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Citation de Charybde2


Sortie se promener.
Si elle le pouvait, elle emporterait toutes les toiles, trouverait un autre magasin abandonné, une vitrine plus propre, la vieille épicerie ferait l’affaire, sa devanture bleue, les stores crème, ça irait avec la signature du vieux Ladier. Elle se mettrait à son compte. On pourrait même dire que ce serait un genre de galerie, avec une entrée pour les visiteurs, les peintures en devanture et aux murs, elle au rez-de-chaussée, comme maintenant, à guetter le client. Un magasin plus propre et sans le vieux. Elle n’en peut plus de ses piétinements et de ses airs de pauvre chien qui ne sert à rien et qui mange par-dessus le marché, alors qu’il est inutile, son riz froid à pleines plâtrées – terminé le temps des gâteaux. Compte pas sur moi pour une tarte aux pommes ou un opéra. Elle les nomme – ce sont ses préférés – pour le voir saliver, lèvres luisantes, pointe de la langue, elle pourrait presque s’attendrir, à cause de son museau tout blanchi de vieux renard. Pas fière allure le cheminot peintre, dit-elle pour l’enfoncer davantage dans la boue du décor. Opéra et tarte aux pommes qu’on ne me vendrait pas de toute façon, console-toi comme ça, la boulangère ne voudrait pas que j’entre dans sa boutique et que j’aille jusqu’à la caisse – pour vivre chez nous, il doit falloir un masque à gaz. Elle l’a dit devant moi, la fausse blonde aux yeux bleus et aux trois brioches pour deux euros. Elle dit aussi que tu m’as amenée là, elle renseigne les curieux, un père et sa fille croyez-vous, oh que non, des amants. Enfin, chacun fait ce qu’il veut, du moment que ça reste chez soi.
« Ça », tu te rends compte, elle dit « ça » pour parler de nous.
Elle se cause. Ma belle jouvencelle aux dents en allées, une de partie comme ça, tombée de la gencive, puis un mois après, une autre. T’as peut-être envie de ressembler au vieux à force de vivre avec lui. Eh bien, qu’il dégage ! La moitié de la mâchoire soudain vide, la langue là-dessus, peau lisse et douce du nouveau-né, la langue faisant désespérément le tour du propriétaire. Les nerfs et la peur qui grandit face au miroir. T’as de beaux yeux encore et un beau bout de nez, un nez qui n’a presque pas bougé depuis l’enfance, une petite boule au bout, une drôle de petite boule, elle te vient du grand-père aux origines grecques, un maçon de rien du tout, et le père, employé à la cimenterie, puis peintre, surtout peintre d’église comme on lui aurait fait l’aumône, et toi, eh bien rien, à part la peinture du cheminot et tes séances de pose.
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