Nicolas Chaboteaux et Cédric Porte ont connu le chômage mais de manières radicalement opposées, matériellement s’entend. Le premier est parti licencié économique avec un petit pactole qui lui a permis de rêver en quelque sorte à sa future vie professionnelle avant de revenir sur terre (voir sous terre) sous les coups de boutoir de Pôle Emploi, du marché du travail et des empêcheurs de créer en rond. Le second s’est retrouvé au chômage avant de se retrouver rapidement sans argent, sans femme, sans appartement, sans rien… Ils vont être embauchés au même moment par la société MSS, pour leur plus grand bonheur et leur plus grand malheur. C’est leur expérience qu’ils nous livrent sans fard en dehors des petits coups de rimmels appliqués aux noms des principaux intrigants, pardons dirigeants de la société MSS, rebaptisés selon les trois personnages du film « Le bon, la brute et le truand », j’ai nommé la PDG Sentenza, le secrétaire général Blondin et le directeur opérationnel Tuco.
Livre documentaire ? Livre autobiographique ? Livre caricatural ? Livre dénonciateur ? « Travailler à tout prix » est un peu tout cela à la fois tant il est vrai que les auteurs jurent ne raconter que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dites je le jure, et tant il est vrai que cela parait aberrant. Que l’ensemble des comportements décrits ici puissent se rencontrer dans la vie professionnelle n’est pas en soi un sujet d’étonnement. Que cela puisse se retrouver au sein d’une seule et même entreprise l’est déjà beaucoup plus.
Car s’ils disent vrai, la société MSS est l’archétype de ce qui ne doit pas se faire, tant pour le bien des employés que de l’entreprise. A se demander d’ailleurs comment une entreprise gérée par une main de fer dans un gant du même acabit peut perdurer…
Insultes, avilissement, humiliations, décisions absurdes, incompétences, personnification, toutes les (mauvaises) techniques de management, et uniquement celles-ci, semblent être l’apanage exclusif de la société MSS dont on ne saura jamais ce qu’elle fait réellement.
Ce « Travailler à tout prix » est un témoignage, heureusement vivant, de l’impact du monde du travail sur la psychologie individuelle de chaque travailleur confronté, plus ou moins selon les entreprises, à une dose de stress croissante au fur et à mesure que les entreprises se trouvent soumises au diktat de la sainte trinité : marché, compétitivité et résultat. A chaque échelon, le mot d’ordre semble se résumer à « comment transférer ma pression vers le bas de l’échelle ? ».
Il en va du stress comme du cholestérol, il y a le bon et le mauvais. On a tous besoin d’une motivation qui va au-delà du simple amour de son travail (quand on la chance de pouvoir aimer son travail) et l’environnement professionnel est alors le seul vecteur de performance. Sapez celui-ci, détruisez-le méthodiquement, pourrissez-le consciencieusement, rabaissez-le au rang de faire-valoir, d’entité inutile, anéantissez le et avec lui les bonnes volontés, étouffées par la peur de perdre leur travail, et vous créerez les conditions du mal-être au travail.
Pour avoir, passez-moi l’expression, « le cul entre deux chaises » en qualité de salarié et de représentant d’employeur, je voudrai souligner que si psychologiquement les salariés sont en état de fragilité par rapport à une entreprise, certes toujours personnifiée par un dirigeant humain, les attitudes nuisibles se voient de part et d’autre de la barrière. Certains salariés aussi savent conduire une guerre des nerfs et le droit est souvent de leur côté. Ils ne sont certes pas nombreux mais un salarié avec un peu de jugeote, quelques conseils et beaucoup de ténacité est tout à fait en mesure de pourrir une situation à son profit. Cela se voit par contre uniquement dans des secteurs où l’offre (d’emploi) est supérieure à la demande : les cas ne sont pas légions et il est plus qu’heureux que les salariés puissent trouver dans le cadre de code du travail et sous la férule des Prud’hommes de quoi protéger leurs intérêts… sous couvert de faire montre d’une patience à toute épreuve.
En fait, « c’est comme dans tous les troupeaux », disait Coluche, « il y a des brebis galeuses ». Il omettait toutefois de comparer la taille des troupeaux : celui des employeurs est beaucoup plus restreint que celui des salariés, je vous laisse faire les calculs de proportions…
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