Il était tout à fait calme, du moins en apparence, lorsqu'il senti dans ses reins le fusil à deux coups qui y mettait un huit horizontal. Des paysans armés de massues, haletants et crasseux, commençaient à sortir des fougères. Louise était au premier rang ; les yeux brillants, elle se signait précipitamment. Sous ses pieds gisait la canne de mon père, écrasée comme un serpent venimeux. Mon père semblait tout à fait calme et sa voix ne trembla pas un seul instant. Il se pencha pour ramasser son chapeau puis chercha sa canne du regard. Il commença soudain à s'agiter gauchement, à se dandiner d'un pied sur l'autre comme un canard et ses mains se mirent à trembler comme celles d'un alcoolique. Il ajusta son chapeau avec soin pour cacher l'émoi et la panique qui s'étaient emparés de lui dès l'instant où il s'était vu désarmé, puis il plongea sa main dans sa poche pour chercher une Symphonie.
« Prends garde, Tot, il est peut-être armé », dit quelqu'un.
Mais mon père avait déjà retiré sa main de sa poche et tout le monde vit le morceau de journal qu'il porta à son nez et dans lequel il se moucha. (Toute émotion éveillait en lui de fortes perturbations du métabolisme et une abondante sécrétion de liquide. Je savais que, s'il sortait vivant de ce mauvais pas, son premier soin serait d'aller uriner derrière un buisson en pétant bruyamment.)