Arno Lustiger

Le dimanche 6 décembre, demain, un documentaire incontournable est diffusé sur France 5 à 22h40: "Vie et Destin du Livre Noir".

J'ai donc repris sur son étagère Le Livre Noir, écrit par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, correspondants de guerre sur le front russe de 1941 à 1945. Ils étaient en outre à l'origine du Comité Antifasciste Juif crée en URSS après l'invasion allemande en juin 1941, bien avant que Staline ne l'interdise ensuite, après la guerre et que ses principaux membres soient arrêtés ou mis en accusation, prélude au complot des blouses blanches. Le livre est constitué par les témoignages des rares rescapés des massacres perpétrés contre les cinq millions de juifs qui vivaient alors dans la partie occidentale de l'URSS de l'Ukraine à la Biélorussie,

Ces pages éclairent les chapitres que Vassili Grossman consacre à l'anéantissement du peuple juif dans son roman "Vie et destin". Il est impossible ici de traduire en mots la teneur des faits relatés dans ces témoignages, l'intérêt du livre tient bien sûr à cette richesse, il constitue un témoignage essentiel de ce que fut la barbarie nazie à l'est à l'encontre des populations juives. Cette barbarie reste singulière dans l'histoire de l'humanité, portée par un état totalitaire qui a mis en application une idéologie d'exclusion et d'extermination. Sans aller jusqu'à la perfection scientifique de l'anéantissement, l'état stalinien a néanmoins rejoint l' Allemagne nazie dans ses desseins criminels, la destinée du Livre Noir après sa rédaction à la fin de la guerre, le prouve. Le documentaire de Guillaume Ribot revient sur l'histoire du livre de façon magistrale. Il se fait écho au constat établi par Vassili Grossman dans ce tête à tête entre le vieux bolchévique Mostovskoï et le SS Liss , que les deux régimes sont en miroir l'un de l'autre. Le Livre Noir est un texte essentiel qu'il est utile de découvrir ou re-découvrir à l'occasion de la diffusion du documentaire sur France 5, notons également l' émission à venir de Xavier Mauduit sur France culture, le vendredi 11 décembre.

Un livre document dont la portée historique est sans conteste un élément de valeur inestimable, quand on sait les difficultés auxquelles ses auteurs ont été confrontés face au revirement de Staline dès 1946. Le CAJ comité de soutien antifasciste juif a été formé en avril 1942 sur l’instance d’Albert Einstein et avec le soutien officiel des autorités soviétiques d’alors. L’objectif du Livre noir était de décrire très précisément, grâce aux recueils de témoignages de témoins oculaires et survivants, les atrocités et les meurtres de masse dont ont été victimes les populations juives par les Allemands dans les territoires occupés de l’URSS entre 1941 et 1945, pour alerter le monde occidental de la barbarie nazie. Une première version fut éditée aux USA en 1946 et en Roumanie. C’est alors que Staline interdit sa publication en 1947, dissout le CAJ en 1948 en supprimant son président Solomon Mikhoels assassiné à Minsk en 1948 (meurtre déguisé en accident), en arrêtant certains de ses membres qui seront exécutés dans les sous-sols de la Loubianka en 1952 après un procès truqué. C’est le prémisse du complot des « blouses blanches », machination abandonnée à la mort de Staline. Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman seront peut-être épargnés eu égard à leur qualité de rapporteurs engagés durant les combats à Stalingrad et sur le front soviétique ? Dès 1989, et en 1991 après l’ouverture des archives d’URSS, les épreuves du Livre Noir sont mises à jour et grâce à Irina Ehrenbourg, il sera édité en 1993 à Vilnius (Lituanie) et en France en 1995.

Les récits des atrocités sont rapportés par des auteurs sous forme de déclarations recueillies par des observateurs directs, des récits de survivants des ghettos et des camps dont Auschwitz, et en dernière partie du livre, de dépositions faites par des militaires allemands, organisateurs des tueries et par la transcription également d’extraits de journal d’allemands, prisonniers de guerre.

Les chapitres sont ordonnés par lieux de massacres : l’Ukraine ; la Biélorussie ; la Russie (RSFSR) ; la Lituanie ; la Lettonie ; les soviétiques, peuple uni ; la révolte du ghetto de Varsovie ; les camps d’extermination ; les bourreaux.

Les persécutions des SS nazis sur la population juive ont été soutenues par la participation active de fascistes lituaniens, lettons et ukrainiens.

Y figure aussi le texte de V. Grossman « L’enfer de Treblinka » qui sera présenté lors du procès de Nuremberg.

Il est impossible de résumer un tel livre. Il est tout juste la description de l’abominable monstruosité dont est capable l’humain sur son semblable.


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Un livre à lire à petites doses mais les "yeux bien ouverts" non pas pour se complaire dans cette suite de témoignages horribles des exactions et crimes nazis contre la population juive d'alors des villages de Biolorussie, d'Ukraine etc. dans cette Shoah par balle mais pour garder bien en tête la folie des hommes, l'héroïsme de d'autres. Un livre fort, très fort, un documentaire de Vassili Grossman et Ilya Ehrenburg.