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Citation de FabtheFab


Belle... Il ne se rendait plus compte qu'il montait droit vers "sa" montagne, par le chemin des chèvres, laissant de côté la bastide, César, et la famille. Lorsqu'il le remarqua, il était déjà bien haut et, de toute façon, l'heure du repas était passée ! Dès lors, Sébastien ralentit son allure, jouissant dans la paix de sa conscience des rochers rugueux et des épines de pin qui faisaient une couche odorante et moelleuse sous ses bottes, là où la neige ne les recouvrait pas. Il connaissait sa montagne, certes ! À vrai dire, il ne connaissait même qu'elle. Du Baou à la Demoiselle, il l'avait toujours vue. Il l'aimait. Il savait ses visages avec toutes les expressions qu'elle peut prendre selon les saisons et l'heure du jour. Cela fait une infinité de montagnes différentes, cent et mille montagnes, avec leurs sommets d'où descend l'immense étendue aux courbes à peine sensibles, et les à-pics plongeant vers les gorges. La moraine pierreuse accablée du soleil de l'été n'est pas celle que l'hiver charge de neige, pas plus que celle du printemps, quand les fleurs semblent naître des pierres, que tous les parfums se mélangent dans le bourdonnement des abeilles et qu'éclate la chanson de la grive.
Et les nuits, les nuits douces de clair de lune qui font plus blanches les pentes et alourdissent d'un mystère les profondeurs où mugit la Gordolasque, ne ressemblent pas aux nuits terribles, quand le vent frappe en hurlant aux portes et aux fenêtres et que Sébastien, dans son lit, sent trembler la vieille maison. De sorte qu'au matin, on se demande comment il peut se faire que le monde soit resté le même, qu'il n'en ait pas été transformé, bouleversé au point qu'il devrait être impossible de le reconnaître.
Sébastien les aimait tous, ces visages. Il n'était vraiment heureux qu'en eux et par eux. César ne lui permettait pas de dépasser la fourche que fait la route en été, lorsqu'elle contourne le Baou pour monter au poste de douane, laissant sur sa gauche la piste du Grand Défilé, cette piste que les vieux appellent le couloir maudit parce que, chaque année pendant le redoux, les avalanches y grondent, fracassant tout sur leur passage. Sébastien n'avait jamais désobéi. Il était d'ailleurs bien trop fatigué lorsqu'il montait jusqu'à la fourche, pour continuer encore, et César lui avait appris à ménager ses forces, et à savoir redescendre du même pas qu'il était monté.
Oui, Sébastien connaissait ces choses-là. Il savait aussi reconnaître les bêtes des solitudes que ceux d'en bas ne savent pas voir. Que lui importait l'alphabet qu'Angelina voulait absolument lui apprendre, puisqu'il savait raconter l'histoire d'une trace recouverte de neige fraîche ? Que lui importaient les chiffres, puisqu'il savait les oiseaux qui vont par deux et d'autres par groupes ?... En vérité, Sébastien était bien plus savant que ceux de l'école.
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