Si tu veux
Nous irons ensemble
Tous les deux
Vers le vieux figuier.
Il aura
Des fruits noirs qui tremblent
Sous le vent
Qui vient d'Orvillers.
Tu iras
L'âme renversée
Sur ta vie
Et je te suivrai.
Le ciel bas
Tiendra nos pensées
Par la lie
D'un malheur secret.
Tu prendras
L'un des fruits de l'arbre
Et soudain
Le fera saigner
Et ta main
Morte comme marbre
Jettera
Le don du figuier.
Le vent vert
Plein du bruit des hêtres
Ouvrira
La geôle du ciel
Je crierai
Comme un chien sans maître
Tu fuiras
Dans le grand soleil.
(Ms., 25août 1915)
p.117-118
Catherine Pozzi envoie ce poème, en août 1915, à André Fernet, jeune aviateur dont elle est amoureuse, avec l'indication suivante : « C'est une espèce de rêve que je me suis récité exactement dans ces mots-là dans la première fièvre de la nuit. Naturellement, je ne le comprends plus du tout. » Son sens ne deviendra clair que l'année suivante : en juin 1916, André Fernet trouvera la mort dans un duel aérien près de Weiher, en Lorraine.