Le barman a de nouveau rempli les chopes de liquide mousseux, pendant que les policiers se rapprochaient de M. Cain, ravis par son geste généreux. J'ai remarqué qu'il avait aperçu son image dans le miroir incliné qui, au plafond, dominait le comptoir, et je me suis demandé si, à cet instant, il se voyait comme nous le voyions tous : une grande asperge au visage émacié, manquant d'un petit peu d'expérience, et qui, au terme d'un long hiver, avait gardé du soleil sur les joues, vestiges d'heures passées dans les champs et les routes poussiéreuses de son sud natal. Sa coupe de cheveux trahissait le péquenaud fraîchement débarqué de la cambrousse. Dans cette salle peuplée d'individus aux origines lointaines, il était le seul véritable étranger.