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Critiques de Anne-Marie Clin-Lalande (3)
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Lettres de la religieuse portugaise

L'attribution de l’œuvre est-en elle-même romanesque, rajoutant un mystère autour de ces lettres sur l'identité de celle - ou de celui - qui les a écrites.

En tout cas, cette femme-personnage est très émouvante, mettant son cœur à nu. C'est une femme qui a été trahie, abandonnée, et qui passe par différentes phases de deuil, le deuil de son amour. Tour à tour désespoir, de la colère, de la jalousie, des promesses... Elle s'analyse avec précision, et décrit ses sentiments de façon universelle. Et j'ai particulièrement apprécié cet aspect : le contexte apparaît très peu, que ce soit dans le récit - un homme quittant au femme sur le prétexte d'un déménagement pour son travail pourrait avoir lieu n'importe où et n'importe quand, ou dans les mots et le style. En effet, il y a une si grande modernité dans la description des sentiments, dans l'analyse psychologique que, sans connaître la date d'écriture, on pourrait en douter. Au XVIIème siècle, Mme de La Fayette analyse aussi le coeur humain, mais avec une préciosité dans l'écriture qui l'ancre dans le XVIIème siècle. Au XVIIIème, Mme de de Tourvel pleure d'être trompée par Valmont, mais avec une sensibilité et des remords religieux qu'on ne trouve pas ici. D'ailleurs, cette religieuse oublie complétement Dieu dans son écriture, elle n'évoque pas du tout la notion de pêché, et donc de pénitence ; cela permet de rendre son récit d'autant plus universel, c'est une femme et non une âme qui se confie, une femme désirante, aux désirs physiques - et pas une pêcheresse regrettant la chair. Oui, il y a quelques paragraphes où, tout en subtilité et en sous-entendus, le désir sensuel est bien présent. Quant à cet homme, on peut se demander ce qu'elle a pu lui trouver, un séducteur libertin lâche, menteur...

En revanche, les 5 autres lettres que j'ai lues dans mon édition, rajoutées, ont moins d'intérêt car moins originales. Il est bien précisé qu'il s'agit d'une autre femme, d'un autre milieu. L'écriture reprend plus les codes du libertinage et du marivaudage galant.
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Lettres de la religieuse portugaise

NON! Ces lettres n'ont pas été écrites par le le comte Gabriel de Guilleragues!



Les Lettres portugaises sont publiées pour ma première fois à Paris en 1669 comme la traduction de cinq lettres d'une religieuse portugaise à un officier français.

Jusqu'au XXème siècle, ces lettres étaient attribuées à une jeune nonne d’un couvent du Portugal, Mariana Alcoforado (1640-1723), censée écrire à son amant français, le marquis de Chamilly, venu au Portugal combattre du côté des Portugais dans leur lutte pour l'indépendance face à l'Espagne, de 1663 à 1668.



Une majorité de spécialistes pensent que les lettres ont été écrites par le comte Gabriel de Guilleragues (1628-1685) et sont donc une œuvre de fiction.

Mais, le romantisme n’étant pas mort, en 2006, Myriam Cyr défend la thèse de l'attribution à Mariana Alcoforado.

En 2009, Philippe Sollers se dit au contraire convaincu de leur authenticité : « Il y a encore des controverses sur les origines et l'authenticité de cette correspondance unilatérale. Je la tiens, moi, pour authentique, car aucun homme (et certainement pas le pâle Guilleragues) n'aurait pu aller aussi loin dans la description de la folie amoureuse féminine ».

Personnellement, que ce soit la religieuse portugaise qui ait écrit ces lettres ou une femme que Guilleragues aurait connue, j’ai la conviction qu’un homme n’aurait pas pu écrire ces lettres : il s’y révèle trop de la femme et… les hommes ont-ils jamais su qui elles étaient ? 😉



Dans ses lettres, Mariana, la none portugaise, se plaint de l’abandon de son amant, dévoile sa passion, ses doutes, sa colère contre l’homme qui l’a séduite puis abandonnée et oubliée. Mais ce qui m’a le plus plu, hormis l’écriture et les belles phrases qu’on y trouve, la tendresse, l’amour, c’est cette incroyable auto-analyse psychologique inconsciente.



Romantisme :

« Comment se peut-il faire que les souvenirs des moments si agréables soient devenus si cruels ? Et faut-il que contre leur nature, ils ne servent qu’à tyranniser mon cœur ? »



Sincérité :

« Adieu, je ne puis quitter ce papier, il tombera entre vos mains, je voudrais bien avoir le même bonheur. »



Bonté :

« On est beaucoup plus heureux et on sent quelque chose de bien plus touchant, quand on aime violemment que lorsqu’on est aimé. »



Subtile culpabilité distillée avec art :

« Ne pourriez-vous pas m’emmener en France ? Mais je ne le mérite pas ; faites tout ce qu’il vous plaira. »



Féminisme :

« Cependant, je ne me repens point de vous avoir adoré, je suis bien aise que vous m’ayez séduite ; votre absence rigoureuse, et peut-être éternelle, ne diminue en rien l’emportement de mon amour : je veux que tout le monde le sache, je n’en fais point un mystère, et je suis ravie d’avoir fait tout ce que j’ai fait pour vous contre toute sorte de bienséance. »



Des siècles ont passés et les femmes et les hommes sont restés les mêmes : leur cœur est puissant mais fragile, leurs désirs peuvent être beaux et vils, leur âme grande et basse. Les costumes changent, mais l’Homme demeure un animal sublime quand il s’élève, un animal monstrueux quand ses bas instincts prennent le dessus.

Plusieurs siècles ont passé et tant de femmes ne sont pas encore libres de bouger, d’aimer, d’exister.

Le futur est féminin, c’est aujourd’hui !©

Gabrielle Dubois©
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Lettres de la religieuse portugaise

Mystère que ces cinq lettres d’amour (à ne pas confondre avec les lettres galantes, écrites pour être lues en public) parues en 1669 : Sont-elles authentiques ? Sont-elles fictives ? Une manigance de la part de Guilleragues, se présentant comme traducteur, pour accéder à la charge de secrétaire ordinaire du cabinet du roi ? Une véritable correspondance entre Mariana da Costa Alcoforado, une religieuse portugaise, et le comte de Chamilly, un officier français ?



Malgré les incertitudes quant à leur origine, ces lettres n’en sont pas moins un chef d’œuvre de la littérature amoureuse du dix-septième siècle. A l’instar de Phèdre, Mariane ressent un froid intense et une chaleur brûlante. Elle se remémore les instants passés auprès de son amant, déplore son malheur présent et ne voit dans l’avenir que folie et mort. La jeune religieuse souffre d’abandon et de trahison. Ces sentiments puissants sont cause qu’elle déraisonne et hurle sa passion. L’amant français est destinataire de ces mots tendres et violents, sages et fous. Dans l’enceinte du cloître, lieu de calme et de paix qui, à la fois, protège des tourments de la vie séculière et ne permet pas de distraire son attention, Mariane écrit à l’homme qui a franchi l’enceinte sacrée. L’amour profane est entré dans ce lieu consacré à l’amour de Dieu et les lettres agissent comme un lien entre ces deux mondes. A la lecture des quatre premières lettres, on oublie le destinataire, relégué. L’adresse à l’officier français semble un prétexte à l’implosion de la religieuse, facilitée par l’écriture. Les mots transcrivent les sentiments mais les déforment aussi. Mariane en est consciente et déplore que le langage ne puisse refléter la profondeur de sa passion. Dans la cinquième lettre, l’amant semble plus vivant, on a de ses nouvelles et on lui renvoie tous les effets qui ont un lien avec lui. C’est la mort de la passion, le calme après la tempête, la victoire de la raison, le désespoir sage, la résignation malheureuse.



Les Lettres de la religieuse portugaise sont un chemin de soi vers soi, un travail de deuil épuisant mais salutaire depuis le déni jusqu’à l’acceptation en passant par les éprouvantes manifestations physiques qui accompagnent la dépression.



Le langage classique séduit encore les oreilles du lecteur contemporain et la féminisation des pronoms a un étonnant écho sur nos préoccupations actuelles. La compassion éprouvée témoigne bien du charme indémodable de l’art épistolaire et de l’expression de l’amour.



https://poussedeginkgo.wordpress.com/2018/01/07/lettres-de-la-religieuse-portugaise/
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