Claudio Villa

Tex l’implacable.

Dans le ville de Tucson, en Arizona, la potence est montée en place publique afin d’exécuter un dangereux criminel, Harry Logan qui ne semble pas se soucier outre mesure de sa pendaison imminente. Le shérif Tom Rupert et ses adjoints sont sur le qui-vive car ils craignent un coup de main des deux autres frères Logan, Manuel et Simon afin de délivrer le condamné à mort.

Sur une base classique, Mauro Boselli a mixé tous les ingrédients en les nuançant et propose une histoire linéaire pleine de coups fourrés bien agréable à lire. Les frères solidaires mais ennemis, les attaques indiennes et mexicaines, les morceaux de bravoure, le duel final, tout concourt à plonger le lecteur dans l’univers immersif du western. Le récit concocté par le talentueux scénariste, en déroulant de nombreux cas de figure du genre, apparaît plus comme un prétexte à mettre en avant l’immense talent graphique de Claudio Villa. Le dessinateur peut ainsi jouer sur de nombreux registres. Tout est de haut vol chez cet artiste majeur du 9e art. Le travail des ombres, l’expressivité des visages en gros plan, la justesse et l’équilibre des corps en mouvement, la science des cadrages, la dynamique de la mise en page, le jeu des perspectives, le luxe et la véracité des détails, chaque case est un régal visuel. Son œuvre était attendue depuis des années dans la collection grand format « Tex, albo speciale » qui rend justice au travail d’orfèvre du dessinateur transalpin. Pour un prix abordable de 8,90 €, le lecteur italien peut parcourir les 240 planches (21 cm x 30 cm) alors que le lecteur français découvrira quelques-unes de ces pépites traduites et vendues quatre fois plus cher.

Le ranch des hommes perdus

Long-Couteau, Cheyenne belliqueux entraîne sur le sentier de la guerre un groupe de guerriers déterminés et arrive à convaincre le chef Tête-de-Pierre de s’unir à sa croisade. Lisa Gorman, la fille d’un éleveur de la région est enlevée provoquant le désarroi de son père. Tex et Carson vont tout essayer afin de soustraire la jeune femme des mains de Long-Couteau et la ramener saine et sauve. Un important détachement de cavalerie menée par le général Carrington se déploie pour pacifier la région. Les rangers devront agir vite et bien s’ils veulent éviter un bain de sang dans lequel beaucoup d’innocents se noieront.

Claudio Villa (né en 1959) a vingt-sept ans lorsqu’il dessine en 1986 sa première aventure de Tex Willer dans le mensuel éponyme sur scénario du créateur de la série Gianluigi Bonelli (1908-2001). Œuvrant d’abord sur la série médiévale « Enguerrand et Nadine » (1980) aux Studios Franco Binotti puis sur la série SF « Gun Gallon » créée par Lina Buffolente, réalisant ensuite quatre histoires complètes de « Martin Mystère » (à partir de 1982) chez Bonelli Editore, il dessine enfin en tout et pour tout six aventures de Tex Willer (1986-2002, soit les nos 311-312, 328-330, 354-357, 381-384, 423-425, 501-504) avec une précision, une élégance et une beauté graphiques réjouissantes et rarement égalées. N’importe quelle image est une merveille, prise isolément ou insérée dans l’heureuse succession des planches. Le tempo est irrésistible. Gianluigi Bonelli a conçu une histoire classique où une faction cheyenne prend les armes, tue, kidnappe, incendie les ranchs alentour. La cavalerie est en route mais les Blancs doivent d’abord compter sur leur force et leur détermination. Les deux rangers Tex Willer et Kit Carson pèsent dans la balance et s’ils cherchent avant tout à éviter les massacres d’innocents, ils n’en expédient pas moins ad patres d’un « zip » ajusté moult sauvageons des prairies. Le récit se clôt dans les vingt premières pages du n° 312. Claudio Villa a séduit et conquis le lectorat du ranger texan dès sa première tentative. Il réalisera deux ans plus tard une histoire de Tex imaginée par Claudio Nizzi (qui sera son scénariste attitré), plus étoffée courant sur trois nos puis dès le mois de mars 1994, à partir du n° 401, les couvertures de Tex mensuel jusqu’à aujourd’hui pour le plus grand bonheur des aficionados.

Duel infernal

Revenu au camp indien, Faucon Noir accuse Tex Willer du meurtre de Nez Plat pendant que le ranger, Carson et Tiger Jack sont coincés dans une grotte sous la surveillance armée de guerriers Utes. Le meurtrier, prétendant éconduit, provoque la colère et le désir de vengeance des Indiens dont celle de Tonkawa, amoureux de la fille du chef défunt. Faucon Noir risque de réussir son plan machiavélique en faisant s’entretuer le père et le fils et en cueillant Fleur de Lune au passage. Simon Gentry le Comanchero honni, à l’origine de ces sombres manigances, espère éliminer par personne interposée l’opiniâtre ranger collé à ses trousses. La confrontation finale sera de toute manière douloureuse et mortelle.

Dans ce sombre récit où l’amour est mis à mal, Claudio Villa clôt la tragédie imaginée par le scénariste Claudio Nizzi avec une maîtrise graphique qui procure beaucoup de plaisir au lecteur. L’histoire est prenante mais le regard ne peut s’empêcher de se poser avec délice sur les détails où tout est à sa place, avec évidence et aplomb, baignant dans une beauté formelle et impavide. Dès mars 1994, Claudio Villa s’attèlera à la réalisation des couvertures couleur de la série mensuelle chez Bonelli, réduisant ensuite ses réalisations d’histoires complètes du célèbre ranger texan, rendant son œuvre passée toujours plus goûteuse à chaque nouvelle lecture. A noter que jusqu’en décembre 2003, les éditions SEMIC ont publié sur le marché français les aventures de Tex Willer dans le mensuel petit format « Rodéo ». Depuis treize ans, le vide s’est installé dans le paysage éditorial français hormis le passage de la comète Clair de Lune, petit éditeur français courageux mais éphémère et lacunaire.

Le mystère du parchemin

Cherchant à démanteler un trafic d’armes à la frontière du Rio Grande, Tex Willer et Kit Carson pistent les trafiquants jusqu’au village de Matamoros débouchant sur le golfe du Mexique. Le soir, à la recherche d’une auberge, ils viennent au secours d’un Indien molesté et blessé à mort par trois marins. Mettant en fuite les assassins, ils récupèrent les dernières paroles de l’Indien ainsi qu’un mystérieux parchemin que seul El Morisco pourrait déchiffrer. Tex ramasse aussi le béret d’un marin, perdu lors de l’algarade. Dessus est inscrit le nom du bateau « Moctezuma ». Il ne reste plus aux rangers qu’à se rendre à bord mais les marins sont sur le qui-vive et la partie à jouer s’annonce rude.

Après l’enchanteur Claudio Villa, le plaisir est grand de tomber dans les rets du grand Marcello en verve dans une histoire où les trognes croquées d’un trait vigoureux grimacent au souffle de l’aventure. La suite se développe et se clôt dans les nos 425, 426 et 427.