Atsushi Sakai

Un livre à l'érotisme troublant, beau comme un rêve, dans lequel se mêlent avec délice shibari et folklore japonais.





Le Lézard noir fait partie de ces trop rares éditeurs dont je peux acheter les parutions les yeux fermés. Fantômes japonais d'Atsushi Sakai ne fait pas exception. C'est un de ces livres dont le genre est difficile à déterminer. Il est à la fois livre d'art, recueil de nouvelles et de textes poétiques. Les photographies pourraient être publiées seules mais placées en regard de ces courts textes, elles prennent une tout autre dimension. Textes et images se répondent en écho. le texte fait entrer les images dans une narration ; les images se glissent entre les lignes pour montrer plus et déployer des visions belles et cruelles, torturées et fantasmatiques.



L'objet-livre est superbe en tous points. Au sépia et aux tonalités chaudes, rouge et rose, ponctuant les photos répondent judicieusement le brun des pages de garde, du dos et des mors sur lesquels le titre se détache en lettres argentées, et le rose tendre de la quatrième de couverture et de la préface. le papier glacé et épais ne laisse subsister aucun effet de transparence malheureux. Sobre et tout en élégance, la maquette pose délicatement le texte sur la page. le format réduit pour un livre d'art (16 x 22 cm) contribue au caractère intimiste de l'ensemble.



Les textes, adaptés de récits classiques ou de la plume du photographe, qu'ils prennent la forme de prose ou de fragments poétiques épars sont d'une qualité étonnante pour une traduction. Mélancoliques, ces contes et poèmes parsemés d'érotisme mettent en scène prostituées, moines, yôkaï et esprits.



Atsushi Sakai, en posant à petites touches vaporeuses les couleurs sur des photographies à l'origine en noir et blanc, offre aux regards des visions d'un Japon mythique. Les paysages naturels, les demeures traditionnelles, teintés de sépia sur lequel se détachent des femmes parées de rouge, deviennent des lieux intemporels, oniriques. Les femmes au centre de chacune de ces images apparaissent autant comme des victimes que des objets de culte. Tantôt martyrs, tantôt femmes fatales, elles revêtent tour à tour des masques d'extase et de souffrance. Les cordes qui les enserrent, symboles d'un désir cruel, d'une passion dont la douleur est une part nécessaire, fascinent. Elles torturent les corps autant qu'elles les magnifient.