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Citation de armand7000


Catherine Baker
Je ne crois pas du tout qu’une volonté perverse de nos dirigeants ait fait de l’école ce lieu d’oppression réservé aux enfants. Si cela était, un complot aussi génial, une organisation aussi subtile de l’exploitation des intelligences et des énergies ne pourrait provoquer de ma part, devant un tel machiavélisme, qu’une admiration étonnée. Mais ce n’est pas le cas. L’institution scolaire est la résultante de plusieurs dynamiques. John Holt a écrit cette phrase que je trouve infiniment juste : « L’école est beaucoup plus mauvaise que la somme de ses parties[6]. » C’est pourquoi quand un ami enseignant me dit : « Ne suis-je pas gentil avec mes élèves ? », je lui réponds qu’il joue les imbéciles. Qu’il y ait des gens bien intentionnés dans l’Éducation nationale n’empêche pas le carnage. À l’école, une foule de gens apprend à se taire, à penser au son de cloche, à se croire bête. Et jamais ils ne s’en relèveront. Alors c’est vrai qu’ils ont été moulés de façon à mettre leurs gosses à l’école et qu’ils le font sans se poser de questions, mais les cicatrices sont là. D’où ce cri du cœur d’une institutrice, toute « Freinet » qu’elle soit : « N’empêche que j’ai souvent le sentiment d’une solitude, liée avant tout à l’idée même d’École, comme si chacun des adultes, d’une façon inconsciente bien sûr, rejetait cette École en soi parce que c’est l’École et que, fondamentalement, c’est connu, on préfère les vacances au boulot[7] ! » J’apprécie que ce soit elle qui le dise, elle dont la naïveté, pour être polie, ne peut être une excuse au livre qu’elle a commis et sur lequel je reviendrai.

Imagine un instant que l’obligation scolaire tombe et que les parents n’aient aucun moyen de faire pression sur leurs rejetons, pense à tes copains et copines, quel serait le taux de l’absentéisme en classe ? Dis un chiffre…

Les enfants vont à l’école parce qu’on les y oblige. C’est la première chose à regarder en face.

Mais le pire, c’est qu’on nous oblige, adultes, à ne pas y aller ! Si elle n’était jamais obligatoire, une école qu’il resterait à imaginer pourrait intéresser l’un ou l’autre à un moment de sa vie.

Et qu’on ne me parle pas de formation permanente ! Dans l’état actuel des choses, on continue à bien séparer les loisirs, les études, le travail et on ne pourra jamais être en unité de soi tant qu’on nous découpera la vie de cette manière. On a tout lieu de penser que cette formation permanente devient petit à petit obligatoire et qu’elle sert bien d’autres desseins que notre « accomplissement personnel ». Les signataires du Manifeste de Cuernavaca[8] ont vu avec une prodigieuse acuité ce qui nous attend et s’élèvent contre une scolarisation sournoise qui ne fera qu’indéfiniment renforcer le pouvoir de ceux dont le savoir est « certifié » par l’État et estampillé. Ils proposent que chacun bénéficie « d’un temps égal, de ressources financières égales et d’une liberté égale pour apprendre », car « chacun doit avoir accès à toutes sortes de connaissances ».

Pour cela, bien entendu, le plus urgent à faire est de rendre illégaux les diplômes. Illich avec les signataires du Manifeste de Cuernavaca insiste beaucoup là-dessus. Il faut empêcher toute discrimination fondée sur la scolarité. Il est absurde et injuste de juger (en bien et en mal) un homme sur son passé scolaire. Qu’est-ce que c’est que cette pratique qui consiste à se renseigner sur tel ou tel pour savoir s’il s’est montré dans son jeune âge capable de répéter ce qu’on lui demandait de répéter ? Ça rime à quoi ?

Il faut supprimer les diplômes comme le casier judiciaire et pour les mêmes raisons.

N’importe qui pourrait accéder aux facultés et à tout ce qui devrait fort à propos les remplacer. Craindrait-on, par extraordinaire, qu’il n’y ait trop de monde ? Si l’on supprimait les diplômes, gageons qu’on ne se bousculerait pas aux portes…

Tout le monde sait que les diplômes n’ont ordinairement aucun rapport, même lointain, avec la qualification qu’on demande pour un emploi. Pour un travail réclamant telle ou telle compétence, le désir de réussir et une période d’essai ne seraient-ils pas des gages plus sérieux que le casier scolaire ? Nous connaissons tous des gens qui seraient profondément heureux de pouvoir en former d’autres autour d’eux à ce qu’ils aiment faire.

Mais ne comprend-on pas que cela nous est rendu impossible dans la très exacte mesure où l’on nous oblige à vivre l’enseignement sur un mode scolaire et uniquement ?
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