Il se souvenait de ces champs à perte de vue, de cette mer, la seule qu'il ait jamais contemplée, moirée de chlorophylle, bientôt couverte de fleurs de coton ondulant sous le vent comme un nuage de crème ouatée. Il y avait enduré la violence gratuite des contremaîtres et découvert les pouvoirs pacificateurs de la musique. Quand l'équipe menaçait d'en venir aux mains avec les Blancs, il sortait sa clarinette et jouait un air pour l'apaiser. Les notes s'envolaient dans le ciel, les esclaves fredonnaient un gospel qui parlait de liberté et du Jugement dernier. (p. 59)