Au cours de ces années qui précèdent la Première Guerre mondiale, une nouvelle génération de peintres "hausse le ton". Comme si les grands bouleversements à venir trouvaient une résonance en peinture. Des deux côtés du Rhin, les tableaux flamboient. Mais à Dresde, Munich ou Berlin, les peintres du groupe Die Brücke - Hecke, Kirchner ou Pechstein - ne réaliseront pas, avant 1907-1908, d'oeuvres comparables à celles des "fauves" - comme les a nommés le critique d'art Louis Vauxcelles, dans le supplément du Gil Blas daté du 17 octobre 1905. Cette année là, le Salon d’Automne voit naître non pas un "mouvement" - par la suite, les fauves réfuteront toujours une telle appartenance - mais déjà une avant-garde, une "formation de combat" en somme, la première que l'histoire de l'art ait inventée. Le ton d'une lettre de Dufy à Berthe Weill, qui fut la première à défendre les fauves dans sa modeste galerie, le montre assez : "Soyez convaincue, lui écrit - il, que vous avez en Matisse, Vlaminck, Derain, Friesz et quelques autres, les types de demain et de longtemps encore ; est-ce assez visible au Salon, voyons ? Comparez l'intensité de vie, de pensée que contiennent les toiles de ces gens-là, à celle de la quantité d'ennui et d'inutilité contenus dans la plupart des autres cadres. " (p.10)