Une matinée déjà compliquée se profile. Le soleil ne brille pas à l’horizon. Les embouteillages sont à leur maximum ce matin. Peu importe que j’aie pris les transports en commun. Ne serait-ce que connaître le nombre de kilomètres de congestion ce matin m’agace. Autant dire que le téléphone qui braille pour que je décroche n’arrange rien.
— Camille Julien.
— Bonjour, ma puce, c’est maman. Tu te décideras un jour à utiliser ton vrai prénom ? me répond ma mère sans se laisser décourager par mon ton.
— Maman, tu sais que ce n’est pas possible. Je bosse moi, pas besoin de passer pour la hippie de service, enchaîné-je sans pour autant me radoucir alors que franchement, ce serait la preuve que je suis une fille à peu près décente envers sa mère.
— Mais il te va si bien. Il représente ton essence, ton moi profond. Tu ne dois pas avoir honte de ce que tu es.
— Bon, Maman, je t’aime, mais laisse-moi décider qui je veux être, OK ?
— OK, OK… Bon, j’ai une grande nouvelle !
— Oui ?
— J’ai adopté une nouvelle grand-mère.
— Mais on en a déjà trois et pas un grand-père !
— Oui, eh bien si tu crois que c’est facile. Il n’y en a pas des tonnes des papys sans famille et encore en vie ! Maria est peintre, une féministe d’avant-garde, sans enfant suite à un avortement raté dans les années 60. Son quatrième mari est mort, il y a un an. Elle est géniale.
— J’en suis sure. Mais, honnêtement, on a déjà une mamie nova, une mamie lesbienne et une mamie casse-couilles, alors une autre mamie féministe…
— Ne parle pas comme ça de ta grand-mère Antoinette ! C’est une ancienne institutrice qui s’est dévouée corps et âme pour les enfants des autres. Elle a son caractère, mais elle vous aime.
— Oui, non, mais, Maman vraiment ? Une quatrième ?!
— On n’a jamais assez de famille, mon pain en sucre.
— Pas de pain en sucre qui tient… Maman, tu t’arrêteras un jour ?
— Quand le monde sera un monde de réelle fraternité, et de solidarité, guidé par la compassion envers son prochain quel que soit son origine, son sexe, son…
— Oui, bon, j’ai du boulot, là. Je te laisse.
— Ah oui le grand capital t’appelle. On vous attend dimanche pour le déjeuner dominical, je te présenterai Maria.
— Oui, oui, nous serons là. On vire vraiment famille traditionnelle. Tu sais !
— Oui, je sais ! Ce n’est pas formidable ? Allez, à dimanche, ma puce.
— À dimanche, maman.