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Citation de Cielvariable


Au retour du Royaume d'Opale, où ils avaient empêché des créatures ressemblant à des rats de semer la famine, les Chevaliers d'Émeraude se reposèrent quelques jours. Wellan s'entretint avec chacun de ses soldats et tout particulièrement avec Kevin qui se sentait coupable de la mort de son Écuyer Curri à Zénor. Le grand chef lui expliqua patiemment qu'il n'aurait pas pu le sauver même s'il avait été présent, l'attaque du sorcier-requin ayant été trop rapide. Wellan savait que la perte de son apprenti laisserait dans le cœur de Kevin une plaie béante que seul le temps pourrait guérir.
Wellan aurait bien aimé réconforter Swan, victime elle aussi des crocs et de la méchanceté de Sélace, mais la fougueuse guerrière se dirigeait toute seule vers Zénor pour aller chercher l'homme qu'elle aimait. Un nouveau vent de passion semblait souffler sur l'Ordre, puisque la belle Ariane avait pour sa part décidé de passer quelques jours à Opale afin d'apprendre à mieux connaître Kardey, le capitaine de l'armée du Roi Nathan.
Une fois certain que tous ses Chevaliers se remettaient de leur dernière mission, Wellan s'isola dans la bibliothèque du Château d'Émeraude, comme il le faisait au retour de chaque combat. Il analysa en détail leur expédition sur l'île des hommes-lézards et l'intervention providentielle d'Abnar qui avait métamorphosé Kira en déesse-reptile. Sans elle, toutes leurs têtes reposeraient au bout de piques dans le village de Kasserr, leur chef.
Puis, l'image du requin plongeant sur le pont du bateau recommença à le hanter. Aucun des Chevaliers à bord n'avait pu l'arrêter, ni même pressentir son attaque. De plus, tandis qu'ils poursuivaient le sorcier, la lenteur du bateau de pêche aurait également pu coûter la vie à la princesse mauve, Jasson et lui ne l'ayant rattrapée que sur la montagne rocheuse au centre de l'île abandonnée. Wellan ne s'expliquait toujours pas la destruction de Sélace. Il revit dans son esprit l'explosion de son corps argenté. Pourtant, aucun rayon magique ne l'avait atteint. Une faille dans un sol volcanique pouvait laisser échapper des flammes ou des gaz mortels, mais pas réduire en pièces une créature. Que s'était-il donc passé ?
Il se rappela aussi l'intervention de la déesse de Rubis qui avait propulsé leur embarcation vers Zénor. Pourquoi Abnar n'avait-il pas fait la même chose à l'aller ? Plus Wellan pensait aux événements des dernières semaines, plus il en venait à la conclusion que les Chevaliers d'Émeraude ne possédaient pas suffisamment de pouvoirs pour affronter leurs ennemis.
Il bondit de son siège et quitta la bibliothèque. Décidé à en avoir le cœur net, il sortit du palais. Sous la pluie, il calma sa respiration, désireux de conserver à tout prix son sang-froid devant le Magicien de Cristal. Dans la tour isolée des autres édifices du château, il trouva l'Immortel les bras croisés, comme attendant sa visite. Wellan s'arrêta devant lui. Il le salua d'un furtif mouvement de la tête avec l'intention de tenir ses bonnes résolutions.
— Je continue de ressentir la mauvaise influence d'Onyx dans votre cœur, le devança Abnar.
— Je n'ai donc pas besoin de vous dire, si vous lisez aussi facilement en moi, que nous avons dû affronter sans vous un nouveau sorcier.
— Je ne peux pas être partout à la fois, sire Wellan.
— C'est justement pour cette raison que vous devez nous accorder des facultés magiques supplémentaires.
— Je n'en vois pas la nécessité.
— Quoi ? tonna le grand chef, son visage passant subitement au rouge.
À l'étage supérieur, Lassa entendit l'éclat du Chevalier. Il délaissa les jouets de bois et de céramique alignés sur son lit et se rendit jusqu'à l'escalier où il pourrait écouter la conversation sans être vu. Il reconnut la voix de Wellan. « Pourquoi est-il en colère ? » se demanda Lassa. Ce gamin connaissait beaucoup de choses malgré ses cinq ans, mais il ne comprenait pas toujours les adultes ni Abnar, son protecteur. Le petit prince risqua un œil sur le palier inférieur.
— Vous m'aviez donné votre parole ! s'exclama le Chevalier, tout en arpentant la pièce circulaire devant l'Immortel. Lorsque je vous ai demandé de nous octroyer davantage de pouvoirs, vous avez refusé en me disant que vous seriez à nos côtés pour nous appuyer, mais vous avez disparu sans plus de façons !
— Lassa était en danger, répondit Abnar, très calme.
— Mais vous n'êtes pas revenu après l'avoir mis en sûreté ! Nous avons été attaqués par un sorcier encore plus maléfique qu'Asbeth ! C'est la Reine Fan qui nous a prévenus de l'invasion du Royaume d'Opale, la déesse de Rubis qui a poussé notre vaisseau à vive allure vers le continent et mon fils qui nous a permis d'atteindre Opale à temps pour empêcher les rats de causer la perte de ses habitants !
« Il a un fils ! » s'égaya Lassa, songeant que ce serait merveilleux s'il se trouvait quelque part dans le château et s'il était assez vieux pour jouer avec lui.
— Les dieux m'ont d'abord et avant tout confié la garde du porteur de lumière, riposta l'Immortel.
— Alors, si vous préférez rester ici avec Lassa, faites que nous soyons assez puissants pour nous passer de vous ! exigea le grand chef, qui s'arrêta brusquement devant le Magicien de Cristal. Le territoire que nous devons protéger est immense ! Accordez au moins aux Chevaliers la faculté d'aller rapidement d'un royaume à l'autre, comme nous l'avons fait il y a quelques semaines grâce à Dylan !
Abnar demeura silencieux et profondément contrarié. Il ne pouvait pas punir Wellan pour son impertinence, puisque ce n'était pas un homme ordinaire. Theandras elle-même le protégeait et le maître magicien Fan de Shola le portait dans son cœur. Il ne pouvait donc pas l'écarter du revers de la main pour mettre fin à ses incessantes demandes. Les Chevaliers d'Émeraude ne représentaient plus la fabuleuse armée de jadis. Moins nombreux, ils faisaient par contre preuve de plus d'honnêteté et de courage. Mais quelle serait leur réaction s'il leur accordait une plus grande puissance ? Par expérience, il avait appris que les humains n'étaient jamais satisfaits et qu'ils s'entretuaient pour posséder davantage de pouvoirs.
— Je n'accorderai qu'à vous seul le don de faire voyager votre armée dans l'espace, décida finalement Abnar.
— Et s'il devait m'arriver malheur ? résista Wellan.
« Mais comment cela se pourrait-il ? » s'étonna Lassa qui continuait à les épier. De toutes ses figurines de céramique, celle à l'effigie de Wellan triomphait toujours de ses ennemis ! Elle mettait tous les monstres de bois en déroute et c'était elle qui possédait la plus grande magie !
— Alors, je choisirai un autre Chevalier capable d'utiliser sagement ce pouvoir réservé aux Immortels.
Wellan ne répondit pas. Sa colère redoubla. Il désirait plus que tout au monde protéger Enkidiev contre les attaques de l'Empereur Noir, mais il ne pouvait pas le faire sans moyens.
— Je comprends votre frustration, sire, assura Abnar.
— Dans ce cas, accordez-nous toutes les facultés que possédaient les Chevaliers d'antan.
— Je vous donnerai d'abord celle de vous déplacer à votre guise et si je constate que vous n'en abusez pas, alors je vous en attribuerai d'autres.
Un seul pouvoir ? À un seul Chevalier ? Pour la première fois de sa vie, Wellan regretta d'être devenu un Chevalier d'Émeraude, car ces hommes semblaient bien n'être que des marionnettes manipulées par un Immortel insensible. Avant de prononcer des paroles acerbes qu'il regretterait par la suite, le grand chef quitta la tour. N'écoutant que son cœur, Lassa apparut devant Abnar, qui arqua un sourcil avec agacement.
— Comment un soldat aussi bon que sire Wellan pourrait-il abuser de sa magie ? s'exclama le gamin.
— Je t'ai déjà prié de ne pas écouter les conversations des adultes, Lassa.
— C'est plutôt difficile dans cette tour, maître.
Abnar considéra longuement le Prince de Zénor. Ses grands yeux de saphir étaient remplis de reproches.
— Les humains ne sont pas des êtres infaillibles, répondit-il finalement.
— Et les Immortels ?
Abnar aurait pu le punir pour son effronterie, mais il choisit plutôt de l'écouter jusqu'au bout afin d'écraser sa rébellion une fois pour toutes.
— Il n'y a que les dieux qui ne se trompent jamais.
— Dans ce cas, rappelez le Chevalier Wellan et donnez-lui ce qu'il réclame, implora l'enfant.
— J'ai déjà octroyé de grands pouvoirs à des soldats tels que lui dans le passé et je l'ai amèrement regretté.
— Mais ces anciens Chevaliers ont sauvé Enkidiev ! Qu'arrivera-t-il si les nouveaux n'y arrivent pas ? Qu'adviendra-t-il de moi et de la prophétie ?
— Si c'est ton avenir qui t'inquiète, jeune homme, sache que les dieux eux-mêmes te protégeront si tous les humains venaient à disparaître.
— Mais à quoi servira-t-il que je détruise l'empereur s'il n'y a plus personne sur le continent ?
Abnar décida de ne pas répondre aux arguments de l'enfant. Armène grimpa alors l'escalier, transportant une boîte de bois pleine de victuailles. Elle la posa sur la table de travail et glissa un regard intrigué vers l'Immortel et le garçon qui s'observaient. Sans dire un mot, elle se débarrassa de sa cape ruisselante de pluie. La gouvernante n'aimait pas les voir s'affronter à tout moment, mais elle n'avait pas le droit de gronder le maître pour son comportement austère.
— Je réfléchirai à tes paroles, Lassa, assura le Magicien de Cristal avant de se dématérialiser.
— Je vous remercie, maître.
L'enfant se tourna vers Armène dont le visage était crispé par l'angoisse. Pour la rassurer, il gambada joyeusement jusqu'à elle et se jeta dans ses bras pour y puiser une bonne dose d'affection maternelle.
— Vous vous êtes encore disputés, déplora la servante.
— Non, Mène. Je lui ai seulement fait connaître mon point de vue, comme Kira m'a recommandé de le faire.
— Je ne suis pas certaine que Kira ait une bonne influence sur toi, en fin de compte, se moqua-t-elle.
— Mais nous sommes reliés par notre destin ! Je n'y peux rien !
Il se libéra de l'étreinte d'Arm
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