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Citation de Charybde2


À huit ans, il entre au Talmud Torah. Il en sort quatre ans plus tard. À douze ans, il lit Martin Eden de Jack London et rêve d’horizons lointains : Moscou, Saint-Pétersbourg, Berlin, Jérusalem, c’est la litanie qu’il se récite chaque soir en s’endormant. Son premier larcin, c’est une carte de géographie qu’il vole dans les vestiaires de la compagnie maritime d’Odessa et épingle sur un mur en face de son lit. Il est fasciné par les pointillés des voyages transatlantiques. Le soir, il s’entraîne à mémoriser le tracé des frontières, le contour des océans et des déserts. Le relief des montagnes. Il gravit en pensée les plus hauts sommets du Tibet, et redescend du côté opposé pour se perdre en Perse, en Chine. La mer Noire ? Un sas vers la Méditerranée qui lui ouvre les portes de l’Orient, de l’Afrique, Constantinople, Marseille, Tanger, le détroit de Gibraltar…
En attendant, il doit gagner sa vie. En 1913, Iakov est élève dans le bureau électrotechnique de Karl Franck, puis dans l’atelier d’Inger où il gagne vingt à trente kopecks quotidiens. Le jour, il monte les fils électriques dans les maisons privées et dans les entreprises. La nuit, il répare l’éclairage des trams au dépôt Richelievski pour une société belge. Parfois, il travaille comme assistant électricien au Théâtre russe d’Odessa. En 1916, on le retrouve à l’usine de conserves des frères Avitch et Izraïlson. Il saute d’un emploi à l’autre sans qu’on puisse déceler une logique à cette instabilité.
Il a quatorze ans à la déclaration de guerre, dix-sept, l’année de la Révolution. Un an plus tôt, il a rejoint les socialistes révolutionnaires de gauche, auréolés du prestige de l’Organisation de combat d’Azev et Savinkov, qui sème la terreur dans la Russie tsariste depuis le début du siècle. Iakov lit beaucoup. Il écrit lui-même des poèmes, assez mauvais, dit-on. Cependant, ses vers sont publiés dans la gazette Kolossia, dans le journal pour enfants Goudok et même, une fois, dans le journal le plus important de la ville, « La feuille d’Odessa ». Dans la chambre du jeune Blumkine, il y a des brochures aux couvertures rouges dont les titres dessinent un itinéraire intellectuel tout autant qu’un chemin vers l’action. La nuit, il déchiffre péniblement Le Capital de Marx et récite à haute voix des passages entiers du Catéchisme révolutionnaire de Netchaïev.
Jeté à la rue très tôt, il découvre en même temps les luttes sociales et le monde des bandits de la Moldavanka, l’élite juive d’Odessa et les combats de rue. Son frère Isaïe et Léo, le cadet, étaient journalistes pour les journaux d’Odessa, un autre de ses frères, Nathan, deviendra un auteur dramatique reconnu sous le nom de plume de « Basilevski ». Léo est anarchiste. La sœur, Rosetta, sociale-démocrate. On imagine les discussions le soir autour de la table. Depuis 1905 cela ne cesse pas. Il y a la paysannerie et le prolétariat. Grèves. Occupations. Manifestations. Les brochures du parti bolchevique. Les articles compliqués de Lénine. La théorie de l’impérialisme. Dans les bistrots grecs du port, les discussions vont bon train autour des billards. Mencheviks, bolcheviks, populistes de Volonté du peuple, socialistes révolutionnaires s’affrontent. Iakov cherche encore sa voie.
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