Les premières guerres modernes sont rarement utilisées comme inspiration pour une œuvre de fantasy. Les représentations communes sont celles des no man’s land apocalyptiques et des tranchées accompagnées d’un gaspillage de vies humaines à la moindre décision « stratégique », conséquences d’une toute nouvelle industrie militaire développée pour servir les ambitions des oligarchies au pouvoir. Guère de place au merveilleux, au dépaysement folklorique et au manichéisme. Pour autant, la fantasy « médiévaliste » occidentale n’est pas avare de montrer des charniers et des moralités à géométrie variable quand les armes sont épées et catapultes et les dirigeants rois et chevaliers. Avec Wizard of the battlefield, Hiyama Daisuke propose un manga de fantasy militaire moderne où les personnes dotées de capacités magiques sont réquisitionnées par les états major des deux camps. Avec l’ampleur et l’enlisement du conflit, les sorciers et les sorcières deviennent des ressources stratégiques pour l’empire Bandchou et la république de Lordland. Ainsi, notre héroïne Haru Amagi, possédant la faculté de « voir » la vie des gens, a été formée pour devenir une tireuse d’élite capable d’atteindre sa cible dans des conditions hors de portée du soldat ordinaire. Elle est d’ailleurs surnommée « le diable noir ». En effet, les personnes dotées de capacités magiques sont reconnues mais encore difficilement acceptées par le plus grand nombre. Sa rencontre tragique avec une officier ennemie, Schneider « le fantôme », va lui donnait un puissant objectif pour traverser ce conflit : la vengeance.
Malgré la gravité et la violence de l’univers, ce manga est surtout un concentré d’action qui fait la part belle à une dramaturgie de mission commando. Avec cette série finalisée en quatre tomes, le mangaka propose un récit efficace, sans prétentieux mais maitrisé. La caractérisation de Amagi est d’ailleurs fort bien intégrée au contexte : déterminée et redoutable lorsqu’elle a un but, elle n’en reste pas moins aussi fragile qu’un soldat ordinaire si elle est isolée, que se soit physiquement ou émotionnellement. D’ailleurs une fine équipe hétéroclite va plus ou moins graviter autour d’elle, ce qui donne régulièrement lieu à des échanges cocasses entre partenaires de mission à hauts risques. Un lieu commun dans les fictions de guerres, mais c’est ici bien utilisé, sans excès ou fausses notes.
D’ailleurs, même si le lectorat suit principalement notre opiniâtre Amagi, des passages centrés sur Schneider ou d’autres membres du camp adverse viennent leur donner une certaine consistance. Cela évite l’erreur de faire penser et agir des antagonistes uniquement selon leur rapport avec un protagoniste. En fait, tout le monde essaie de survivre physiquement, puis trouver un sens à son passé et, si possible, essayer d’avoir un avenir. Même si de parfaites ordures caricaturales sont dépeintes dans le camp adverse de notre héroïne, il y a généralement pas mal d’ambigüité des deux côtés des tranchées. Tout le monde a du sang sur les mains, seules les justifications morales et les contraintes changent. Côté dessin, le style graphique est très classique mais bien adapté aux propos : simple mais capable de donner une identité à un nombre conséquent de personnages et proposer quelques fulgurances pour représenter des moments de grandes tensions.
Chose appréciable, le manga se conclut de manière cohérente avec le ton qu’il a maintenu sur l’ensemble de ces chapitres. Et, au final, le dernier tome est refermé avec la sensation qu’il n’y a rien eu en trop ou en manque, et que le divertissement a été de qualité.
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