dont « Tintin au Congo » (Hergé) avait déjà fait les frais.

À partir de 14 ans, de grandes ambitions de lecture sont proposées : le labyrinthique et très parisien « Père Goriot » (Balzac) ; le vengeur « Comte de Monte-Cristo » (Alexandre Dumas père) ; « Trois contes » (Flaubert) qui recèle la quintessence du style de l’auteur, avec « Un Cœur simple » ; les tourmentées et non moins géniales « Fleurs du Mal » (Baudelaire) ; l’anticipation cauchemardesque du « Meilleur des mondes » (Aldous Huxley), le théâtre fondateur de Sophocle, etc.

Voici donc une initiative à la fois saine et salutaire que cette Bibliothèque idéale, qui en appelle une autre, comme le promettent les auteurs, consacrée cette fois-ci à la bande dessinée. J’attends avec impatience !

Petit bémol : je ne suis pas un adepte des abrégés d’œuvres littéraires. En effet, comme on ne regarde pas un bout de tableau mais le tableau en entier ou que l’on n’écoute pas qu’une partie d’un morceau de musique, il me semble préférable d’attendre le moment venu pour lire un texte dans son intégralité au lieu de l’amputer. Ainsi, lire un abrégé de « Moby Dick » (Herman Melville) c’est réduire ce sublime roman à un texte d’aventure, si noble soit ce genre, tandis qu’il est une descente dans les abysses de l’âme humaine :

https://www.babelio.com/livres/Melville-Moby-Dick/2081/critiques/1716388

Mais ce n’est que mon avis…

Pour le reste, bravo à mesdames Anne-Laure Blanc, Valérie d’Aubigny et Hélène Fruchard !

Une sélection réactualisée de plus de 2000 livres référencés pour tous les lecteurs de 0 à 16 ans, menée conjointement par Chouette un livre et 123loisirs. Regards croisés pour offrir aux familles, aux écoles et aux bibliothèques, un choix d'ouvrages qui donnent envie de grandir, de passer un bon moment un livre entre les mains et de constituer une bibliothèque solide et fiable.



Le classement par thème, par âge et par genre favorise les recherches ainsi qu'un index par auteur et par titre de livre.



Gain de temps, d'énergie et d'argent, puisque des passionnées de littérature jeunesse ont "lu pour vous", et vous font partager leurs coups de cœur d'hier et d'aujourd'hui.

A emporter en bibliothèque ou à la librairie.

Avec un CA de 526 millions de livres et 70 millions de livres vendus en 2007, le marché du livre à destination de la jeunesse représente à lui seul fin 2008 15% du marché du livre, nous dit l'auteur.

Autant dire qu'il n'est pas toujours facile de s'y retrouver dans ce gigantesque marché. Car, dans la masse des dérivés des dessins animés diversement traduits, la fantasy anglo-saxonne qui a suivi le phénomène Harry Potter ou le rose bonbon dicté par les séries américaines, le tout soutenu par un marketing redoutable d'efficacité, on côtoie souvent le pire et le meilleur. Esthétique, typographie, illustrations trop souvent sacrifiées, langue française bousculée pour ne pas dire saccagée, style souvent relâché, etc.

Sans faire le procès du livre pour la jeunesse, il faut bien reconnaître que, si l'on veut être attentif à ce qu'on donne à lire à nos stroumpfs, on passe souvent un temps fou pour choisir, sans pour autant être sûr de ne pas se tromper. La solution : ce petit livre d'Anne-Laure Blanc qui nous a concocté une bibliothèque idéale pour les 5-11 ans et je dois dire que je le recommande sans hésitation.

On y trouve d'abord une brève histoire de la littérature de jeunesse très intéressante, suivie de ses considérations sur la littérature pour la jeunesse.

Ensuite les choix proposés sont très astucieusement classés, par tranches d'âges (5-6 ans, 6-7 ans, etc) bien évidemment, mais aussi par genre et selon les âges : « Grands auteurs pour petits lecteurs », « Contes d'ici et d'ailleurs », « Poésies et chansons », « Nos amis les animaux », « Histoires vraies –ou qui pourraient l'être », « Fantastique », « Séries », «Bandes dessinées », « Romans historiques », « Policiers », « pour rire », « Aventures et découvertes » « Légendes et féeries » « Littérature religieuse » et « Quelques valeurs sûres »….

Mais on y trouve aussi « Quelques grands textes de l'Antiquité » : quelques mythes grecs, le monde romain, la littérature latine…. Et même quelques pièces de théâtre… Vraiment, c'est un beau travail, complet, enfin presque…. car on pourra regretter l'absence d'ouvrages sur les arts en général, peinture, musique…., les loisirs en général aussi, créatifs, sport… Mais bon, son propos était la littérature n'est-ce pas.

Cet ouvrage est je trouve fort bienvenu, (j'ignore s'il en existe d'autre du genre), mais il date de 2010 me direz-vous ! Qu'à cela ne tienne, après y avoir fait de bonnes pioches, et il y a de quoi, rendez-vous sur le beau site de l'auteur www.chouetteunlivre.fr pour poursuivre votre moisson.



Car ne l'oublions pas, "Chacune de nos lectures laisse une graine qui germe" _Jules Renard